Fondements et perspectives d’une mobilité dans le
périurbain
Une assimilation récente du paradigme de la mobilité durable
Une intégration de la mobilité dans les sommets de la Terre… Depuis le rapport Brundtland, les différents sommets de la Terre, les rencontres décennales des dirigeants mondiaux, ont progressivement intégré la nécessité d’une prise en compte du respect du développement durable et d’une limitation des pollutions. La frise chronologique suivante nous permet d’identifier les principaux grands événements que nous allons détailler (Figure 12, page 80). Figure 12: Chronologie internationale du développement durable (Source : DATALIB, Chiffres clés en France, en Europe et dans le monde – France et Monde, 2018) Après la naissance du concept de développement durable que nous venons d’évoquer, et la création du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), différents engagements influent les réflexions sur l’adaptation au changement climatique nourrissant la réflexion sur l’adaptation de la mobilité comme nous allons le présenter. La conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) de Rio de Janeiro en 1992, sommet de la Terre consacré au développement durable, assure la popularisation de ce concept, et aboutit aux 27 principes parmi lesquels le fait que les êtres humains sont au centre des préoccupations de développement durable et qu’ils « ont le droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ». Elle détermine un cadre d’action de lutte contre le réchauffement climatique (Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC)). Ce cadre réunit presque tous les pays du monde dont les représentants se rassemblent une fois par an depuis 1995 lors des « COP » (Conferences of the Parties). La Commission de Développement Durable des Nations Unies, chargée de 1993 à 2013 de suivre les résultats du sommet de la Terre, propose, en 1995, de créer un cadre général pour une méthodologie commune à chaque pays composée en fonction des chapitres de l’Agenda 21 issu de la conférence de Rio185. Dans ce cadre, la notion de transport est reconnue comme « une activité essentielle à la vie sociale et économique d’un pays mais les impacts environnementaux et sociaux sont conséquents. Accéder à un système de transport durable implique d’utiliser le mode de transport adéquat selon le trajet prévu, et de découpler croissance du trafic et développement économique »186. Le transport pour devenir durable passe par des stratégies d’intégrations transversales des politiques traditionnelles de transport, d’urbanisme, de technologie, et ce dans un processus préservant les activités économiques. La réponse sociétale, au travers de différents agents économiques et environnementaux, impulse une réaction sous la forme de décisions et d’actions soumises à des pressions en réponse aux besoins des agents économiques s’appuyant sur le capital environnemental et sur les ressources naturelles. La place des transports identifiés comme une activité humaine exerçant une pression sur l’environnement, mais aussi comme un élément susceptible d’être modulé en fonction des décisions sociétales et des actions entreprises montre cette prise de conscience de l’intégration de cette composante dans un système interdépendant (Figure 13, page 81). Figure 13 : Place des transports dans le modèle de Pressions/Etats/Réponses, (Source : OCDE, 1993, adaptation : S. Loubié). 185 Vaillancourt J.-G., 2002, « Action 21 et le développement durable », Vertigo – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 3 Numéro 3 | décembre 2002, mis en ligne le 01 décembre 2002, consulté le 21 janvier 2018. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/4172 ; DOI : 10.4000/vertigo.4172. 186 Verry S., Nicolas J-P, 2005, « Indicateurs de mobilité durable : de l’état de l’art à la définition des indicateurs dans le projet SIMBAD », Rapport intermédiaire n°2. Rapport de recherche , p. 9. Pressions Réponses Activités humaines Energie Transports Industrie Agriculture Autres Ressources Pressions Réponses sociétales (décisions/actions) Informations Etat de l’environnement et des ressources naturelles Air Eaux Sols Ressources vivantes végétales et animales Agents économiques et environnementaux Administrations Ménages Entreprises International Etats Informations Première partie : La mobilité durable, un paradigme émergent 82 Les axes d’une mobilité durable sont inscrits dès 1992 dans le Livre vert de la commission européenne, qui propose « de contrôler ou même