Etude des mécanismes de fractionnement isotopique du bore lors de son interaction avec les acides humiques et les oxydes de fer et de manganèse
Mesures
Potentiométrie
Titrations potentiométriques des complexes du bore en solution. La potentiométrie est fréquemment utilisée pour déterminer la constante d’équilibre d’une réaction chimique en solution qui libère ou consomme des protons. Elle consiste à mesurer, à l’aide d’une chaîne potentiométrique, la variation de pH qui accompagne la réaction chimique étudiée. La constante d’équilibre de la réaction étudiée s’obtient, à l’aide d’un code de calcul de l’équilibre chimique, en la faisant varier de sorte à reproduire par le calcul la valeur de pH mesurée expérimentalement. On peut comprendre le principe de cette méthode avec l’exemple de la complexation du bore par l’acide salicylique. L’acide borique est présent sous la forme B(OH)3 en milieu acide et neutre mais prend la forme anionique B(OH)4 – en milieu basique selon la réaction : B(OH)3 + H2O B(OH)4 – + H+ pKa = 9,236 à 25°C (I-5) L’acide salicylique (H2Sal) qui possède une fonction acide et une fonction phénol a pour structure : O O OH H =H2Sal 19 Méthodologie Le pKa de la fonction acide est égal à 2,97, celui de la fonction phénol est égal à 13,60. L’acide salicylique forme avec l’acide borique un complexe bidendate grâce à ses deux groupes fonctionnels: En fonction du pH, on peut mettre en évidence les réactions présentées dans le tableau I-1 entre le bore et l’acide salicylique. On peut voir qu’en milieu acide la complexation libère des protons et abaisse donc le pH, tandis qu’en milieu basique, elle libère des ions hydroxydes et augmente le pH. C’est ce qu’on peut voir sur la figure I-3 qui présente les courbes de titration par la soude de solutions contenant 0,1M d’acide borique et 0,2M d’acide salicylique, calculées sans prendre en compte la complexation (courbe en pointillés), puis en tenant compte de la formation du complexe B(OH)2Sal- (courbe en trait plein). En pratique, on introduit une solution de l’un des deux acides dans une cellule thermostatée à 25°C équipée d’une électrode de pH en verre (Schott Blue Line 12 pH), puis on injecte à intervalle régulier une solution de même pH contenant l’autre acide. La différence entre le pH mesuré et celui calculé sans prendre en compte la complexation peut être attribuée à la complexation bore – acide salicylique. La constante thermodynamique est ensuite ajustée grâce au logiciel de calcul thermodynamique Balance (Akinfiev, 1986). Tableau I-1 : réactions entre l’acide salicylique et l’acide borique suivant le domaine de pH pH Espèces en présence réaction <2,97 B(OH)3 ; H2Sal B(OH)3 + H2Sal B(OH)2Sal- + H2O + H+ 2,97 – 9,23 B(OH)3 ; HSal- B(OH)3 + HSal- B(OH)2Sal- + H2O >9,23 B(OH)4 – ; HSal- B(OH)4 – + HSal- B(OH)2Sal- + H2O + OHO O O B – OH OH =B(OH)2Sal20 Méthodologie NaOH ajoutée (mol/L) 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 pH 0 2 4 6 8 10 12 14 pH calculé sans tenir comte de la complexation pH calculé en tenant compte de la complexation Figure I-3 : Courbe de titration par la soude d’une solution contenant 0.1 M de B(OH)3 et 0.2 M d’acide salicylique calculée sans pendre en compte la complexation du bore par l’acide salicylique (pointillés), puis en prenant en compte cette complexation (trait plein). I-B-1-2 Titrations acido-basiques des surfaces solides. La modélisation de la complexation du bore à la surface des solides que nous avons étudié exige de caractériser les sites chimiquement actifs à la surface du solide. Dans le cas des acides humiques comme dans celui des oxy-hydroxydes métalliques, les groupes surfaciques réagissent comme des acides ou des bases selon des réactions qui peuvent être formulées de la manière suivante : SxOH SxO- + H+ (I-6) SxOH + H+ SxOH2 + (I-7) On peut donc accéder aux constantes d’acidité apparentes et à la concentration de chaque site SxOH présent à la surface du solide grâce à des titrations acido-basiques. Les titrations ont été effectuées à l’aide d’un titrateur automatique Metler DL 70 ES équipé d’une électrode de verre Metler Toledo DG 114-SC. L’électrode a été calibrée au début et à la fin de chaque titration grâce à des solutions tampons fournies par Merk (pH = 21 Méthodologie 22 4,01, 6,86 et 9,22 à 25°C). La titration s’effectue sous bullage d’azote dans une cellule de mesure constamment agitée et thermostatée à 25°C. Le solide à étudier est mis en suspension dans la cellule thermostatée qui contient une solution dont la force ionique a été fixée par l’ajout d’une quantité appropriée de NaCl. Le pH de la suspension est ensuite ajusté à une valeur comprise entre 2 et 3 par ajout d’une quantité parfaitement connue d’HCl. Puis le titrateur est programmé pour ajouter des quantités consécutives connues de soude de manière à augmenter le pH par sauts successifs n’excédant pas 10 mV (soit environ 0,2 unité de pH). Le titrateur est programmé pour ne relever le pH et rajouter une nouvelle quantité de soude que lorsque le pH de la solution est stable c’est-à-dire lorsque la variation de potentiel de l’électrode n’excède pas 0,6 mV/min, soit environ 0,01 unité de pH/min. La solution de NaCl dans laquelle le solide a été mis en suspension est également titrée afin