Motivation
C’est d’avantage dans des modèles physiques à petite échelle que la tension de surface et la viscosité affectent le comportement du fluide. On peut trouver de nombreux exemples d’applications de contrôle d’interface fluide dans [3, 55]. Par exemple, certaines technologies microfluidiques utilisent des gouttelettes immergées dans un fluide comme contenant et moyen de transport ou comme catalyseur pour des réactions chimiques. Le contrôle de l’interface entre les gouttelettes et le fluide peut permettre d’éviter les pertes dans le transport, d’en optimiser sa vitesse, d’observer les réactions chimiques. Un autre exemple plus proche de notre géométrie, fourni par [8], concerne la production d’aluminium par électrolyse. Dans un tel procédé, le liquide de la couche basse est de l’aluminium liquide et celui de la couche haute de l’alumine liquide. Les électrodes sont plongées dans l’alumine et le passage des ions transforme l’alumine liquide en aluminium liquide qui rejoint la couche basse. L’aluminium liquide ne doit pas entrer en contact avec les électrodes durant l’électrolyse. Il faut donc éviter des effets oscillants de l’interface entre l’aluminium et l’alumine.
Une autre application est celle de la stabilisation des instabilités de Rayleigh-Taylor. Ces instabilités se produisent lorsqu’on superpose deux fluides non miscibles sur des couches parallèles, le plus lourd surplombant le plus léger. Cette configuration est un état d’équilibre, fortement instable sous l’effet de l’attraction terrestre. Cette instabilité a été découverte par Rayleigh à la fin du dix-neuvième siècle [59]. L’apport de Taylor au milieu du vingtième siècle a été de montrer qu’il s’agit exactement de la même instabilité que lorsque l’on accélère le fluide léger dans la direction du fluide lourd [69]. Pour plus d’informations sur les instabilités de Rayleigh-Taylor, on peut se référer à [44].
Résultats antérieurs
Les premiers résultats sur les systèmes à deux fluides non miscibles sont très récents. Dans le cas où l’effet de tension de surface est prise en compte, nous avons des résultats d’existence locale en temps de solutions fortes dans des espaces de Sobolev et de Hölder en dimension 3 [19, 20, 23, 24] et des résultats d’existence globale en temps à données petites : [67] en dimension 3, [43, 57] en dimension d et dans les espaces Lp vérifiant p > d + 2 pour [43] et p > d + 3 pour [57]. Dans le cas d’une interface quasi plate, Prüss et Simonnett [57] montrent que les équations sont vérifiées au sens classique et que les solutions deviennent instantanément analytiques. Dans le cas où l’on ne prend pas en compte l’effet de tension de surface, d’autres résultats d’existence existent : existence de solutions faibles [1, 51, 66], de solutions fortes [22], de solutions classiques [21].
Les systèmes à deux fluides non miscibles sont aussi très fortement reliés aux problèmes de frontière libre. Dans son travail pionnier sur les ondes de surface, Beale [11] prouve un résultat d’existence et unicité globale en temps à données petites. Sur le même système dans une géométrie périodique, Nishida et al. [50] montrent que la solution décroit exponentiellement vers la configuration plate à vitesse et pression nulles. Si l’on ne considère pas l’effet de tension de surface, d’autres résultats d’existence et de décroissance existent [64, 10, 40, 39].
A ma connaissance, la littérature sur la stabilisation et le contrôle d’interfaces entre deux fluides visqueux est peu développée. Cependant, la stabilisation du système de Navier-Stokes sans interface par contrôle frontière a connu un rapide essor ces 20 dernières années. On peut citer les travaux pionniers de Fursikov [33] en dimension 2 et [34] en dimension 3, qui montrent l’existence d’un contrôle sous forme d’un feedback dépendant du temps. Ces travaux ont été améliorées en dimension 2 par Raymond [60] par résolution d’une équation de Riccati algébrique et obtention d’un feedback indépendant du temps. En dimension 3, des conditions de compatibilité sont obligatoires pour un contrôle sous forme de feedback. Raymond [61] propose donc l’utilisation d’un feedback qui dépend du temps seulement sur un voisinage de t = 0. D’autres résultats de stabilization existent en dimension 3 : par exemple, avec des contrôles frontières tangentielles [9], avec un contrôle sous forme d’intégrateur [4], avec un feedback mais un ensemble restreint de conditions initiales [5], avec un feedback de dimension finie [62].
Enfin, concernant les instabilités de Rayleigh Taylor, Prüss et Simonett [56] ont montré que dans Rd, l’état d’équilibre plat pour [ρ] > 0 était inconditionnellement instable. Tice et Wang [72] ont montré que dans la géométrie du tore dans laquelle nous travaillons, il existe une surface de tension critique σc > 0 tel que l’état d’équilibre plat pour [ρ] > 0 est stable pour σ > σc et instable pour σ ∈ (0, σc).