réduire les volumes de véhicules routiers par la diminution des besoins en automobilité à la faveur du transport en commun, la réduction des distances à parcourir par une meilleure planification urbaine et un contrôle plus strict de l’étalement urbain, ou même la diminution du nombre de personnes à transporter tenant compte des nouvelles technologies, de mieux planifier le développement des infrastructures urbaines dans une optique de transport collectif et d’opérer en même temps des évaluations environnementales plus strictes sur le développement des infrastructures »187. Les principaux leviers de développement d’une mobilité durable sont posés et impliquent : – Une incitation aux transports en commun, – Une nouvelle vision de l’aménagement du territoire, – Le développement de modes alternatifs, – De nouvelles réflexions sur le développement des infrastructures, – L’implication de tous les acteurs dans la transformation des modèles188 . Le protocole de Kyoto (COP3), signé le 11 décembre 1997 et entré en vigueur en 2005, a fixé pour les pays développés des engagements chiffrés de réduction, variables selon les pays, des émissions de gaz à effet de serre189. Il est considéré comme un des accords les plus importants et regroupe 55 états. Les 38 pays les plus industrialisés se sont engagés à une réduction globale des émissions (notamment de six gaz à effet de serre : dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote et trois substituts) sur leurs territoires de 5 % sur la période 2008-2012 par rapport à 1990 année de référence (article 3). Il vise spécifiquement une « réduction nécessaire de la consommation énergétique liée aux transports » (article 2). En 2012, lors de la COP17, les pays se sont mis d’accord pour une seconde période d’engagement de 2013 à 2020. La Cop21, par la ratification des accords de Paris en 2015, propose une approche ascendante. Les engagements des acteurs non étatiques sont renforcés par la Cop22. Le texte des accords de Paris voté par la CCNUCC est entré en vigueur le 4 novembre 2016.
…mais diluée dans des objectifs communs
L’emboitement d’échelles d’actions et l’émergence d’une solidarité de destin inédite à l’échelle planétaire193 accordent une place transversale à la prise en compte de différentes thématiques dont celle de la mobilité. A cet effet, l’ONU s’est engagée à atteindre des objectifs mondiaux communs négociés entre 2012 et 2015 et entrés en vigueur en 2016. Ces objectifs appelés Objectifs de Développement Durable (ODD) reprennent les engagements issus d’accords internationaux déjà existants (comme les accords de Paris) et se caractérisent par une reconnaissance des liens intrinsèques entre les différentes thématiques dans un but mondial de « lutter contre les inégalités, l’exclusion et les injustices ; faire face au défi climatique ; mettre fin à l’extrême pauvreté » 194. Ils visent « à réaliser les droits de l’homme pour tous, l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes et des filles. Intégrés et indissociables, ils concilient les trois dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale »195 . Sur les 17 objectifs et leurs 169 cibles, la mobilité est impliquée dans les suivants196 (soulignés en gras dans Encadré 5, page 85). Bien que notre sujet ne soit pas de rentrer dans le détail de ces objectifs, notre attention a été retenue car dans ces différents objectifs la mobilité est abordée non comme un objectif isolé mais comme une composante sociétale permettant un mieux-être individuel et collectif dont la visée est d’investir l’avenir en limitant les inégalités. Par exemple, la mobilité revêt une importance stratégique pour la réalisation de l’ODD 9 pour bâtir des infrastructures de qualité, fiables et résilientes en mettant l’accent sur un accès universel à un coût abordable et dans des conditions d’équité et pour l’accès aux technologies de l’information et de la communication. La réduction des émissions de gaz à effet de serre par l’augmentation des énergies renouvelables et les infrastructures d’énergies propres est incluse dans les ODD 7 et 13. L’ODD s’adresse à des villes et établissements humains ouverts à tous, sûrs, résilients et durables, ce qui nécessite, entre autres une amélioration des conditions de circulation pour améliorer la qualité de l’air, le développement de transports en commun et une amélioration des conditions de sécurité197. La mobilité intervient indirectement dans l’ODD 3 par les gains pour la santé que les modes actifs apportent.
