Formulation des matériaux
La boue de forage
Dans le cadre d’un forage pétrolier, plusieurs éléments sont à prendre en compte lors du choix de la boue de forage et donc de sa formulation. Il n’existe pas une seule formulation type, mais de nombreuses formulations différentes. En effet, ces dernières vont souvent être fonction du type de formations traversées lors du forage, mais également de la profondeur de celui-ci, du type de forage (onshore ou offshore), du coût, des contraintes environnementales,…etc. La formulation de ces fluides est donc un exercice compliqué. Nous avons vu que le contrôle des propriétés du fluide de forage est primordial, ces paramètres étant directement dépendants des différents constituants du fluide. Ces divers éléments peuvent être de différentes natures selon que la boue est à phase continue eau ou huile. La physico-chimie dans un milieu organique (boue à l’huile) va être d’autant plus complexe que les éléments solides agissant aux interfaces eau/huile (principalement l’argile) doivent être modifiés pour obtenir la fonction recherchée. On retrouve cependant des similitudes comme la présence de minéraux pour modifier la densité de la boue, des argiles pour les propriétés thixotropiques, des polymères pour adapter les propriétés rhéologiques, ou encore, d’autres particules solides pour stabiliser les différents constituants entre eux.
Système réel choisi
La composition de la boue de forage que nous allons étudier est décrite dans le tableau 3. Une grande partie des produits provient d’une formulation classique de boue de forage à l’huile utilisée en forage offshore profond. Dans le tableau 3, sont également indiqués les temps de mélange normalisés et l’ordre d’introduction de chaque produit, ainsi que le pourcentage de la masse totale de boue formulée de chaque produit. Cette boue est préparée en ajoutant successivement les produits (voir tableau 3) sous forte agitation (6000 tr/min) réalisée par un agitateur Silverson® L4RT. Après cette phase de formulation, la boue est vieillie dans une étuve à rouleaux sous une pression de 104 hPa et une température de 80°C. Ce vieillissement est réalisé pour simuler les conditions de circulation dans un puits de forage et pour stabiliser chimiquement l’émulsion. Cette boue de forage est donc composée d’une émulsion inverse stabilisée par des surfactants. A ce système basique on ajoute des solides de différentes tailles. La granulométrie de la boue formulée va donc de quelques nanomètres pour l’argile à quelques micromètres pour les agents alourdissant. L’émulsion formée est quant à elle monodisperse avec une taille de goutte proche du micromètre. Elle est de plus très stable dans le temps, son comportement et sa structure n’évoluant pas de manière significative avant plusieurs mois. Elle ne présente également pas de sédimentation conséquente sur cette période comme le chapitre 1.3.4 ii. le démontre. L’émulsion Dans un premier temps nous avons cherché à obtenir une émulsion inverse modèle sur la base de celle utilisée dans la boue de forage industrielle, sachant que les produits utilisés dans ces formulations sont protégés. Comme l’indique le tableau 2, la balance lipophile hydrophile des tensioactifs formant des émulsions inverses doit être entre 3 et 6. Le choix du tensioactif s’est alors dirigé vers du Sorbitan monooléate dont la HLB est de 4.3. Ce produit est très couramment utilisé dans la fabrication d’émulsion inverse et ne pose donc pas de problèmes d’approvisionnement parmi les différents acteurs du marché. La formule chimique de ce tensioactif est C24H44O6, son poids moléculaire est de 428.60 mol/L et sa viscosité à 20°C est de 1200-2000 mPa.s. Les premiers tests de formulation étant très concluants tant au niveau de la stabilité de l’émulsion que de la taille des gouttelettes formées sous agitation, nous sélectionnons ce produit pour la formulation de l’émulsion de base de notre matériau. La stabilité de l’émulsion est tout à fait satisfaisante pour des concentrations en surfactant d’environ 2% en volume de phase continue. Pour le reste de l’émulsion, nous gardons la saumure à 300g/L de CaCl2 et l’huile désaromatisée HDF 2000 de chez TOTAL Solvent.
