GARDEN LAB L’AGRICULTURE COMME PROJET PERIURBAIN

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En 2008, Christian Amiraty, alors membre au Parti Socialiste, remporte les élections municipales. Il est réélu en 2014, en tant que divers gauche, et gouverne la commune depuis lors avec une large union de gauche, incluant le Parti Communiste Français et les Verts. Le premier mandat du maire est largement dédié à l’assainissement de la situation financière de la commune. Fin 2007, la ville était en effet proche de la mise sous tutelle par l’Etat, avec une dette de 12,5 millions d’€ et une épargne nette négative (-500K€), alors même que la ville sortait d’une période de 13 ans de sous investissements manifestes (1,5 M€ par an en moyenne contre 3M€ pour les communes de la même strate démographique)65. Une autre priorité est le rattrapage du déficit en équipements publics de la commune. Se définissant lui-même comme un urbain, Christian Amiraty a grandi et vécu à Marseille avant de s’installer à Gignac, et n’a aucune origine agricole familiale. Il débute sa carrière politique à travers des combats pour les droits de l’homme et auprès de syndicats ouvriers. Néanmoins, le territoire sur lequel il est élu a une forte vocation agricole, dont le déclin est souligné dans plusieurs études et documents d’urbanisme publiés peu de temps avant son élection. A partir des années 2000, la Chambre d’agriculture défend activement le devenir de la plaine agricole de Châteauneuf (en partie sous l’impulsion de son Président de l’époque, Didier Gilles, originaire de Châteauneuf-les-Martigues). En 2004, dans le cadre de l’élaboration de SCoT de la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole, la Chambre publie un diagnostic qui frappe les esprits et donne lieu à de nombreux débats : ce diagnostic indique que l’agriculture n’occupe plus désormais que 3 % de l’espace communautaire, en recul de près de 60% en 20 ans. A partir de ce constat, la CU inscrira la préservation des terres agricoles dans le PADD de son SCoT. La Directive territoriale d’aménagement (DTA) des Bouches-du-Rhône, approuvée en 2007, confirme le rôle majeur des espaces agricoles périurbains, dont ceux de Gignac, dans l’aménagement du territoire et exprime la nécessité de pérenniser ces espaces. Dès sa première élection, le programme politique de M. Amiraty se base donc sur la valorisation de la vocation agricole du territoire.

Les premières actions : la contrainte, entre préemptions et pouvoirs de police 

Une opposition forte à l’urbanisation de la Pousaraque Aux origines du projet agricole communal, se trouve une opposition politique du maire nouvellement élu à une poursuite de l’urbanisation sur la commune voulue par l’équipe municipale précédente et la CU MPM, en un point précis : la coupure verte entre Laure et Gignac. La commune est marquée par des césures importantes, reflétant l’histoire de son urbanisation progressive : la césure entre le hameau de Laure et le centre plus ancien du bourg de Gignac, celle créée par la route départementale  notamment le quartier de Figuerolles, et enfin le quartier dit Les fortunés, séparé du centre de village par une autre coupure agricole. Le maire précédent, soutenu par la communauté urbaine, avait le projet de réunir les zones urbanisées de Laure et Gignac en une seule continuité urbaine. Pour cela, il s’agissait de renforcer la centralité naissante autour de la Pousaraque, où l’on trouvait déjà une poste, un supermarché, et un cabinet médical. L’idée avait donc du sens en termes d’aménagement urbain : avec un terrain plat, bénéficiant d’une très bonne accessibilité avec la desserte par la RD1254, et des réseaux déjà installés, l’urbanisation aurait été réalisée à un coût raisonnable. Mais M. Amiraty a en tête l’exemple voisin de Vitrolles, où l’on a tenté de donner une unité à la ville en reliant le vieux village et la ville nouvelle par des créations de logement et des zones commerciales. Il refuse donc cette option et préfère s’attacher à récréer un sentiment d’appartenance commun à la ville, en créant un lieu de rencontre entre ceux qui se pensent encore comme des « laurains » et les gignacais, tout en préservant le caractère encore agricole et naturel de la zone. « J’étais contre. Le but de cette urbanisation était de réunir les deux communes en gommant leurs identités. Nous l’avons vu avec Vitrolles nord et sud, qu’un grand boulevard urbain réunit sans pour autant créer un sentiment d’appartenance commun : cette politique est un échec. Ce qui pouvait réunir Laure et Gignac, c’était un lieu de rencontres ». Dans le PLU de 2007, la zone est donc classée en AU1a) : une « zone insuffisamment équipée dont l’ouverture à l’urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d’urbanisme. Sa vocation future principale est l’habitat ainsi que tous les services, commerces et activités qui y sont liés ». Le déclenchement de l’urbanisation (passage en zonage U) étant toutefois conditionné à une modification du PLU, le maire est en mesure de contrôler la situation en l’état. Aucune démarche n’est donc mise en œuvre au niveau règlementaire, ce qui suffit à bloquer l’urbanisation. 

