Analyse préliminaire
On pourra donc d’abord tenter de comprendre l’origine de la forme différenciée de l’interface selon les types de fluide (ce qui a été aborde aussi par [91;92]), en prenant comme référence la forme obtenue dans le cas d’un fluide newtonien. Ensuite on s’intéressera à l’épaisseur apparente du film formé le long des parois, en suivant l’approche classique de Bretherton. Enfin on tentera une approche plus globale consistant à quantifier la déformation du profil et à étudier son éventuelle corrélation aux paramètres adimensionnels du problème. Une première analyse de l’écoulement consiste à suivre les déformations de l’interface que l’on aurait s’il s’agissait de l’écoulement d’un fluide visqueux simple. Pour cela on va donc calculer la déformation virtuelle d’une « ligne » de particules de fluide lors du déplacement d’un fluide unique dans une cellule de dimensions finies. On peut donc reprendre l’équation (3.36), qui correspond au champ de vitesse d’un fluide newtonien de viscosité µ se déplaçant sous l’action d’un gradient de pression G dans une cellule de Hele- Shaw avec rapport d’aspect h/e élevé mais fini (h/e=10 dans notre géométrie). La vitesse est calculée analytiquement en considérant une condition de non-glissement aux parois, (le profil de vitesse étant l’addition d’un profil de vitesse aux conditions de paroi a l’infini, h très grand, plus une contribution due a l’aspect fini du problème). Nous appliquons ce calcul à une ligne initialement plate (voir Figure 115) ce qui nous permet de suivre les positions et formes successives de cette « ligne de fluide ».
Une première remarque élémentaire est la suivante : le profil modèle obtenu s’il varie de façon nette dans les premiers instants de l’écoulement, varie de moins en moins par la suite (au bout d’une quarantaine de centimètres d’écoulement, on ne distingue pratiquement plus les profils à t et t + 10 ms). Ceci semble nous fournir un début d’explication du fait que nous observons un profil stationnaire au-delà d’une certaine hauteur d’écoulement (voir chapitre 4 et par exemple figure 79). Ensuite on peut noter la forte différence entre la courbure du front : nulle dans ce cas modèle, et celle du cas expérimental : nette, avec un Regardons maintenant de plus près les prédictions de ce calcul appliqué à nos différentes conditions expérimentales. Nous représentons dans la Figure 116 et la Figure 117 les évolutions réelles de l’interface et son évolution attendue si elle n’était déformée que sous l’effet d’un transport avec le champ de vitesse (3.36). Pour cela on prend comme point de départ un profil obtenu dans la zone stationnaire. On constate que seuls les profils pour le fluide déplaçant newtonien à 10 cm/s sont bien prédits par cette théorie. En fait ceci provient simplement de ce que ces profils sont déjà bien arrondis, si bien qu’on ne voit pas les zones près des bords. Seules les régions près du centre, qui tombent dans la zone où le profil des vitesses newtonien est plat, sont visibles. Elles sont donc décalées d’une valeur constante, ce qui donne des profils apparemment stationnaires. En revanche tous les autres profils quel que soit le type de fluide n’apparaissent pas réellement stationnaires quand on utilise cette simulation : les zones de profil situées près des parois sont sensiblement plus déformées au cours de l’avancement que les profils observés expérimentalement. Ceci suggère qu’il y a un effet supplémentaire, non pris en compte dans la théorie, qui tend à maintenir la forme du profil en dépit des effets visqueux. Ce pourrait être des effets capillaires [93;94] ou plus probablement un demouillage en amont de l’écoulement. Nous reviendrons sur cette question dans le cadre de l’analyse plus complète proposée au paragraphe 5.2. Bretherton [95] a calculé l’épaisseur d’un film qui apparaît entre une longue bulle d’air se déplaçant dans un tube rempli d’un liquide visqueux et la paroi du tube. La bulle (de viscosité négligeable) est déplacée à une vitesse v dans un tube horizontal rempli d’un fluide de viscosité µ, dans un régime ou le nombre de Reynolds est faible et pour lequel l’influence de la gravité est négligeable.