Gain de régularité sur le système linéaire
Le résultat de régularité sur les semi groupes analytiques exponentiellement stables [12, Part II, Chapter 1, Theorem 3.1, page 43] nous donne z ∈ H1(0, +∞; Ze) ∩ L2(0, +∞; D(Ae; Ze)). Cependant cette régularité n’est pas suffisante pour estimer convenablement les termes non linéaires.
Pour augmenter la régularité, la stratégie classique consiste à dériver l’équation en z (3 .7) et obtenir z0 ∈ H1(0, +∞; Ze) ∩ L2(0, +∞; D(Ae; Ze)), puis à écrire (3 .7)1 sous la forme Aez(t) = z0(t) −F (t) −Bf (t) −ωz(t) pour tout temps t > 0 et à utiliser des résultats de régularité obtenues sur le problème stationnaire. Cependant, dans notre cas, les régularités stationnaires pour un second membre z0 ∈ L2(0, +∞; D(Ae; Ze)) ne sont pas satisfaisantes car D(Ae; Ze) n’est pas un niveau de régularité stationnaire optimale pour des seconds membres. Cela vient essentiellement du fait que le gain de régularité stationnaire sur la vitesse est de 2 alors que le gain de régularité sur la hauteur est de 1 (voir l’estimée (3 .11)). Il manque donc une régularité de 1 en espace sur ∂th. Pour atteindre cette régularité, notre idée est de dériver deux fois le système (3 .6) dans la direction tangentielle de puis de réutiliser [12, Part II, Chapter 1, Theorem 3.1, page 43] afin d’en déduire une estimée maximale en espace sur ∂th. La régularité sur z0 est alors optimale pour utiliser les résultats de régularité sur le problème stationnaire.
Les estimées dans des espaces de Sobolev intermédiaires sont obtenus par interpolation.
Stabilisation du système non linéaire
On se place dans le cadre du théorème de point fixe de Picard. Les estimées sont classiques et les méthodes similaires à celles du Chapitre 2. Remarquons que la multiplication de la vitesse v du système (3 .1) par cof(rX)T transforme l’équation d’évolution de k (3 .1)6 en ∂t(e−ωth) = e−ωt ud et permet de conserver la condition d’incompressibilité. Cette multiplication par cof(rX)T a pour inconvénient de demander une forte régularité en espace sur h. Nous l’obtenons grâce à l’effet régularisant de la tension de surface à travers le couplage (3 .6)5, puis par un argument de relèvement de h sur tout le domaine Ω.
Remarques additionnelles et perspectives
Ce résultat ainsi que sa démonstration ouvrent plusieurs perspectives :
L’unicité
De nouveau, l’unicité de la solution construite dans le Théorème 3 .1 n’a pas été prouvée. Cependant, contrairement au Chapitre 2, rien ne semble s’y opposer, car les solutions sont dans des espaces de fonctions continues en temps à valeurs dans l’espace des conditions initiales :
u± ∈ C([0, +∞); H1+`(Ω±)) et h ∈ C([0, +∞); H2+`( )).
Etat stationnaire excité
On peut se demander si on est capable de stabiliser notre système autour d’un état stationnaire excité. Cette étude nous permettrait par exemple de traiter les instabilités de type Rayleigh-Taylor. Un premier pas vers cette démarche consisterait à traiter les équations d’Oseen dans l’étude du linéaire. Cependant il est à noter que le système linéarisé autour d’une solution stationnaire excitée ne se limite pas à un changement de l’équation de Stokes par l’équation d’Oseen dans (3 .6) (voir le système linéarisé dans l’étude des instabilités de Rayleigh-Taylor [56, 72, 73]).
En ce qui concerne l’étude des équations d’Oseen, la preuve actuelle semble tout à fait adaptable. Cependant, je pense que le contrôle devra se faire de chaque côté de la frontière. En effet, pour prouver la propriété de prolongement unique, nous utilisons le fait que 0 ne peut pas être valeur propre pour le système adjoint (3 .12). Cela nous permet de déduire k = 0 par l’équation (3 .12)6 et de transmettre le tenseur des contraintes à travers par (3 .12)5. Dans le cas des équations d’Oseen, il n’y a à priori pas de raison pour que 0 ne soit pas valeur propre du système adjoint. Lorsque λ = 0, l’équation (3 .12)6 ne fait plus intervenir k. La transmission des informations à travers est donc moins claire, ce qui laisse penser qu’un contrôle sur le second fluide est nécessaire.