Formes des discours
Cette première partie de notre recherche vise à identifier les formes du récit. Il s’agit d’interpréter « l’intervention croisée des mécaniques discursives qui caractérisent les différents types textuels mobilisés par les instances d’information »46, qui préside selon Guy Lochard « à la mise en perspective de tout événement ». Nous proposons donc de mettre en évidence les formes et processus socio-discursifs des articles du corpus, en identifiant les locuteurs et les visées discursives, puis de façon plus structurale, les thèmes abordés, les formes textuelles ainsi que les modes énoncifs. 1.1 Les locuteurs Il nous semble tout d’abord important de revenir sur les acteurs de ces récits. Le corpus se constitue en majorité d’articles français, au nombre de seize, mais également américains et anglais, au nombre de sept. Comme nous l’avons indiqué précédemment dans la présentation de la méthode, nous n’effectuons pas de distinction entre les différentes langues et nations. Nous les réunissons sous l’expression « discours occidentaux ». Nous retrouvons ainsi : Libération, Le Figaro, l’Obs, Courrier International, Le Monde, Le Point, Les Echos, Capital, Slate, LSA, Maddyness, Siècle Digital, Le Journal du Net, Sciences et Avenir, The New York Times, Bloomberg, Columbia Journalism Review, TMCnet, The Economist et Global Times. Douze acteurs proposent un journal, dix un magazine, et une seule revue. Onze d’entre-eux sont généralistes, tandis que l’autre moitié est spécialisée, notamment dans les domaines de l’économie, du commerce et de la finance, avec des journaux tels que The Economist, Bloomberg, Capital ou LSA. Les autres interviennent sur les sujets du numérique et des technologies, avec Le Journal du Net, Siècle Digital ou Maddyness. Enfin, de façon minoritaire, trois médias de presse sont spécialisés dans les sciences, le journalisme et les tendances du week-end. 1.2 Les visées discursives Nous avons attribué à chacun des articles une ou plusieurs visées discursives. Elles déterminent selon Patrick Charaudeau « l’orientation de l’acte de langage comme acte de communication en fonction du rapport que le sujet parlant veut instaurer vis-à-vis de son destinataire ».Annexe 2 – Formes des discours 46 Guy Lochard, « Genres rédactionnels et appréhension de l’événement médiatique. Vers un déclin des modes configurants ? », Réseaux, vol. 76, no. 2, 1996, pp. 83-102. Formes des discours FI! « Documenter » apparaît comme la première des visées, poursuivie dans onze articles. La nouveauté supposée du réseau social conduit les auteurs à détailler et expliquer la nature des fonctionnalités et services, ainsi que le contexte et les enjeux du sujet. La seconde est « Impressionner » et se trouve dans dix des articles. Les discours ont tendance à présenter WeChat comme une plateforme qui transforme, révolutionne ou bouleverse. Ils se caractérisent par un recours au champ lexical de la transformation et l’utilisation récurrente de superlatifs. À un degré très proche, la visée discursive « Etonner » est présente dans sept articles, tout comme celle d’ « Alerter ». Si cette dernière tient une place importante, notons qu’elle se trouve majoritairement dans les visées discursives secondaires. « Faire peur » se positionne en cinquième position avec six articles. Nous pouvons la rapprocher de la visée « Alerter », à la différence qu’elle a surtout vocation à susciter la crainte en jouant sur des ressorts émotionnels, tandis que l’autre aurait plutôt tendance à mobiliser le lecteur. Notons que cette catégorie s’illustre aussi en grande partie à travers les visées discursives secondaires. « Etablir des faits » est présente dans quatre articles et se caractérise par un propos simple et concis. Avec une présence équivalente « Faire découvrir » tend à apporter au lecteur une information nouvelle et enrichissante. « Inquiéter », dominante dans les visées discursives secondaires, apparaît aussi dans quatre articles. Enfin les dernières catégories, très peu représentées, sont « Emouvoir », « Amuser » et « Séduire ». Afin de mieux observer ces résultats, nous proposons de réunir certaines visées discursives. Trois grandes catégories émergent alors. La première s’intitule « Fasciner », dans dix-sept articles. Elle réunit « Impressionner », « Etonner » et « Emouvoir ». Elle s’illustre à travers des propos « positifs », qui ont vocation à donner au sujet une dimension hors-norme, sollicitant de forts ressorts émotionnels. La seconde est « Intéresser », présente dans quatorze articles. Elle réunit « Documenter » et « Faire découvrir ». Leur objectif commun est d’apporter au lecteur des informations qui éclairent le sujet, base essentielle pour construire un récit. Notons que la visée « Etablir des faits » aurait pu être intégrée à cette catégorie mais sa dimension très informative ne s’inscrit pas dans cette volonté d’enrichir le sujet. Enfin, la troisième catégorie associe « Alerter », « Faire peur » et « Inquiéter ». Nous la nommerons « Susciter la crainte ». Présente dans treize articles, elle est connotée négativement, contrairement à la première catégorie discursive, mais mobilise toujours une forte dimension émotionnelle. Remarquons que cette catégorie apparaît essentiellement dans les visées discursives secondaires. Cela peut signifier qu’elle se trouve diluée dans les discours de F=! presse, ou sinon qu’elle se concentre de façon spécifique sur certains sujets, toujours présents dans les articles. Ainsi, les articles de presse ont vocation à « Fasciner », « Intéresser » et « Susciter la crainte » des lecteurs. Si nous nous référons aux trois dimensions rhétoriques distinguées par Aristote, nous pouvons remarquer la place importante tenue par celle du pathos, qui s’adresse aux appétits et passions.
