L’ADHERENCE
Forme et adhérence
Imaginons un ensemble d’objets disposés suivant le critère naturel suivant : « ce qui se ressemblent s’assemblent », c’est à dire que deux objets qui se ressemblent seront dans une même région et deux objets distincts seront dans des régions différentes. Sur la figure II.1 nous avons représenté un ensemble de formes géométriques allant du triangle jusqu’au cercle en passant par des polygones ; le nombre de côtés est ainsi de plus en plus grand. De cette manière, les polygones qui se ressemblent sont mis dans un même lieu géométrique ; l’hexagone, par exemple, est situé entre le pentagone et l’octogone. Lorsqu’on perçoit un objet particulier dans un tel ensemble on perçoit automatiquement les objets qui l’avoisinent. Deux constatations très importants et très inter-reliés surgissent de cette remarque : – la première est que la partie qu’on a perçue de cet ensemble forme en quelque sorte la classe des objets qui ressemblent à l’objets en question, c’est à dire que cette partie caractérise la forme de l’objet perçu dans l’ensemble. – la seconde est que les objets de la partie perçue adhérent tous à la propriété commune de ressemblance. On dira alors que la partie perçue est l’adhérence de l’objet en question. On peut dire alors, d’une manière très grossière, que dans de telles conditions, la forme d’un objet peut être confondue avec l’adhérence de cet objet. Nous remarquerons que : – la propriété vérifiée par l’ensemble qu’on a imaginé plus haut, c’est à dire de respecter le critère de ressemblance entre objets, est généralement la propriété recherchée dans l’ensemble des représentations R dans les techniques pratiques de reconnaissance des formes. – l’adhérence d’un objet perçu dans les conditions proposées plus haut dépend de la distance qui sépare l’observateur de l’objet en question. C’est la notion du niveau de perception. La forme d’un objet est d’autant plus nette que l’observateur est proche de l’objet. – la notion d’adhérence peut s’appliquer à un ensemble d’objets, au même titre qu’elle s’applique à un objet. Lorsqu’on veut percevoir un ensemble d’objets on perçoit toujours un ensemble plus grand.
Les Définitions
Soient E un ensemble quelconque (qui peut être par exemple l’ensemble R en RF), et P(E) l’ensemble de toutes les parties de E. Adhérence et espace prétopologique – On appelle adhérence tout processus d’extension défini sur P(E) qui laisse invariant l’ensemble vide, c’est à dire : toute application ad de P(E) dans P(E) telle que : . ad (∅) = ∅ ; . ∀ A ∈ P(E), A ⊆ ad(A). Alors le couple (E,ad) est appelé espace prétopologique – Les structures prétopologiques d et g définies par : ∀ A ∈ P(E), d(A) = A et g(A) = E sont appelées respectivement prétopologie discrète et prétopologie grossière sur E. Commentaires : L’application adhérence n’est pas nécessairement idempotente, c’est-à-dire qu’en général ad(ad(A)) ≠ ad(A) . Cette propriété est très importante dans la mesure où elle permet de construire des processus itératifs de traitement, ce qui est le cas de la majorité des techniques de reconnaissance des formes. Ceci conduit aussi à poser la définition suivante, celle de l’adhérence nième Soient (E,ad) un espace prétopologique et n un entier naturel, On appellera adhérence n-ième d’une partie A de E, et on notera adn (A) la composition n fois de l’application ad comme suit : adn (A) = ad(ad(ad(…….ad(A)…))). Sur la figure II.2 nous donnons une illustration de cette définition qui génère un processus itératif. l’adhérence de l’ensemble vide est vide puisqu’il est absurde de considérer le voisinage de quelque chose qui n’existe pas Espaces prétopologiques Dans la suite l’application adhérence sera notée a. On peut qualifier les espaces prétopologiques comme suit : (i) un espace prétopologique (E,a) est dit de type V si et seulement si a vérifie l’axiome d’isotonie suivant : ∀ A,B ∈ P(E ), ( A ⊆ B ) ⇒ ( a(A) ⇒ a(B) ) (ii) un espace prétopologique (E,a) est dit de type VS si et seulement si a vérifie la propriété suivante : . ∀ A ∈ P(E ), Les espaces prétopologiques de type VS sont intéressants pour l’implémentation d’algorithmes dans la mesure où ils permettent de calculer l’adhérence d’une partie à partir de celle de ces éléments (voir les exemples ci-après).
Exemples d’adhérence
Deux adhérences très remarquables sont à mettre en évidence ici, car elles ont fait l’objet de nombreux algorithmes de reconnaissance des formes. Il s’agit des adhérences des k-plusproches voisins et des ε-voisins. 1- Soit E un ensemble quelconque dans lequel on peut définir une distance ou une dissimilarité d entre deux éléments. Alors pour une valeur réelle strictement positive ε, pour tout élément x de E on pose : adε ({x}) = {y ∈E, d(x,y) < ε } et pour chaque partie A de E on pose : adε (A) = ∪ adε ({x}) pour tous les x de A. 2- Soit E un ensemble discret quelconque dans lequel on peut décider la proximité ou non de deux éléments. Alors pour un entier k fixé, pour chaque élément x de E on pose : adk({x}) = {y ∈E, y est l’un des k plus proches voisins de x dans E ou y=x} et pour chaque partie A de E on pose : adk(A) = ∪ adk({x}) pour tous les x de A Les deux prétopologies précédemment définies sont des prétopologies de type VS par construction. Elles peuvent être utilisées par exemple dans un problème de reconnaissance de formes de la manière suivante : connaissant la forme ω d’un élément x de l’ensemble d’apprentissage T, alors on peut décider que la forme de y est aussi ω si y ∈ adk({x}) (ou y ∈ adε ({x}) ). 3- Dans le domaine de l’analyse d’image, l’image que l’on veut traiter est souvent représentée par une matrice de pixels. Dans ce cadre on peut s’intéresser aux quatre voisins ou aux huit voisins d’un pixel et on peut alors construire les deux adhérences ad4 et ad8 illustrées par la figure suivante ; elles sont de type VS.
Approche duale : l’intérieur
On peut définir la notion d’espace prétopologique par une approche duale à celle définie plus haut. Cette approche est basée sur la notion d’intérieur. On définit alors l’application int : P(E) Æ P(E) telle que : ∀ A ⊂ E, int (A) = (ad(AC ))C , où AC est le complémentaire de A dans E. int est appelée intérieur. Il est clair que l’application int vérifie : – int (∅) = ∅ – ∀ A ∈ P(E), int(A) ⊆ A. le couple (E, int) est aussi appelé espace prétopologique.
Ouvert, fermé, frontière prétopologique
Soit (E, ad ) un espace prétopologique. On appelle ouvert de E, toute partie A de E qui est telle que int(A) = A. On appelle fermé de E, toute partie A de E qui est elle que ad(A) = A. On appelle fonction frontière de (E, ad) l’application de P(E) dans P(E) désignée par fr est définie par : ∈∀ EPAA )(, fr(A) = ad(A) – int(A) Remarque : dans un espace prétopologique (E, ad) le complémentaire de toute partie A ouverte est un fermé et, inversement, le complémentaire de toute partie A fermée est un ouvert. Notons qu’une partie peut être ouverte et fermée.