Une intégration progressive du paradigme du développement durable par celui de la mobilité
Une accélération relativement récente en France
Rappelons qu’en France, l’organisation des transports publics et par la suite de la mobilité a été répartie entre différents niveaux (Etat, régions, départements, EPCI et communes). Nous détaillerons les mécanismes de transferts des compétences de mobilité dans un prochain chapitre (Chapitre 6, page 225) pour nous intéresser ici à la prise en compte graduelle du paradigme de la mobilité durable. Une première définition de cette dernière peut être comprise dans la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) dans son article 14 (article qui se substitue à l’article 28 de la loi LOTI), dans son article portant sur les nouveaux Plans de Déplacements Urbains (PDU). Ces PDU, obligatoires pour les périmètres de transports urbains (PTU) inclus dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, doivent coordonner « tous les modes de déplacements, notamment par une affectation appropriée de la voirie, ainsi que la promotion des modes les moins polluants et les moins consommateurs d’énergie ». Le texte souligne que l’approche vise à « assurer un équilibre durable entre les besoins en matière de mobilité et de facilité d’accès, d’une part, et la protection de l’environnement et de la santé, d’autre part ». Nous sommes donc en présence des grands thèmes du paradigme de la mobilité durable, sans toutefois y faire explicitement référence, et devant une volonté d’une approche systémique locale de la mobilité. Cette première étape de la prise en compte de la mobilité durable est suivie en 1999 par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Pourtant, ce n’est que depuis 2005 que la France mène une politique plus ambitieuse de mobilité durable marquée par la mise en place du « Grenelle de l’environnement » débouchant sur la loi « Grenelle 1 » (2009)198 . La réduction des émissions de CO2 de 20 % dans le secteur du transport est alors recherchée, accompagnée d’une réduction du trafic automobile et d’un report modal vers les transports en commun. La loi « Grenelle 2 » (2010)199, pour sa part, vient dans son titre II notamment impacter les liens : – urbanisme/transports : par exemple son article 17 renforce ce lien dans les schémas de cohérence territorial, son article 19 vise à limiter l’étalement urbain et son article 51 porte sur les transports en commun en site propre, – urbain/ferroviaire, avec la lutte contre les nuisances sonores et la mise en place d’un Schéma régional des infrastructures et des transports, – et la mobilité dans les agglomérations : par exemple vélo en libre service et du stationnement sécurisé pour les vélos, de l’autopartage, le déploiement de bornes de recharge pour les véhicules électriques. Il impose la mise en place d’outils de suivi comme le bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) pour les entreprises de plus de 500 salariés et pour les collectivités de plus de 50 000 habitants ou les organismes publics de plus de 250 personnes, et le Plan climat-énergie territorial (PCET) pour les collectivités de plus de 50 000 habitants (art. 57). Ces lois « Grenelles » obligent à une certaine ambition pour contenir le réchauffement climatique à un niveau acceptable, mais aussi à adapter les mobilités. Mais selon Yves Crozet200, les résultats de ces lois sont insuffisants au regard des principales mesures votées : abandon de la taxe poids lourds, recul du report modal des marchandises, rareté des fonds publics pour développer le transport urbain et aide limitée à l’électromobilité. Cet auteur relève aussi que la France reste peu émettrice de CO2 du fait d’une forte part du nucléaire dans sa production d’énergie et ce malgré un vieillissement de son parc automobile. Il montre que les progrès en la matière sont liés à la crise industrielle mondiale de 2008 et peu aux actions du Grenelle de l’Environnement. Cependant, ce dernier a permis de revisiter les objectifs environnementaux en rationalisant et modernisant le domaine de l’aménagement. Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (MAPTAM) qui vise à clarifier notamment les compétences entre les collectivités différentie transport et mobilité, par modification du Code général des collectivités territoriales (Article L1111-9), investie les communes et les EPCI en matière de mobilité durable et d’aménagement de l’espace mais également, au-delà des transports collectifs urbains de personnes, de prérogatives étendues à l’auto-partage, au co-voiturage, aux modes actifs (dont les services de location de vélos). La mobilité durable apparait comme le cadre normatif au niveau local plus accès sur la demande exprimée que sur le besoin relatif de déplacements. Dans le prolongement des lois « Grenelle 1 » et « Grenelle 2 », la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), réaffirme les orientations et vise à permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique, la. Consulté le 21 octobre 2018. 