FORMATION DE FILMS DE GLACE
Si l’on veut progresser dans la compréhension des mécanismes d’interaction des molécules avec la surface de la glace il est nécessaire de réaliser une étude sur une surface de glace bien caractérisée dans des conditions physico-chimiques bien maîtrisées. Pour cela nous avons choisi de faire croître la glace sur des substrats cristallins afin d’obtenir des films bien cristallisés présentant le minimum de défauts. Ce chapitre présente l’étude de la croissance de films de glace sur MgO (001) et BaF2 (111). L’oxyde de magnésium présente l’avantage d’exister sous forme de monocristal et de poudre de très grande qualité. Il permet ainsi de faire des études sous ultravide et d’utiliser la diffusion neutronique sur les grands instruments. Le fluorure de baryum a été choisi comme substrat car il présente un bon accord paramétrique avec celui de la glace Ih, il permet la croissance de films épitaxiés. Concernant l’adsorption de l’eau sur MgO (001) une partie est consacrée à l’étude structurale de la monocouche par diffraction d’électrons lents sur monocristal puis de films minces (1 à 5 monocouches) adsorbés sur des poudres de MgO par diffraction de neutrons. L’autre partie traite de la dynamique de ces films de glace par diffusion quasiélastique de neutrons. Le second point de ce chapitre concerne la croissance de films de glace sur BaF2 (111). Cette étude est réalisée sur monocristal par diffraction d’électrons lents et spectroscopie d’électrons Auger.
A) ADSORPTION DE L’EAU SUR MgO (001) IV.1 Etude structurale : analyse dynamique des intensités LEED et diffraction de neutrons IV.1.1 Connaissances sur le système H2O / MgO (001) L’adsorption de l’eau sur MgO (001) a été le sujet de nombreux travaux théoriques [1-10] et expérimentaux [11-17]. La plupart des modèles théoriques indiquent que l’eau s’adsorbe à l’état moléculaire sur une surface parfaite (001) et que la dissociation ne peut avoir lieu que sur des défauts comme les marches, les coins ou les lacunes [5-7]. Plus récemment des calculs ab initio [9,10] ont montré qu’une dissociation partielle de quelques molécules d’eau pouvait avoir lieu même sur des surfaces (001) de MgO sans défauts. L’adsorption de l’eau sur des monocristaux de MgO a été étudiée par de nombreuses techniques : analyse du profil de raie de diffraction d’électrons lents (SPA-LEED) [13], diffraction d’électrons lents (LEED) [15-17], diffusion d’atomes d’hélium (HAS) [15,16], spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) [13] et désorption programmée en température (TPD) [14]. Ces expériences ont montré l’existence, dans le domaine de la monocouche, de deux phases solides ordonnées en fonction de la température et du degré de recouvrement. En dessous de 185 K une phase dense a été trouvée par HAS et SPA- LEED (interprétée comme une structure c(4×2)) et par LEED (interprétée comme une structure (1×1)). Une transition de phase intervient autour de 185 K, elle s’accompagne d’une désorption partielle de molécules d’eau qui conduit à une phase très stable de symétrie p(3×2) avec une densité de 1,0 molécule d’eau par atome de Mg [14,17]. Des calculs de dynamique moléculaire (MD) ont été entrepris sur la structure et la croissance de l’eau sur MgO de 150 K à 300 K [8]. Ces calculs montrent que l’eau forme sur MgO (001) une monocouche plane très stable en température dans laquelle il existe de faibles liaisons hydrogène entre les molécules. La géométrie p(3×2) trouvée dans les calculs est cohérente avec la symétrie observée expérimentalement. En augmentant le nombre de molécules d’eau la monocouche reste stable entre 150 K et 300 K, le reste des molécules tend à former des bicouches de glace Ih au dessus de la structure p(3×2) à 150 K. De plus cette structure disparaît et il se forme des agrégats d’eau liquide 3D à 300 K.
Nous montrons sur la figure IV.1 le diagramme de diffraction caractéristique de cette phase à T = 200 K et pour différentes énergies. Ces clichés permettent de déterminer la symétrie p(3×2) de cette structure et de remarquer l’extinction systématique des faisceaux diffractés (0 k), où k est impair, qui indique l’existence d’un plan de glissement dans la maille élémentaire. Cet élément de symétrie apparaît sur la figure IV.2. D’autre part, les figures LEED observées nous permettent de mettre en évidence la présence sur la surface de deux domaines équivalents liés à la symétrie du substrat et qui sont orthogonaux entre eux. les vecteurs primitifs de la maille de surface de MgO et de la maille p(3×2) pour chaque domaine i . Les taches de diffraction correspondant aux deux domaines équivalents sont représentées par des cercles pleins de couleurs différentes. Les cercles vides indiquent la position des extinctions systématiques, observées sur les diagrammes LEED (cf. Fig. IV.1), qui impliquent l’existence d’un plan de glissement dans la maille élémentaire. Les carrés représentent le réseau réciproque de la surface du substrat. b) le réseau direct.