Fours de réchauffage sidérurgiques équipés de
brûleurs régénératifs à Oxydation sans Flamme
Les techniques d’amélioration des performances des fours
Réduction de la consommation énergétique
La zone de récupération Afin d’épuiser l’enthalpie des fumées chaudes issues de la combustion, une zone sans brûleur est située immédiatement après l’enfournement des brames. Sa longueur varie de 10 à plus de 20 m (cf. figure 1.7). Les échanges radiatifs et convectifs permettent d’abaisser la température des fumées jusqu’à environ 600 ✠ C, alors que la température des brames enfournées froides peut atteindre 400 ✠ C en fin de zone de récupération. La longueur des zones de récupération est limitée par le risque de condensation des fumées si leur température est trop basse. Le préchauffage de l’air de combustion Depuis les années 80, la majeure partie des fours industriels comporte des systèmes de récupération de chaleur sur les produits de combustion, pour préchauffer l’air de combustion. La figure 1.6 montre l’augmentation du rendement de combustion (available heat) avec le préchauffage de l’air, pour différents combustibles (hydrogène, méthane, propane). Ce calcul a été effectué à la stœchiométrie et pour une température de sortie des fumées de 1366 K. Le préchauffage de l’air permet d’augmenter la température adiabatique de flamme, ou température théorique de combustion. C’est la température à laquelle seraient portés les produits de combustion si toute la chaleur dégagée par la réaction était utilisée à les échauffer. La diminution des émissions de CO2 engendrée par l’augmentation du rendement est importante, mais au prix d’une augmentation des émissions de NOx. En effet, les NOx se forment majoritairement selon le mécanisme du NO thermique (dit mécanisme de Zeldovitch) : à plus de 1600 ✠ C, en présence d’azote et d’oxygène, les niveaux de formation sont considérables. Le préchauffage de l’air augmente la température adiabatique de flamme, ce qui induit des pics de température très élevés, sièges de formation de NOx. Afin de limiter ce phénomène, des procédés ont été mis au point pour conserver les avantages du préchauffage de l’air de combustion tout en conservant des émissions de NOx raisonnables. Ces techniques sont décrites à la section 1.3.2. En ce qui concerne la récupération de l’enthalpie des fumées sortant du four et son transfert à l’air de combustion, deux technologies principales co-existent : Les récupérateurs. Ces échangeurs de chaleur tubulaires à contre-courant permettent de préchauffer l’air jusqu’à environ 600 ✡ C. Cette limitation est fixée par la tenue thermique des matériaux. En effet, pour des raisons économiques, les échangeurs métalliques sont préférés aux échangeurs en céramique résistant à haute température. La figure 1.7 montre un four équipé d’un récupérateur dans les carneaux de cheminée (conduits acheminant les fumées vers la cheminée). Ces installations sont très compactes car elles s’insèrent directement dans les conduits. Il existe d’autres configurations, o`u le récupérateur est installé sur la voûte du four, ce qui permet de gagner de la surface au sol. L’air de combustion est entraˆıné par des ventilateurs, il passe à travers le récupérateur avant d’ˆetre distribué dans tous les brûleurs par des conduites calorifugées. Les systèmes régénératifs. Il s’agit du système de récupération de l’enthalpie des fumées le plus efficace. Il permet de préchauffer l’air à des températures de l’ordre de 1200 ✡ C. Cette technologie est employée depuis plus d’un siècle. Elle a été inventée par le britannique Frederich Siemens et était destinée aux fours de verrerie. Les brûleurs dotés d’un système régénératif fonctionnent généralement par paire, et sont équipés chacun de capacités thermiques en matériau réfractaire (« bac régénératif » ou « matrice »). Le fonctionnement est cyclique, et divisé en deux parties. Pendant la première partie du cycle, les produits de combustion sont acheminés dans un des bacs régénératifs pour chauffer la matrice, tandis que l’air de combustion alimente le deuxième brûleur et refroidit son bac régénératif. Après un certain temps, le cycle se renverse et le réfractaire devenu froid Figure 1.7 – Four de réchauffage équipé d’une zone de récupération et d’un récupérateur (document Stein-Heurtey). Figure 1.8 – Principe de fonctionnement des brûleurs régénératifs. du deuxième bac se réchauffe au contact des produits de combustion (cf. figure 1.8). Les brûleurs sont donc la moitié du temps en mode combustion et l’autre moitié en mode extraction des fumées. Certains brûleurs sont dits auto-régénératifs, c’est-à-dire qu’ils fonctionnent à la fois en mode combustion et extraction des fumées, grˆace à un système d’électro-vannes pneumatiques intégré dans le corps du brûleur (cf. figure 1.9). Ils fonctionnent donc de fa¸con autonome, contrairement au brûleurs régénératifs qui fonctionnent par paire. Actuellement ces brûleurs ne sont disponibles que pour des puissances limitées (de l’ordre de 200kW). Cependant cette technologie va surement se développer dans le futur pour des puissances compatibles avec les fours de réchauffage, car elle offre les mˆemes avantages que les brûleurs régénératifs pour un coût et un encombrement inférieur. Figure 1.9 – Schéma d’un brûleur auto-régénératif (document WS GmbH). 