200 Crozet Y., 2016, op. cit., pp. 107-115. Première partie : La mobilité durable, un paradigme émergent 88 préservation de l’environnement ainsi que le renforcement de son indépendance énergétique. Au travers de cette loi, la France s’est engagée à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. Elle repose sur une Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC)201, arrêtée en novembre 2015 en application de la loi de transition énergétique qui définit la trajectoire vers une économie bas-carbone et durable des émissions par périodes successives de 5 ans. A court/moyen terme : les budgetscarbone doivent réduire de -27 % les émissions à l’horizon du 3ème budget-carbone par rapport à 2013, à long terme à l’horizon 2050 elle doit permettre d’atteindre le facteur 4 (réduction des émissions de -75 % par rapport à la période préindustrielle, soit -73 % par rapport à 2013). Ainsi, le décret précise que les émissions annuelles moyennes devront passer de 442 Mt CO2eq sur la période 2015-2018 à 358 Mt CO2eq sur la période 2024-2028202. Pour les transports, le budget carbone devra décroitre de 127 Mt CO2eq (période 2015-2018) à 96 Mt CO2eq (période 2024-2028). Les recommandations sectorielles de la SNBC dans le domaine des transports font état de la nécessité de maîtriser la demande de déplacements (économie circulaire, télétravail…), d’améliorer l’utilisation des véhicules et réseaux existants (augmenter le taux de chargement des véhicules et les services à la mobilité), renforcer l’efficacité énergétique des véhicules (avec un objectif de 2 litres au 100 kilomètres pour les véhicules vendus en 2030 pour visé un renouvellement de la flotte particulière en 2050), réduire l’intensité carbone des carburants (développer le ravitaillement bas-carbone, ce qui constitue un point clef du développement du véhicule électrique, verdissement des flottes publiques, développer le report modal vers les modes non routiers (transports en commun, modes doux, ferroviaires, fluvial). Pour atteindre ces objectifs, la France s’est engagée sur l’évolution du mix énergétique pour porter à 30 % la part des énergies renouvelables d’ici 2030 et pour réduire la consommation énergétique de 50 % d’ici 2050. Elle dispose de nombreuses mesures concernant les axes de mobilité durable : – L’électro mobilité, en prévoyant 7 millions de points de charge pour les véhicules électriques en 2030, – La mise en œuvre de plans de mobilité d’entreprise ou d’administration, le renouvellement du parc de véhicules afin d’inciter l’intégration de véhicules à faibles émissions dans les flottes, – L’augmentation de la consommation d’énergies renouvelables dans les modes de transport : 10 % de l’énergie consommée en 2020 et 15 % en 2030. Soulignons aussi que la LTECV, en créant le plan de déplacements de mobilité rurale, contribue aussi à réduire les « zones blanches » de mobilité et implique les espaces périurbains et ruraux dans la démarche. Ce dispositif vise à proposer à ces territoires une approche globale de la gestion de la mobilité cherchant à équilibrer et à concilier 201 URL : les différents modes de déplacements et pouvant être mis à profit pour structurer les espaces urbains. La réussite de cette ambition doit aussi passer par une intégration et une articulation dans les documents de programmations (Schémas de Cohérence Territorial, Plans de Déplacement Urbain, Plans de Déplacements Urbain intercommunaux, Plans Climat-Air-Energie Territoriaux…). Les points de vigilances porteront donc sur les déclinaisons territoriales de la mise en œuvre de ces objectifs et de l’anticipation des besoins. Une veille prospective sur l’évolution des mobilités au regard des spécificités des territoires et de l’évolution de ces stratégies est donc à envisager pour accompagner cette évolution. Cette dimension apparaît peu dans les indicateurs de suivi proposés dans la SNBC203 qui relèvent par leurs aspects quantitatifs d’une approche « secteur des transports » encore trop peu imprégnée du paradigme des mobilités et des mobilités durables. Cela révèle aussi une difficulté de prise en compte de ce paradigme pour mettre en œuvre les orientations publique de mobilité durable comme nous le verrons par la suite. En 2017, suite à la COP 21 de Paris de 2015, la marche vers une mobilité durable s’accélère. Les Assises nationales de la mobilité convient usagers, citoyens, collectivités et opérateurs à contribuer à l’émergence de nouvelles solutions. Cette démarche d’association et de concertation d’envergure pose les bases du projet de Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) établissant plus fortement une intégration du paradigme de la mobilité durable comme nous allons à présent l’exposer.