Les thèmes
De la même façon, nous avons attribué à chacun des articles plusieurs thématiques, puis nous les avons réunies pour faire émerger de grands thèmes. Nous retrouvons par ordre d’importance la thématique sociale, politique, culturelle, commerciale, puis technologique, économique, informationnelle et financière. La thématique sociale est présente dans dix-neuf articles, soit presque la totalité du corpus. Sa particularité est de mettre toujours au centre du propos l’individu, l’utilisateur, le consommateur ou encore le citoyen. Presque omniprésente, nous la retrouvons associée à presque toutes les thématiques et visées discursives. La thématique politique se trouve dans quinze articles. Les sujets abordés peuvent être l’identité citoyenne numérique, l’utilisation des données, le pouvoir politique, la liberté des citoyens ou l’accès à l’information. Remarquons que cette catégorie apparaît majoritairement dans les thématiques secondaires, tout comme la catégorie discursive « Susciter la crainte ». La suivante est culturelle, dans douze articles, et concerne essentiellement le contexte chinois dans lequel s’inscrit WeChat. À titre d’exemple, la tradition des enveloppes rouges est un sujet récurrent. Auparavant remises en personne à l’occasion du Nouvel an chinois, ces dernières peuvent désormais prendre une forme digitale avec WeChat. La présence de cette catégorie dans les thématiques secondaires est aussi très importante. Remarquons aussi qu’elle est très souvent associée à la thématique sociale et aux catégories discursives « Fasciner » et « Enrichir ». La thématique commerciale apparaît ensuite, dans onze articles. Les locuteurs sont en majorité des journaux spécialisés. Les sujets concernent les pratiques marchandes, l’utilisation des données, l’expérience client, ou les moyens de communiquer avec les consommateurs. Nous remarquons que la catégorie discursive « Fasciner » est souvent associée à cette dernière. FF! Présente dans huit articles, la catégorie suivante considère la dimension technologique de WeChat, c’est-à-dire les outils et techniques proposées. Elle se trouve souvent associée aux thématiques sociale et politique. Les locuteurs sont essentiellement des médias spécialisés sur les sujets d’innovation, comme Maddyness ou Siècle Digital. Avec sept articles, la thématique économique s’illustre à travers des sujets comme la maîtrise des données, la transformation de secteurs économiques ou la concurrence internationale. Nous remarquons que ces sujets sont souvent associés aux visées discursives « documenter » et « établir des faits ». Les dernières visées, très peu représentées, avec respectivement un article, sont informationnelle et financière. L’identification de tendances est relativement difficile étant donné que les thématiques sont souvent entremêlées dans les articles. En revanche, en réunissant certaines thématiques, nous pouvons identifier trois grands thèmes. Avec les catégories « sociale et « culturelle », le premier est « Socioculturel ». Il est présent dans vingt-deux articles soit presque l’ensemble du corpus, et les deux thématiques se trouvent associées dans près de la moitié des articles concernés. Ensuite, si nous réunissons les dimensions « commerciale », « économique » et « financière », le thème « Economique » est en seconde position avec quinze articles. Enfin, le thème « Politique » apparaît toujours en troisième position, avec quinze articles. Il est néanmoins important de relativiser la présence de ce dernier en considérant seulement les thématiques « dominantes » de notre tableau d’analyse, c’est-à-dire en excluant les thématiques secondaires. Le thème politique est alors présent seulement dans sept articles. Nous pouvons donc déduire que ce sujet est récurrent mais que son importance doit être relativisée. Si nous regardons les deux premiers grands thèmes à la lumière des thématiques dominantes, les résultats restent quant à eux similaires. Enfin, les thématiques technologique et informationnelle restent en dernière position, même si la première est nettement plus représentée. Ainsi les trois grands thèmes sont « Socioculturel », « Economique » et « Politique ».