Écophysiologie et Diversité Génétique de Faidherbia albida (Del.) A. Chev. (syn. Acacia albida Del .),un Arbre à Usages Multiples d’Afrique Semi-Aride
Fonctionnement hydrique des adultes en parc agroforestier
Nous avons choisi le parc sud-soudanien de Dossi, Burkina Faso, pour réaliser des suivis saisonniers du fonctionnement hydtique et de la nutrition (carbonée et azotée) de faidherbias adultes. Un transect a également été opéré pour en estimer la variabilité spatiale. Les variations de pluviométrie et de taux feuillaison ont été enregistrées pour caler la période végétative par rapport aux saisons. L’intensité de la contrainte hydrique édaphique ressentie par les arbres a été estimée par des suivis de potentiels hydriques foliaires, et comparée aux teneurs en eau du sol sur l’ensemble du profil vertical colonisé par les racines. Parallèlement, on a mesuré les variables climatiques pour préciser l’intensité de la contrainte hydrique atmosphérique. Les évolutions saisonnières de croissance radiale, de transpiration totale par arbre (fluxmètre Granier, 1987) et de conductance hydraulique totale sol-feuilles ont été comparées à celles des contraintes hydriques édaphique et atmosphérique.
On a déduit les variations de la conductance stomatique à la vapeur d’eau, g, de celles du rapport transpiration/évapotranspiration potentielle, et de surface foliaire. La consommation annuelle des faidherbias d’une parcelle a été estimée, et mise en rapport avec les précipitations. Svnthèse : Intro,duction P&&ale 3 Les niveaux de prélèvement de l’eau dans le sol ont été étudiés par la distribution verticale des racines, par la teneur en eau du sol, et par traçage isotopique (méthode de l’oxygène 18, 6’“O). Le système racinaire de Faidherbia albida est essentiellement pivotant (Cazet, 1989), voir aussi Photo 4. Mais une grande variabilité architecturale du syst&ne racinaire a été décrite, et mise en relation avec la profondeur des sols notamment (Alexandre et Ouedraogo, 1992 ; Depommier, 1996). Des racines de Faidherbia albida ont été observées à des profondeurs supérieures à 30 m (Lemaitre, 1954 ; Dupuy et Dreyfus, 1992), atteignant le vbisinage de la nappe phréatique. On considère généralement que Faidherbia albida utilise des réservoirs hydriques profonds, et/ou qu’il est phréatophyte. Le comportement phréatophyte, bien que souvent admis n’a pas été démontré de manière expérimentale.
En particulier, la contribution relative de la nappe et des horizons intermédiaires à l’alimentation en eau des arbres, ainsi que les variations saisonnières des niveaux de prélèvement étaient inconnus. Dans le présent travail, des gradients verticaux de 6180 ont d’abord été recherchés dans l’eau du sol. On a ensuite comparé 6180 de la sève brute avec ces gradients du sol et avec la composition de la nappe pour estimer les niveaux de prélèvement de l’eau par les faidherbias, ainsi que leurs variations saisonnières (Ehleringer et Dawson, 1992). L’installation d’un stress hydrique édaphique etiou atmosphérique est susceptible de provoquer rapidement la fermeture des stomates. En contrepartie, la fermeture des stomates affecte la disponibilité du CO? à l’intérieur des feuilles, on parle de limitation diffusionnelle de l’assimilation nette, A. Dans la plupart des cas, la .fermeture des stomates s’accompagne d’une augmentation du rapport A/g, appelé efficience intrinsèque d’utilisation de l’eau (Ehleringer, 1993), g désignant la conductance stomatique. A/g est relié étroitement à la concentration de CO? dans les espaces intercellulaires des feuilles, Ci. Les variations de Ci influencent la composition isotopique en carbone (613C) des assimilats, et peuvent également dans de nombreux cas être intégrées par 6°C de la matière sèche. La théorie présentée par Farquhar et a1 (1982) a été appuyée par de nombreuses preuves expérimentales. Nous mesuré 613C des feuilles, et discuté de sa pertinence comme estimateur des variations de Ci et de A/g chez Faidherbia albida. Nous avons également envisagé que la sécheresse puisse réduire la photosynthése en affectant la nutrition, azotée notamment.