1.3.2 Réduction des émissions de NOx Cet état de l’art des techniques de réduction de polluants regroupe les techniques existantes, émergentes ou en développement pour les fours de réchauffage sidérurgiques. On peut classer les différentes techniques en deux catégories : – Les techniques curatives (mesures dites secondaires) : les polluants sont éliminés à la sortie du four. – Les techniques préventives (mesures dites primaires) : le process est modifié pour éviter la formation de polluants. Seuls les appareils de combustion seront abordés ici. On peut cependant citer d’autres méthodes de réduction comme l’optimisation de la conduite des fours ou l’amélioration de l’étanchéité pour éviter les infiltrations d’air, génératrices de NOx. Il faut noter qu’en ce qui concerne les fours de réchauffage, les techniques préventives sont les plus utilisées car elles ont toujours devancé les réglementations sur les émissions de polluants. Les techniques curatives La SCR (Selective Catalytic Reduction). Le procédé SCR, mis en œuvre depuis plus de 20 ans, permet de réduire les émissions d’oxyde d’azote grˆace à un agent réducteur. L’ammoniac (NH3) ou une solution d’urée (CO(NH2))2 sont utilisés [141]. Un catalyseur permet d’amorcer et d’entretenir la réaction. Ces catalyseurs sont de type nids d’abeille ou à plaques, dont la base d’oxyde de titane est dopée avec des composés du vanadium, du molybdène, du tungstène et du fer. Ils sont le siège de réactions chimiques rapides et sélectives comme l’illustrent les équations ci-dessous. 4NO + 4NH3 + O2 −→ 4N2 + 6H20 6NO2 + 8NH3 −→ 7N2 + 12H20
Les techniques d’amelioration des performances des fours
La catalyse est optimale entre 300 ☛ C et 400 ☛ C. Cependant la SCR est généralement utilisée à partir de 170☛ C et jusqu’à 540 ☛ C. Ce procédé est largement utilisé dans les grandes centrales thermiques, les installations de cogénération et les UIOM (Usines d’Incinération des Ordures Ménagères). Pour les fours de réchauffage, l’enthalpie des fumées est épuisée en partie dans la zone de récupération, elles sortent donc du four à environ 900 ☛ C. Après le récupérateur, la température n’est plus que d’environ 400 ☛ C, le procédé SCR est donc adéquat. L’efficacité de la réduction varie généralement entre 40 et 95%. Cette technique est encore très peu répandue pour les fours de réchauffage. Les règlementations sont aujourd’hui telles que l’investissement dans un procédé SCR n’est pas nécessaire car les plafonds d’émission peuvent ˆetre le plus souvent atteints par des mesures primaires. On peut noter que ce procédé n’agit évidemment pas sur la consommation de combustible et donc sur les émissions de CO2. Le Reburning. Le « Reburning » (ou « étagement du combustible » ou « recombustion ») est un procédé en trois étapes [106] : – combustion de la majorité du combustible sous des conditions normales pauvres en combustible, – injection de combustible de Reburning pour créer une zone riche en fuel dans laquelle les oxydes d’azote formés dans la zone de combustion primaire sont réduits en azote, – injection d’excès d’air pour oxyder les imbrûlés sortant de la zone de Reburning. La recombustion peut ˆetre mise en œuvre avec tout type d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Les rendements de réduction des NOx peuvent aller jusqu’à 80%. C’est une technique simple à mettre en œuvre, puisqu’il suffit d’ajouter des injecteurs de combustible à la sortie des fumées. Le rapport « coût/performance » est un des plus bas de toutes les techniques de réduction des NOx. Les limites de cette technique sont une surconsommation de combustible (une partie peut cependant ˆetre valorisée dans un échangeur) ; des problèmes d’imbrûlés et d’encrassement lorsque la recombustion est pratiquée sans précaution avec des fuels lourds ; d’éventuels problèmes de corrosion. Quelques réalisations dans des centrales thermiques, des fours verriers ou des UIOM ont prouvé l’efficacité du système. Cependant aucun four de réchauffage n’en est à ce jour équipé. Les techniques préventives L’oxycombustion. En utilisant de l’oxygène pur à la place de l’air, la partie de l’énergie qui servait au chauffage du ballast d’azote est directement valorisée vers le produit. Le rendement de combustion est ainsi considérablement amélioré. Ce procédé est appelé « oxycombustion » ou « OEC » pour Oxygen-Enhanced Combustion.
