Fondements théoriques et déterminants de l’adoption des innovations

L’adoption et la continuité d’utilisation de la banque mobile : un objet de la recherche

Dans le contexte économique actuel, qualifié de dynamique et d’incertain, la survie des entreprises se présente dans leur capacité à s’adapter rapidement aux changements et à innover. Pourtant, le taux d’échec des nouveaux produits / services reste élevé. Dans ce contexte, il est important pour les entreprises de bien gérer leurs investissements, et de développer des stratégies permettant de maintenir leur croissance à long terme. Au cours de ces dernières années, les technologies mobiles (smartphone, tablette) ont créé des conditions de marché très concurrentielles. Ces technologies sont au centre des préoccupations pour les utilisateurs comme pour les entreprises. Le mobile est l’un des produits les plus en résonance avec les tendances profondes de la société, grâce à un accès aux informations en temps réel quel que soit l’endroit où se trouvent les consommateurs (Alard et Dirringer, 2000). Les développements de réseaux mobiles (3G, 4G, 4G+) d’une part, et la technologie mobile adaptée d’autre part, ont apporté pour les entreprises de nouvelles opportunités d’élargissement de la palette des services proposés sur le marché sous de nouvelles formes (m-service).

Face à cette nouvelle conjoncture, les banques ont proposé la banque mobile, comme un nouveau canal de distribution de services complétant leur stratégie multicanal. Pourtant, les coûts d’intégration des nouvelles technologies dans le secteur bancaire sont lourds en termes d’allocation des ressources, tant financières qu’humaines. En effet, le secteur bancaire est considéré comme le plus investi dans les TI après l’industrie, 16% des dépenses informatiques dans le monde sont effectuées par les banques. Selon le cabinet d’analystes Celent6, les dépenses TI réalisées par les banques en 2014 atteindront 188 milliards de dollars, il s’agit d’une progression de 4.4% par rapport à 2013. Dans ce contexte, les banques doivent trouver des solutions pour rester compétitives et produire une valeur ajoutée à partir de leurs investissements. Ainsi, le défi pour les banques est que le client entre de moins en moins en contact avec sa banque via l’agence, mais de plus en plus via les services mobiles. Sachant que la valeur de n’importe quelle innovation technologique est seulement en partie déterminée par ce que la technologie peut faire. Par ailleurs, une grande part de la valeur d’une innovation est déterminée par le degré de compréhension qu’en ont les individus (les clients), donc du niveau d’intégration réelle dans leurs vies (Rajagopal et Rajagopal, 2009).

En effet, les banques ont supposé attirer plus de clients (y compris aux populations non bancarisées), améliorer la fidélité des clients et l’efficacité opérationnelle, et enfin augmenter leur part de marché (Shaikh et Karjaluoto, 2015). Cependant, les chiffres annoncent que seulement 15% des abonnées du mobile dans le monde utilisent les services bancaires mobiles (ITU7, 2011), alors que plus de 1 milliard de personnes devraient les utiliser à l’échelle mondiale d’ici à 2017 (Juniper, 2013)8. Ainsi, en dépit de l’augmentation rapide de services mobiles, l’utilisation des services bancaires mobiles reste encore très faible par rapport à l’utilisation des services bancaires dans le contexte traditionnel. Par conséquent, le potentiel de technologie mobile pour créer de la valeur reste insaisissable. Dans une telle condition, il est nécessaire pour les banques de gérer ces nouvelles interfaces technologiques et de comprendre comment les clients réagissent à cette prolifération de techniques.