de pouvoir extraire la consommation de protons uniquement due à la titration de la surface du solide. Le calcul consiste ensuite à mettre en relation le pH mesuré avec les quantités de HCl et NaOH ajoutées. En chaque point de la titration, nous pouvons écrire l’équation suivante : ∑ + − − T = [H ] − [OH ] − [S O ] x calc H (I-8) où calc T (mol/L) est la quantité totale de protons H calculée à partir des espèces présentes dans la solution, et [X] (mol/L) est la concentration de l’espèce X. La valeur expérimentale de la quantité totale de proton est déterminée à partir des concentrations d’acide (HCl) et de base (NaOH) ajoutées : 0 a b H exp TH = C − C + T (I-9) où CB aB et CB bB représentent les concentrations d’acide et de base ajoutées au système à chaque point de la titration, et 0 T (mol/L) représente la quantité d’ H acide et de base initialement présente. Enfin, les valeurs des constantes d’acidité et du nombre total de chaque site protonable ont été ajustées à l’aide du logiciel FITEQL 3.2 de manière à minimiser la fonction : Y = calc T – H exp T (I-10) H Méthodologie
Spectroscopie
Résonance magnétique nucléaire de P 11P B
La résonance magnétique nucléaire (ou RMN) est une technique de spectroscopie reposant sur l’interaction entre un champ magnétique extérieur et le moment magnétique dû au spin des noyaux. Cette technique permet d’obtenir des informations sur l’environnement chimique et structural du noyau étudié. Appliquée au noyau P 11PB, cette technique fournit des informations sur le statut chimique du bore. La technique consiste à provoquer des transitions entre les différents niveaux d’énergie de spin en appliquant un champ alternatif dans un fort champ magnétique statique. La fréquence de la transition entre les niveaux d’énergie est donnée par : h g µ B h ∆E ν I N = = (I-11) ∆E = énergie de transition entre deux états de spin correspondant à un champ magnétique B donné B = Champ magnétique appliqué au noyau h = constante de Planck µB NB = moment magnétique du noyau exprimé en » magnétons de Bohr nucléaires » gB IB = facteur de Landé propre à chaque noyau Pour permettre l’absorption à différentes énergies, on peut garder la valeur du champ magnétique fixe et faire varier la fréquence ou bien garder la fréquence fixe et faire varier le champ magnétique. Le facteur de Landé gB IB étant propre à chaque noyau, on peut calculer, à une fréquence donnée, un champ magnétique propre à chaque noyau. Cependant, le champ magnétique précis permettant la transition entre deux niveaux d’énergie dépend de l’environnement chimique du noyau concerné. Le champ magnétique extérieur BB extB induit une variation δB du champ magnétique local du noyau qui dépend de son environnement électronique : δB=σBB extB où σ représente la constante d’écran Plus la densité électronique locale est élevée, plus la constante d’écran (ou le blindage) est grande et donc plus le champ magnétique effectif BB effB= BB extB- δB est diminué. Pour obtenir une fréquence ν de transition donnée, BB extB doit augmenter pour compenser le blindage δB. Si Méthodologie 24 la densité électronique diminue, σ diminue et BB extB doit diminuer pour garder fixe BB effB. Comme il est assez difficile de mesurer directement un champ magnétique, on préfère donner la position d’un pic de résonance correspondant à une énergie de transition donnée par rapport à un standard de référence. Dans le cas du bore, le standard est BFB 3B(CB 2BHB 5B)B 2BO. On définit ainsi le déplacement chimique : 6 std 6 std std std C’est ce déplacement δ qui permet de caractériser l’environnement chimique de l’élément étudié. Par exemple, en l’absence de complexant, le bore en solution se trouve, suivant le pH, sous la forme d’acide borique B(OH)B 3B et/ou de sa forme hydrolysée B(OH)B 4PB – P . Dans le cas de l’ion borate, la présence d’un ion OHP – P supplémentaire dans la sphère de coordination du bore engendre une augmentation de la densité électronique autour du noyau, et donc une constante d’écran plus importante. Il en résulte un δB plus important que pour l’acide borique. BB extB augmente et le déplacement chimique est donc diminué. Comme l’illustre la figure I-4, à pH=11,36 le pic de l’ion borate est observé à δ=1,2 ppm alors qu’à pH=5,02 on observe le pic de l’acide borique à δ=18,7 ppm. Dans le cas des solutions de pH 9,24, l’acide borique et l’ion borate sont présents simultanément en solution et on devrait observer deux pics à 1,2 et 18,7 ppm. En fait, la vitesse d’échange entre ces deux espèces est bien trop grande pour la fréquence de l’appareil (500 MHz) et on observe à un déplacement chimique intermédiaire un seul pic plus large. Deux techniques de RMN différentes ont été utilisées dans notre étude. La RMN en solution, pour caractériser les complexes du bore avec les petites molécules organiques, et la RMN MAS (Magic Angle Spinning) pour caractériser les complexes du bore à la surface des acides humiques. Afin de caractériser les complexes en solution, nous avons préparé des solutions, à différents pH et concentrations de ligand, contentant toutes 0,01M de bore. 10 % de DB 2BO sont ensuite rajouté à la solution avant l’acquisition, effectuée à la fréquence de 96,3 MHz sur un spectromètre Bruker am 300 wb.
INTRODUCTION GENERALE |