L’horizon de la mobilité durable dans les futures dispositions de la Loi d’Orientation des Mobilités
Dans la continuité de la loi NOTRe (Loi portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République), le projet de la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), dont la version finale sera dévoilée prochainement, porte l’ambition de réformer en profondeur l’approche de la mobilité. Elle s’inscrit dans une vision à long terme et incite à mettre en œuvre des solutions à la hauteur des enjeux actuels. C’est pourquoi, conscient qu’une analyse juridique ne nous appartient pas, nous intégrons néanmoins ici les points saillants de mobilité durable identifiés précédemment (Chapitre 2, page 64). D’un point de vue général, ce projet de loi transforme le droit au transport en droit à la mobilité présenté comme plus large et recouvrant les transports traditionnels, le covoiturage, l’autopartage, les modes actifs, l’accompagnement à la mobilité qui est une clef de la motilité (confer § 1.2.2, page 45), la sécurité des déplacements, la limitation des GES… En effet, l’exposé des motifs précise que « L’article 1er transforme le droit au transport en droit à la mobilité, afin de couvrir l’ensemble des enjeux d’accès à la mobilité, qui ne se limitent ni à l’accès aux transports collectifs ni à une vision centrée sur l’infrastructure. Cela doit notamment permettre de mieux prendre en compte les nouvelles formes de mobilité ainsi que les 203 URL : https://www.ecologiquesolidaire.gouv.fr/sites/default/files/SNBC_Strategie_Nationale_Bas_Carbone_France_2015.pdf. Consulté le 31 octobre 2018. Première partie : La mobilité durable, un paradigme émergent 90 problématiques de conseil et d’accompagnement des personnes les plus fragiles, avec un axe important d’intervention en faveur de l’accès à l’emploi et à la formation »204 . Dès la version présentée au Sénat205 cette évolution sémantique est marquée, et maintenue dans les versions suivantes, par un rejet du terme de transport au profit de celui de la mobilité. L’article premier substitue les termes « droit au transport » par « droit à la mobilité ». Ce remplacement du terme transport par celui de mobilité est systématisé, sans toutefois identifier les contours de ce paradigme comme nous avons pu le définir en première partie (§ 1.2, page 43). A titre d’exemples, relevons que les termes « système des transports » sont remplacés par le « système des mobilités », « service de transport » par « services à la mobilité », « transports publics urbains » par « mobilité », « versement transport » par « versement mobilité », « plans de déplacements urbains » par « plans de mobilité » et « mode de déplacements terrestres non motorisés » par « mobilité active ». Ce projet s’appuie sur le constat de 80 % du territoire (soit 30 % de la population) non couvert par une collectivité publique en charge de la mobilité et vise à couvrir le territoire d’autorités compétentes pour améliorer la mobilité au quotidien de tous. L’objectif est d’apporter des solutions permettant de renoncer à l’autosolisme, accélérer le développement des nouvelles solutions de mobilité, et réussir la transition écologique. Ainsi, bien que l’objectif de mobilité durable ne soit pas explicitement exprimé dans le texte, il est le fil conducteur et l’esprit de ce projet. Quatre grands thèmes sont ainsi définis : – Apporter à tous et partout des solutions alternatives à la voiture individuelle, – Développer l’innovation et les nouvelles solutions de mobilité au service de tous, – Réduire l’empreinte environnementale des transports en réussissant la transition écologique, – Investir davantage dans les infrastructures pour améliorer les déplacements quotidiens. La planification de la mobilité est visée à l’article 5 qui remplace les anciens Plan de