Malgré l’importance de recherches sur l’adoption de la banque mobile dans toutes les disciplines, les études sur l’adoption de la banque mobile dans un pays européen sont peu nombreuses (Koenig-Lewis et al., 2010: Allemagne ; Akturan et Tezcan, 2012 : Turquie ; Laukkanen and Cruz (2012) : Finlande ), il n’y aucune étude sur ce sujet réalisée en France (Shaikh et Karjaluoto, 2015). Ceci répond également à la recommandation de Yu (2012), qui a réalisé son étude en Taïwan, et qui recommande de multiplier les études dans d’autres pays (européens et américains). D’ailleurs, parmi les pays européens, la France enregistre un retard conséquent au niveau des internautes utilisant une application bancaire sur leur smartphone ou leur tablette par rapport à ses voisins européens. Selon une étude réalisée par Ipsos (2013), la France s’est située en 11ème position parmi 12 pays européens (figure 2)9, en plus, parmi le top 20 sites et applications utilisés par les mobinautes français en juin 2014, on ne trouve aucun site ou aucune application bancaire utilisée (Médiamétrie, 2014)10. Sachant que depuis début 2010 les banques françaises, telles que le Crédit Mutuel, Boursorama, Groupama Banque, la Société Générale et le Crédit Agricole, ont proposé leurs applications mobiles11.

Positionnement épistémologique et méthodologies de recherche

Le positionnement épistémologique organise la vision du monde du chercheur (Gavard-Perret et al., 2012). Ainsi, la définition de l’objet de la recherche nous conduit à choisir le positionnement épistémologique pertinent par rapport aux différentes approches en sciences de gestion (le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme) et ensuite la démarche méthodologique adéquate. Notre recherche vise à découvrir les déterminants de comportement des clients face à l’adoption de la banque mobile et à expliquer la conséquence de cette adoption, après une période d’expérience, en termes de relation entre la banque et ses clients adopteurs. En fait, cette étude explique d’une manière « objective » les comportements des clients face à l’adoption des services bancaires mobiles avant et après une période d’expérience. L’objet de cette étude est indépendant de notre perception et il n’y a pas « dépendance du sujet et de l’objet ». Ceci signifie que notre recherche s’inscrit dans une position « positiviste », visant à découvrir une structure sous-jacente de la réalité et à l’expliquer (Le Moigne, 1990). Notre positionnement épistémologique nous guide également dans le choix des outils mobilisés. Le manque de données statistiques sur l’adoption de la banque mobile dans la phase adoption et son impact sur la relation banque-client dans le contexte mobile dans la phase post-adoption, nous a conduit donc à vouloir obtenir par nous-mêmes des données significativement exploitables. De ce fait, les techniques quantitatives (questionnaire,..) étant les souvent associées au paradigme épistémologique positiviste, sont adaptées à notre travail. D’une part, parce qu’elles permettent de recueillir une quantité élevée de données quantifiables auprès d’un nombre élevé d’individus pour réaliser les objectifs prédéfinis de la recherche, et confirmer les propositions ou hypothèses formulées. En effet, nous expliquons les comportements des clients dans les deux phases, adoption et post-adoption, d’une manière indépendante en se basant sur un questionnaire constitué d’échelles de mesure préexistantes et validées. Dans notre démarche nous respectons des exigences en termes de validité et de fiabilité de ces mesures. La validation de notre recherche sera effectuée par la confrontation des hypothèses aux faits. Elle est conduite par une logique déductive.

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La distinction entre « Invention / nouveau produit / innovation »

L’innovation peut prendre deux formes : l’invention et la création (Lachman, 1993). L’invention, du latin « invenire » : rencontrer puis trouver, est le fait de faire se rencontrer des choses connues qui n’ont jamais été mises ensemble d’une certaine manière. La création, du latin « creare » : engendrer et « crescere » : venir à l’existant, consiste à donner l’existence à quelque chose dont aucun élément n’existait en l’état, auparavant, de façon semblable. Pourtant, Mohr (1969, p. 112) souligne cette différence indique que « l’invention implique la création de quelque chose de nouveau, l’innovation implique l’utilisation de quelque chose de nouveau ». De leur part, Akrich et al. (1988, p. 4) expliquent la différence entre ces deux concepts et avancent que « l’invention est un processus par lequel une nouvelle idée est découverte ou créée via des projets, des plans, des prototypes, l’innovation se produit lors d’une première transaction commerciale réussie. Inventer correspond au fait de créer quelque chose de nouveau par rapport à l’existant, innover relève de sa mise en oeuvre concrète ». Le Nagard-Assayag et Manceau (2005, p. 6) distinguent entre l’invention, le nouveau produit et l’innovation et démontrent que « l’invention relève de la science et de la découverte, en opposition au produits nouveaux qui ont vocation à être commercialisés. L’innovation est à la fois un résultat et une démarche, tandis que la nouveauté ou le produit nouveau sont seulement le résultat».

