L’inflammation se définit comme une réaction naturelle de défense de l’organisme face à des agressions de diverses natures :
– mécanique (traumatismes),
– physique (chaleur, radiations, corps étrangers),
– chimique (toxines, produits irritants, venins),
– infectieuse (bactéries, parasites, virus),
– immune (complexe antigène-anticorps).
Elle se caractérise principalement par la rougeur, la chaleur, la douleur, et la tuméfaction (Bourin et coll, 1993).
Les affections rhumatismales (lombalgies, arthroses, polyarthrites rhumatoïdes, contusions) constituent un problème majeur social. Leur prise en charge nécessite l’utilisation de molécules sous différentes formes (pommades, crèmes, gels, comprimés, injectables).
La prévalence de la polyarthrite rhumatoïde est estimée entre 0,8 et 1% dans la population mondiale (www.bmsfrance.com). Deux personnes sur cent sont atteintes au Cameroun surtout les femmes entre 30 et 50 ans (www.crtv.com). Une étude prospective longitudinale sur l’utilisation des antalgiques dans le Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique du Centre Hospitalo-universitaire (CHU) Gabriel Touré du Mali effectuée de novembre 2001 à juin 2002 sur 211 patients âgés entre 30 et 45 ans et soufrant de douleurs a montré que les arthroses représentaient 14,22%, les contusions 7,11%, les arthrites 6,16% de l’échantillon et que le sexe masculin était le plus touché (Sidibé, 2003). La Médecine Traditionnelle, élément du patrimoine culturel reste encore le principal recours d’une majorité des populations africaines. Au Mali environ 80% de la population utilisent cette médecine comme premier recours pour résoudre leur problème de santé (www.sante.gov.ml).
Le couvert végétal comporte une multitude d’espèces pouvant être utilisées dans la prise en charge de la douleur et de l’inflammation (www.creapharma.ch). Les racines de Securidaca longepedunculata, traditionnellement utilisées dans la prise en charge de beaucoup de maladies ont fait l’objet d’études expérimentales justifiant leurs propriétés antalgiques et anti-inflammatoires (Diop, 1986 ; Metou et coll, 1989 ; Tolo, 2001 ; Ojewode, 2008).
Au Mali, environ une vingtaine de pommades antalgiques et anti-inflammatoires ont été commercialisées en 2009 (DPM, 2009). Cependant la majeure partie de nos populations n’arrive pas à s’en approvisionner à cause du coût élevé de ces préparations conventionnelles. C’est dans cette optique que nous avons entrepris nos travaux au Département de la Médecine Traditionnelle (D.M.T) afin de promouvoir la préparation d’une pommade dermique antalgique et anti-inflammatoire à base de Securidaca longepedunculata.
GÉNÉRALITES SUR LES POMMADES
Définitions
Les pommades sont des préparations de consistance molle, obtenues par le mélange d’une substance médicamenteuse avec un excipient approprié ; elles sont appliquées sur la peau soit dans le but d’administrer des médicaments par voie dermique, ou pour obtenir une action locale superficielle. Les pommades qui contiennent des résines sont appelées des onguents et celles renfermant une forte proportion de poudres sont des pâtes dermiques. Les baumes sont des pommades douées d’une propriété antalgique et anti-inflammatoire Les crèmes sont des préparations de consistance liquide résultant de la dispersion d’un liquide sous forme de fines gouttelettes (huile) au sein d’un autre liquide non miscible (eau). Ces sont des émulsions (Legrand, 1986). Les gels sont des préparations de consistances solides constitués à l’aide d’agents gélifiants (Legrand et Aiache ; 1993).
Intérêts thérapeutiques des pommades
Les pommades en plus de leurs actions émollientes et protectrices sur la peau, règlent le potentiel d’hydrogène (pH) cutané à la normale. Elles ont une action générale par voie cutanée sans passer par le foie. En plus de leur application dermique, elles peuvent être appliquées sur les muqueuses rectales, vaginales, conjonctivales (Koné, 1993).
