Formes de l’ajustement à la situation de communication

Formes de l’ajustement à la situation de communication

Introduction Ce dernier chapitre a pour objectif de reprendre les différents éléments identifiés dans les pratiques et les discours des visiteurs en montrant à l‘aide de trois exemples, comment les visiteurs développent des formes d‘ajustement particulières au cours de leurs visites. Ces ajustements révèlent, en effet, des opérations que nous avons vues tout au long des parties précédentes (la production de figure, la reformulation des intentions, la suspension de l‘incrédulité et la prise de rôles, la mobilisation de cadres généraux d‘interprétation, l‘aller- retour entre représentations générales et description de la pratique). Mais dans les trois exemples que nous allons développer, ces opérations seront décrites plus précisément. Trois d‘entre elles seront analysées en profondeur : la production/mobilisation de figures de visiteur et de figures de circulation, dans la première section du chapitre ; la performance des visiteurs et leur prise de rôle dans la seconde section ; et, enfin, le jeu d‘aller-retour entre des cadres d‘interprétation particuliers et généraux dans la troisième section. En réalité, on ne peut pas distinguer ces opérations, comme si elles faisaient l‘objet de moment spécifique ; elles sont toujours articulées ensemble : la prise de rôle requiert la figure, la figure est travaillée par le jeu entre les cadres d‘interprétation et ces derniers renseignent sur l‘usage que fait le visiteur du rôle et de la figure. Il y a donc une circulation entre ces différentes opérations qui renvoie différemment à l‘exposition (reconnaître une figure inscrite dans le dispositif), à la situation d‘interaction médiatisée (identifier et résoudre des épreuves), puis à la situation de communication (prendre un rôle et anticiper des figures de visiteurs). Les résultats des enquêtes montrent que les visiteurs s‘ajustent à l‘exposition en engageant un travail réflexif sur leur propre posture, vis-à-vis des musées et de la culture en général. Néanmoins une précision doit être posée ici. Les résultats ne sont pas ici mobilisés pour construire une théorie de l‘identité. Si la relation entre figures, prises de rôles, mises en généralisation et construction d‘un rapport à la culture est, en effet, interrogée, notamment à partir d‘auteurs qui parlent bien d‘identité, aucune proposition n‘est faite sur la façon dont ces opérations renseignent sur la personnalité, voire même la personnalité culturelle de l‘individu677. L‘objectif de ce travail de comprendre comment une posture culturelle est une condition d‘interprétation qui peut être éphémère, une construction réflexive qui permet l‘intelligibilité du monde. Ainsi, ces opérations participent dans les trois cas à produire une représentation de la visite, en tant que pratique communicationnelle. Elles révèlent aussi la réflexivité sur le processus de communication qui est à l‘œuvre chez les sujets sociaux et qui ne s‗exprime pas seulement au cours des entretiens, mais aussi bien dans le cours de la pratique.

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Cette première section analyse l‘opération qui consiste à recourir à des figures au cours de la visite. Elle expliquera pourquoi la notion de figure a été mobilisée dans ce mémoire de thèse dans un premier temps. Elle montrera ensuite que les figures sont des objets qui circulent dans les discours sociaux et que la figure de visiteur fait notamment d‘un travail d‘élaboration et de circulation intense. Enfin, elle proposera deux illustrations de cette mobilisation par les visiteurs de l‘exposition « Sainte Russie », les figures de déplacements et les figures de visiteurs. Cette section voudrait mettre en évidence l‘opérativité de ces figures dans l‘analyse que font les visiteurs de leur propre expérience de visite : elles médiatisent son rapport à l‘exposition. La notion de figure est efficace ; elle mérite, en introduction, qu‘on s‘arrête sur son usage. Elle existe depuis longtemps dans des disciplines qui la convoquent au titre d‘outil terminologique pour caractériser des ensembles ; il s‘agit de la philosophie, de la rhétorique et bien sûr des disciplines artistiques. Elle connaît un grand succès dans les sciences sociales et, notamment dans des textes où il est question de stigmatiser des formes qui ne sont ni exactement de l‘ordre de la représentation sociale, ni de l‘ordre du concept, de la notion ou du comportement observable. Mais elle est rarement identifiée comme un complexe terminologique problématique. Elle fait l‘objet d‘une « polychrésie », en ce sens qu‘elle fait l‘objet de constances réappropriations et qu‘elle est prise « dans un large spectre de logiques  sociales différentes »678. Dans les paragraphes qui suivent, nous avons-nous-mêmes utilisé le terme de figure pour qualifier des objets qui sont caractérisés autrement par les auteurs des textes auxquels nous nous référons, par exemple, dans le paragraphe sur le panorama des figures de visiteurs, nous avons substitué la catégorie de figure à celle de profils. Que signifie ce geste ? Pourquoi requalifier les objets de figures et pourquoi cette intuition que les visiteurs que nous interrogions manipulaient bien des figures ? Ou sommes-nous pris à notre propre jeu, en train de qualifier de figure, ce que les visiteurs nommaient autrement ?

 

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