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La lutte contre le détournement d’usage des terres agricoles

En parallèle, l’action du maire cible la lutte contre la cabanisation des terres, qui consiste en l’implantation sans autorisation, dans des zones le plus souvent agricoles ou naturelles, de constructions ou d’installations diverses : baraques, caravanes, résidences mobiles de loisirs, habitations légères de loisirs, constructions en dur occupées épisodiquement ou de façon permanente, etc.66 . Le secteur de Bricard, zone agricole à l’Ouest de la commune, est particulièrement touché, en raison de son caractère isolé d’une part, et du fait que le maire précédent avait autorisé des compteurs électriques provisoires. Des familles se sont installées, dans des caravanes ; elles ont scolarisé leurs enfants dans les écoles communales, et sont restées. 66 « Agir face à la cabanisation », guide de procédures à destination des maires, Préfecture des Pyrénées Orientales, juillet 2016 Figure 22: La « coulée verte » entre le hameau de Laure (à l’Ouest) et celui de Gignac – Source : Géoportail Olivia Reygnier – Mémoire de recherche Master 2 IUAR 36 En 2010, M. Amiraty s’associe au maire de Septèmes-les-Vallons, Patrick Magro (PCF à cette époque), commune voisine elle aussi largement impactée par ce phénomène ; ils saisissent la procureure d’Aix et les services de l’Etat pour trouver une solution à la lenteur des procédures administratives et judiciaires contre les occupants illégaux (due au nombre important de dossiers). Des réunions rassemblant plusieurs commissaires de police, le sous-préfet, la procureure, le maire, sont organisées, sous protection de la gendarmerie. A partir de cette coordination justice-administrations-maires, le traitement des affaires par le tribunal d’Aix-enProvence devient plus rapide et plus efficace. En 2013, la procureure d’Aix-en-Provence s’empare du sujet67 et met en place le 22 mars 2013 un dispositif spécial, le Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) afin de traiter en urgence une dizaine de cibles, “les plus ancrées et les plus compliquées sur le plan judiciaire”. L’urbanisme, les déchets et l’environnement, le travail dissimulé et la santé publique avec les logements insalubres dessinent les contours du premier GLTD de ce type, mis en place par les procureurs dans des situations identifiées comme prioritaires. La reconquête des terres agricoles s’engage donc par une action coercitive forte, mobilisant les pouvoirs de police du maire et démontrant d’un certain courage politique et personnel : car en arrière fond on trouve une violente opposition communautariste (présence de populations gitanes) et l’ombre du grand banditisme marseillais dont certaines figures présumées, impliquées dans des histoires de grande criminalité, habitent à proximité. Le maire est visé par des tirs par balles sur son véhicule et placé sous protection de la police pendant quelques semaines. La procureure Dominique Moyal indiquait en 2014 que « le sentiment d’impunité qui était total a été retourné parce que nous avons mis en place des opérations d’envergure”, c’est-à-dire un dispositif impliquant la police nationale, l’URSSAF, la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), la gendarmerie et la police municipale. En quinze mois de dispositif, les cibles majeures ont été atteintes, jugées et condamnées. C’est le cas d’une reconstitution d’un village western destiné aux associations country du cru, installée de manière illégale sur les terres agricoles de Gignac, dont le propriétaire était fortement suspecté d’être un « marchand de sommeil ». En 2011, le tribunal d’Aix-en-Provence a condamné les propriétaires et l’association Club western d’élevage et d’agriculture à détruire certains bâtiments annexes, alors qu’il y avait prescription sur d’autres bâtiments illégaux. En janvier 2014, un procès-verbal (PV) pour infraction au code de l’urbanisme a été dressé pour de nouvelles constructions de chalets et pour l’installation de douze mobile-homes. Le préfet a de plus délivré un arrêté d’insalubrité en mars 2014 avec interdiction d’habiter les lieux.

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