Excipients
Définition
On appelle excipient, toute substance sans activité thérapeutique spéciale permettant l’incorporation des médicaments. Les excipients pour pommades peuvent être d’origine naturelle ou synthétique. Selon la nature de l’excipient, la préparation peut avoir des propriétés hydrophiles ou hydrophobes. Elle peut contenir des additifs appropriés tels que les antimicrobiens, les agents stabilisants, les émulsifiants, les épaississants. D’où leur classification suivante non exhaustive selon Le Hir et Legrand.
Classification des pommades (Legrand et Aiache, 1993)
Suivant la nature de l’excipient, nous pouvons classer les pommades de la manière suivante :
Les pommades hydrophobes ou lipophiles
Ces pommades n’absorbent que de petites quantités d’eau. Les excipients les plus communément utilisés pour leur préparation sont : la vaseline, la paraffine liquide, la paraffine solide, les huiles végétales, les graisses animales, les glycérides synthétiques, les cires et les polyalkylsiloxanes liquides. Dans ce groupe la vaseline, la paraffine solide et la paraffine liquide sont inscrites dans la pharmacopée française et sont obtenues par traitement approprié de certaines fractions d’un pétrole brut convenable.
Les pommades absorbant l’eau
Elles peuvent absorber de quantités importantes d’eau. Leurs excipients sont ceux de pommades hydrophobes dans lesquels sont incorporés des émulsifiants de type eau dans huile (E/H) tels que la graisse de laine, les alcools de graisses de laine, les esters de sorbitanne, les mono glycérides et des acides gras. A la pharmacopée française figure une monographie des alcools de laine constituée par un mélange de stérols et d’alcools aliphatique.
Les pommades hydrophiles
Ce sont des préparations dont les excipients sont miscibles dans l’eau. Elles sont constituées par des mélanges de polyéthylène glycols (macrogols) liquides et solides et peuvent contenir de quantités appropriées d’eau.
Critères de sélection des excipients (Konipo, 2001)
Les excipients employés pour la fabrication des préparations dermiques doivent répondre à un certain nombre de critères généraux et particuliers. Les critères généraux sont :
– une consistance convenable qui permet un étalement facile ;
– une suffisante stabilité physique et chimique pour permettre une bonne conservation ;
– moindre incompatibilité possible avec les autres constituants de la pommade et les matériaux de conditionnement ;
– une pénétration facile des principes actifs dans les tissus ;
– une bonne tolérance et un pouvoir allergisant faible ;
– être lavable et ne pas tacher le linge, si cela n’est pas incompatible avec d’autres propriétés ;
– on peut demander aussi être stérilisable.
Les critères particuliers sont en relation avec la destination des préparations, le type de peau ou de l’affection à traiter, la nature et les propriétés des substances actives incorporées. Le choix de l’excipient pour la préparation de pommades est fonction du but thérapeutique recherché et des qualités propres à l’excipient.
Caractéristiques de quelques excipients
– Beurre de karité :
Il est extrait à partir des noix de Vitellaria paradoxa (Sapotaceae), qui croît spontanément dans plusieurs pays africains dont le Mali. Le beurre de karité a un point de fusion qui oscille ordinairement entre 33 et 42°C, sa densité se situe entre 0,915 et 0,920. Son acidité est variable et dépend du procédé d’extraction et de l’état de conservation des noix utilisées. Son indice de saponification se situe entre 178 et 192 et son indice d’iode va de 54 à 67. Le beurre de karité contient une proportion importante de substances insaponifiables d’environ 6 à 17%. Ces substances sont constituées à environ 1/3 par des hydrocarbures que sont les karitènes A, B, C, et D, et de 2/3 par des alcools triterpeniques β amyrine tels que baséol, butyrospermol, parkéol, liseol et les stérols représentés par les karisterol A et B. Il est également riche en vitamine A et B (Kerharo et Adam, 1974 ; Malgras, 1992).