Déplacements Urbains (PDU) par des plans de mobilité pour les AOM de plus de 100 000 habitants à compté du 1er janvier 2021. Ils présenteront une prise en compte plus large des enjeux de mobilité (besoins en matière de mobilités actives, partagées, inclusive, ainsi que des mesures en faveur de la limitation de l’étalement urbain). A noter que les gestionnaires de voiries et les collectivités limitrophes seront associés sans que toutefois les modalités apparaissent clairement. En dehors de ces territoires, un plan de mobilité rural peut toujours être réalisé pour améliorer la mobilité. Les mobilités inclusives, que nous aborderons (§ 3.3.3, page 117), sont mentionnées sous la forme d’une mobilité solidaire et le Chapitre III du projet vise les personnes 204 URL : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.11.26_projet_loi_orientation.pdf . Consulté le 23 août 2019. 205 URL : https://www.senat.fr/leg/pjl18-157.html . Consulté le 08 février 2019. Première partie : La mobilité durable, un paradigme émergent 91 les plus fragiles. L’exposé des motifs précise que l’objectif est de « permettre aux personnes les plus fragiles de trouver des solutions de mobilité adaptées à leur situation personnelle. Pour cela, il décloisonne les politiques de mobilité et les politiques sociales au service notamment de l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle. Il instaure une coordination opérationnelle des acteurs et lève les freins existants au développement de la mobilité à caractère social. Il comporte également un ensemble de dispositions permettant d’améliorer la mobilité des personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite ». Ce décloisonnement des politiques appellera donc une concertation entre les différents acteurs. Le projet vise aussi à encourager les nouvelles formes de mobilité et l’innovation (véhicules autonomes, encouragement financier au covoiturage, places de covoiturage, voie réservée au covoiturage, régulation des nouveaux services de mobilité, plateformes numériques…). Il promeut les mobilités actives en encourageant à un « reflexe de mobilité active » et la lutte contre le vol. Les mobilités propres et actives sont encouragées. Les salariés se voient ouvert un « forfait mobilité » pour les déplacements en vélo ou en covoiturant (400 € annuels au maximum, ce qui est supérieur au remboursement actuel des abonnements de transports et de locations de vélos définis par le décret du 30 novembre 2008 relatif au remboursement des frais de transport des salariés), sans que toutefois l’ensemble des modes actifs soient pris en compte (marche à pied, engin de déplacements personnels tels la trottinette…). La mobilité durable figure explicitement sous la forme d’un « forfait mobilité durable » visant à soutenir les alternatives à la voiture dans les déplacements domicile/travail…mais cela reste insuffisant à notre sens pour répondre aux attentes que ce paradigme sous-tend. L’exposé des motifs signe aussi la « fin de la vente des voitures émettant des gaz à effet de serre en 2040 et la neutralité carbone de la mobilité en 2050 » et annonce que le nombre de voitures particulières à très faibles émissions neuves vendues en 2022 sera au moins cinq fois supérieur au nombre de voitures particulières à très faibles émissions vendues en 2017. Il vise à renforcer le maillage du territoire en bornes de recharge pour véhicules électriques et instaure un pré-équipement (« droit à la prise ») dans les bâtiments. L’article 28 traduit cette volonté de renforcer la lutte contre les véhicules polluants par la mise en place de « zones à faibles émissions » (ZFE), qui remplacent les zones à circulation restreinte » (ZCR). Elles seront mises en place sur les territoires dépassant régulièrement les niveaux de pollutions admis.
Avant-propos |