L’argile
Le cas de l’argile est plus compliqué. En effet, puisque l’argile est modifiée, on ne peut pas trouver de composant pur. Le traitement organophile décrit au chapitre 1.4.2, passe par l’ajout de chaînes alkyles dans l’espace interfoliaire et n’est absolument pas décrit par les industriels réalisant cette modification. La difficulté de trouver des informations conséquentes sur la physico-chimie de ces argiles, nous a amené à tester des échantillons et donc à faire un choix empirique. L’argile retenue dans ce cas est la Bentone 38 de la société Elementis Specialties. C’est une organo-monmorillonite sous forme de poudre, caractérisée par une densité de 1.7, par une épaisseur variant entre 0,002 et 0,004 μm et une longueur variant entre 0,05 et 1 µm. Cette argile est préconisée dans des mélanges avec des composés aromatiques et aliphatiques (déaromatisés). Elle est également utilisée un peu partout dans l’industrie, on la retrouve ainsi dans des produits cosmétiques ou dans des peintures.
Formulation
Les concentrations étudiées Dans le but d’étudier les interactions entre les différents éléments de notre système modèle, nous avons étudié une large gamme de concentration en émulsion. Dans une première phase exploratoire, nous avons testé de nombreuses émulsions avant de fixer les paramètres de formulation de nos systèmes modèles. Cette phase exploratoire est présentée au début du chapitre 4. Au final nous avons opté pour une formulation faisant apparaître les principales caractéristiques rhéologiques de la boue de forage industrielle, et pour cela nous avons fixé la concentration en surfactant à 2% du volume d’huile et la concentration en argile à 3%. La gamme de concentration en phase dispersée va de 20 à 70% par rapport au volume total formulé. Comme indiqué dans le chapitre 1, nous allons donc étudier des émulsions peu concentrées dans la gamme de 20 à 50% de phase dispersée, puis des émulsions concentrées de 60% à 70% faisant apparaître un seuil de contrainte [63, 64, 66]. A partir d’une étude préliminaire sur l’influence de la concentration d’argile dans nos émulsions modèles, nous avons pu voir que le comportement rhéologique était modifié de manière identique lorsque nous faisons varier la concentration en phase dispersée dans la limite de faisabilité de la formulation (concentration en argile inférieure à 5% en volume de phase continue). En effet, inclure un grand nombre de plaquettes d’argiles entraîne des difficultés au niveau de la formulation du fluide et diminue la gamme de concentration en gouttelettes pouvant être atteinte. De plus l’argile seule dans la phase continue ne modifie le comportement rhéologique que pour de très fortes concentrations (supérieure à 40% en volume), ceci nous indique que les plaquettes d’argile interagissent avec les gouttes (voir chapitre 6). C’est pour ces deux raisons que nous choisissons de fixer la concentration en argile à 3%, ce qui nous permet d’avoir une réserve d’argile conséquente pouvant interagir avec les gouttelettes et de pouvoir étudier la plus large gamme de concentrations en gouttelettes. Fixer cette concentration en argile à 3% du volume d’huile induit qu’en 54 augmentant le nombre de gouttes dans notre système émulsionnaire le nombre de plaquettes pouvant interagir va diminuer..
Protocole de préparation
Le protocole de préparation de ces systèmes modèles est basé sur celui de la boue de forage industrielle. En effet, sous cisaillement (6000 tr/ min au Silverson® L4RT), nous ajoutons dans un premier temps les 2% en volume de phase continue dans cette dernière, puis après 5 min., nous ajoutons les 3% d’argile organophile, et après encore 5 min., nous ajoutons progressivement la quantité de phase dispersée voulue. Nous laissons alors homogénéiser le tout sous cisaillement pendant 10 min.. Contrairement au cas de la boue de forage, ici il n’est pas nécessaire de vieillir artificiellement les matériaux modèles puisque de part la simplicité de la formulation et des éléments qui la composent, ce matériau est stable chimiquement à la fin de la préparation.