Comme excipient, le beurre de karité a toutes les propriétés qu’une substance pharmaceutique et dermatologique peut nécessiter : Parmi ces propriétés nous pouvons citer:
– agréable au tac et à la vue ;
– un très bon émulsionnant et stabilisant ; ce qui le rend très apprécier par les préparateurs car cela empêche la séparation des préparations dermiques en phase grasse et aqueuse ;
– très eudermique, beaucoup plus que lanoline et infinement plus que les dérivés de pétrole comme la vaseline ;
– il possède en plus des propriétés anti-oxydantes et probablement aussi bactériostatiques ;
– il augmente donc l’efficacité des substances fonctionnelles dans le produit. Toutes ces propriétés font du beurre de karité un bon excipient pour la formulation des pommades, des crèmes, des gels. La pharmacopée traditionnelle en fait une consommation importante surtout dans le traitement des rhumatismes, courbatures, toux et autres affections. C’est l’excipient le plus utilisé en médecine traditionnelle pour l’usage externe. Au Mali, il constitue par excellence la matière grasse alimentaire.
– Cire d’abeille (www. Beekee. Com/ lecler/ cire. Htm)
C’est un corps chimiquement très stable dont ses propriétés ne varient guère dans le temps. Elle résiste parfaitement à l’hydrolyse et à l’oxydation naturelle, totalement insoluble dans l’eau. Les acides et les sucs digestifs des animaux ne peuvent pas la détruire à l’exception ceux des larves de fausses teignes. La cire d’abeille est de nature lipidique. Elle renferme des hydrocarbures saturés, des acides ou hydro acides, des alcools, des pigments provenant surtout du pollen et de la propolis, ainsi que des substances provenant du couvain. La cire d’abeille se présente comme un corps solide à la température ordinaire, cassante à basse température (inférieure à 18°C), mais devenant rapidement plastique entre 35°C et 40°C. Son point de fusion se situe au environ de 65°C et sa densité est d’environ 0,950. Biochimiquement la cire d’abeille se caractérise de la manière suivante :
– aspect : pastilles blanches, feuilles ou blocs de cire
– couleur : blanche à orangée
-odeur : délicate fruitée de miel
– son indice d’iode est égal à 10 et son indice de saponification avec la soude (NaOH) est de 67 tandis qu’il est de 97 avec la potasse (KOH)
– dosage usuel : 2 à 10%.
La cire d’abeille est surtout réputée pour ses qualités filmogènes, hydratantes, protectrices, adoucissantes, et assainissantes sur la peau. C’est un stabilisant. Toutes ces qualités font de la cire d’abeille un bon excipient dans la formulation des baumes solides, les crèmes, les gels.
– Lanoline (Legrand, 1986)
Elle provient de la laine de mouton débarrassée de ses matières minérales par lavage à l’eau. Le suint est ensuite retiré par lavage au savon puis on procède à la purification. Cela permet d’obtenir de la graisse de laine anhydre appelée lanoleïne, et de la graisse de laine hydratée, dénommée lanoline. Elle absorbe son poids d’eau, et se dissout dans l’iode, l’acide salicylique. Elle est incompatible avec la glycérine. Elle permet la prise en charge des principes actifs aqueux.
– Vaseline (Legrand, 1986)
C’est une substance de consistance onctueuse, pâteuse, de couleur blanchâtre, translucide en couche mince, insipide et sans odeur. Elle fond entre 38 et 42°C et sa densité varie entre 0,830 et 0,900. C’est une dispersion d’hydrocarbures plus ou moins solides et liquides. Elle est soluble dans les solvants organiques apolaires, mais insoluble dans l’eau et l’alcool. Elle est inattaquable par les acides et les bases. C’est un solvant de l’iode, du phosphore, des phénols. Inaltérable, la vaseline ne se laisse absorber ni par la peau ni par les muqueuses. Ce qui limite son action aux pommades d’action superficielle. Pour remédier à ces inconvénients, on peut l’incorporer des cires (parénols), du cholestérol (euricerine), des alcools gras (vasenols).
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