Les techniques d’amelioration des performances des fours
Figure 1.10 – Emissions de NOx en fonction de la stœchiométrie. L’azote étant supprimé, l’OEC conduit directement à des niveaux de NOx extrˆemement faibles, si l’enceinte est isolée de l’extérieur. De plus, le transfert thermique des oxyflammes est plus élevé que les flammes conventionnelles, car les produits de combustion sont constitués uniquement de CO2 et de H2O : le volume de gaz est plus faible et plus émissif. Il transfert donc plus efficacement son énergie à la charge. Ceci a été constaté dans les fours verriers, o`u l’oxycombustion est de plus en plus répandue. En ce qui concerne les fours de réchauffage, cette technologie est encore émergente. Plusieurs obstacles freinent son développement : – L’atmosphère régnant dans le four est plus oxydante, ce qui entraˆıne une formation importante de calamine sur les brames. – Le four doit ˆetre étanche aux infiltrations d’air pour éviter la formation de NOx. En pratique ceci est difficile, surtout dans les zones proches de l’enfournement et du défournement des brames. – D’un point de vue technico-économique, cette solution n’est pas toujours viable. Cependant, il semble que l’oxycombustion puisse se développer sur le marché du « revamping », c’est-à-dire l’augmentation de productivité d’un four de réchauffage existant. L’insertion de brûleurs à oxycombustion en zone de préchauffage permet d’accélérer la production, sans pour autant modifier les autres éléments du four. Le volume de fumées produit étant faible, il est souvent inutile d’adapter la chaˆıne d’évacuation des fumées. Une conversion par oxycombustion du four de réchauffage L.M.E. de Valenciennes [35] est un exemple de réussite de cette technique. La combustion pulsée. La mise au point de la combustion pulsée (oscillating combustion) est basée sur l’analyse de la figure 1.10 : les émissions de NOx sont faibles dès lors que l’on s’éloigne des conditions stœchiométriques. Un fort excès d’air abaisse la température de flamme, ce qui est moins favorable à la formation de NOx, alors que le défaut d’air diminue la concentration locale d’azote intervenant dans la formation du pol14
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Figure 1.11 – Principe de fonctionnement de la combustion pulsée [77]. luant. En oscillant entre des conditions en excès et en défaut d’air, tout en gardant une combustion globalement stœchiométrique, il est ainsi possible de produire moins de NOx (cf. figure 1.11). Des résultats expérimentaux montrent qu’il est possible de réduire les émissions jusqu’à 90% en utilisant de l’oxygène comme comburant, et 65% en utilisant de l’air [148]. Pour des conditions de sécurité, seul le combustible est pulsé, grˆace à des vannes aux temps de réponse très rapides. Les amplitudes et les fréquences d’oscillation sont optimisés selon l’application. Pour un brûleur au gaz naturel utilisant de l’air à température ambiante, la variation de gaz dans chaque zone doit ˆetre ajustée pour atteindre un défaut d’air (zone riche en gaz) et un excès d’air (zone pauvre en gaz) situés entre 30 et 50%. Les fréquences peuvent varier entre 5 et 30 cycles par seconde. Cette technique, en plus de limiter les émissions polluantes, permet de réduire les points chauds observés lors d’une combustion classique, et diminuer ainsi les sollicitations sur les réfractaires [77]. Aucune référence n’existe à ce jour sur les fours de réchauffage. La technologie commence à apparaˆıtre sur les fours verriers, on peut citer le four de fibre de verre de Johns Manville, Texas USA, qui fonctionne en oxycombustion pulsée.
1 Les méthodes de réduction des polluants atmosphériques émis par les grandes installations de combustion |