Cependant, ce constat n’est pas partagé par Corbel (2009, p. 17) qui note que en « toute innovation ne découle pas d’une invention et que toute invention ne débouche pas sur une application industrielle et commerciale ». De son côté Durand (1999) souligne aussi la différence entre les deux concepts, l’invention et l’innovation par le fait que le premier ne donne pas forcément le deuxième : « L’innovation peut être définie comme la réalisation de la nouveauté. Si inventer correspond à générer une idée nouvelle, innover relève d’une mise en oeuvre concrète » (Durand, 1999, p.495). Pour conclure, il semble que de nombreuses entreprises emploient indifféremment le même mot, parlant d’innovation dès lors qu’elles introduisent une nouvelle référence, liée à un conditionnement plus grand ou à une simple variante de produit et sans que cela ne relève d’un degré de nouveauté particulièrement élevé (Le Nagard-Assayag et Manceau, 2005). Ainsi, nous avons illustré la différence entre innovation/invention/changement, maintenant nous consacrons le prochain paragraphe pour mettre en lumière la différence entre l’innovation étant considérée comme un résultat et l’innovation étant considérée comme un processus.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET COCEPTUEL DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 1 : FONDEMENTS THÉORIQUES ET DÉTERMINANTS DE L’ADOPTION DES INNOVATIONS
SECTION 1 : LES PRINCIPES DE BASE DE L’INNOVATION
SECTION 2 : L’ADOPTION DES INNOVATIONS
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE
CHAPITRE 2 : FONDEMENTS THÉORIQUES ET DÉTERMINANTS DE LA RELATION
CLIENT
SECTION 1 : LE MARKETING RELATIONNEL, CONCEPT ET PRINCIPE DE BASE
SECTION 2 : LA FIDÉLITÉ DE CLIENT, OBJECTIF DE LA PHASE POST-ADOPTION
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
CHAPITRE 3 : CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
SECTION 1 : PRÉSENTATION GENÉRALE DU MODÉLE DE RECHERCHE
SECTION 2LES HYPOTHÈSES DE LA RECHERCHE
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE : METHODOLOGIE ET RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 4 : MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
SECTION 1 : POSITIONNEMENT ÉPISTEMOLOGIQUE ET CHOIX MÉTHODOLOGIQUES
SECTION 2 : OPERATIONNALISATION DES VARIABLES DE LA RECHERCHE
SECTION 3 : LES OUTILS MÉTHODOLOGIQUES ET STATISTIQUES UTILISÉS
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
CHAPITRE 5 : LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE DANS LA PHASE « ADOPTION »
SECTION 1 : LA VALIDATION ET LA PURIFICATION DES ÉCHELLES DE MESURE ET LES
RÉSULTATS DES ANALYSES DESCRIPTIVES
SECTION 2 : LES RESULTATS DES ANALYSES EXPLICATIVES
CONCLUSION DU CHAPITRE 5
CHAPITRE 6 : LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE DU MODELE« POST- ADOPTION »
SECTION 1 : LA VALIDATION DES ECHELLES DE MESURE
SECTION 2 : LES TESTS D’HYPOTHÈSES DE LA RECHERCHE
CONCLUSION DU CHAPITRE 6
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES GRAPHIQUES
TABLE DES MATIERES

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