L’assimilation de l’azote (absorption + fixation) peut devenir critique en cours de sécheresse, et induire une limitation biochimique de l’activité photosynthétique des feuilles. Celle-ci s’ajoute à la limitation diffùsionnelle décrite plus haut. On a donc suivi la teneur en azote foliaire, comme variable esplicative complémentaire du fonctionnement hydrique et de l’efficience d’utilisation de l’eau. En résumé, pour les arbres adultes en parc, nous avons tenté de répondre aux questions suivantes, déclinées dans le temps d’une saison de végétation et dans l’espace d’un transect dans un parc agroforestier : fi) comment se cale le cycle vkgétatifpar rapport aux saisons : (ii) quelle est l’évolution saisonnière de la contrainte hydriqtre ressentie par les arbres : (iii) quelles sont les variations de transpiration et de croissance radiale. tkpendentelles de la contrainte hydrique, comment la transpiration est-elle régulée : (iv) combien consomme annrrellement un hectare de faidherbia ; (v) quels sont les réservoirs hydriques exploités I (vi) quels sont les dt;terminants des variations de l’eficience d’utilisation de l‘eau ? Les expérimentations mises en place pour répondre à ces questions sont décrites dans la Partie 1 de la présente synthèse, ainsi que dans les articles 1 et 2. 1.3 Diversité génétique de la croissance initiale et de I’efJicience de l’eau S’il se vérifie que les adultes de Fuidherbiu afbidu absorbent l’eau majoritairement dans les nappes, ce qui leur confere une certaine autonomie à l’égard des pluies, et autorise en particulier l’adoption d’une phénologie inversée, qu’en est-il des juvéniles ? Les semis adopteraient au départ une phénologie normale. Cela semble incontournable, mais peu d’études l’ont réellement montré (Nongonierma, 1979). Le succès de l’installation, la survie et l’acquisition de la phénologie inversée devraient dépendre de l’accès effectif à ces réserves hydriques profondes.
Cette phase d’installation apparait cruciale pour la survie, et pourrait être soumise à une forte pression de sélection naturelle. La large distribution de Fuidherbiu ulbidu (figure 1) et la diversité de ses habitats auraient favorisé l’émergence d’une diversité génétique importante. Compte-tenu de I’intérèt économique de l’espèce, de nombreux programmes de sélection lui ont été consacrés. Des essais multi-locaux de comparaison de provenances panafricaines ont distingué des génotypes à croissance initiale plus rapide (Sneizko et Stewart 1989, Vandenbeldt 1992, Torrekens et a1 1992, Harmand et Njiti 1992, Billand et De Framond 1991). A titre d’exemple, les essais de comparaison de provenances menés au Burkina Faso ont montré que les provenances d’Afrique australe et orientale, principalement, présentaient une croissance aérienne plus rapide que les provenances occidentales (Billand et Diallo, 1991). Mais leur taux de mortalité était plus élevé, surtout dans les sites les plus ‘arides (Billand et De Framond 1991). En outre, leur avantage de croissance s’estompait au bout de quelques années dans les sites où elles avaient pu se maintenir (Billand et De Framond 1991 ; Bastide et Dia110 1996). Enfin, les résultats différaient selon le site d’implantation choisi (notamment selon son indice d’aridité). Des interactions génotype x environnement afrectaient les classements pour la croissance initiale et pour la survie. Les figures 2 et 3 résument ces résultats de terrain. Nous avons cherché à aborder ces résultats complexes de terrain sous un angle écophysiologique.
Lambers et Poorter (1992) ont suggéré qu’il existait un antagonisme entre la vigueur et la l’aptitude à résister aux conditions environnementales difficiles. Nous sommes partis de l’hypothèse que la disponibilité en eau du sol pouvait Stre un facteur environnemental majeur susceptible d’expliquer ces interactions génotype x environnement. Tester cette hypothèse nécessitait d’expérimenter l’effet de la sécheresse sur la croissance et le fonctionnement hydrique. Nous avons testé sept provenances panafricaines. qui avaient déjà démontré une croissance initiale contrastée dans les essais de terrain du Burkina Faso. De nombreuses variables écophysiologiques (croissance, allocation vers les différents compartiments, surface foliaire, transpiration, échanges gazeux, etc.) ont été mesurées en serre ou en , . . pepnnere. En outre, nous avons recherché si les provenances exprimaient une certaine variabilité pour l’t‘ticience de l’utilisation de l’eau, W (le rapport entre la quantité de biomasse accumulée et I’(évapo)-transpiration). Ce caractère est depuis très longtemps surveillé dans le cadre des programmes de sélection, en particulier pour les cultures destinées aux zones soumises à sécheresse (Briggs et Shantz, 1914 ; Farquhar et Richards. 1984). Selon Passioura (1977) l’intérêt d’améliorer W est d’augmenter le rendement des cultures, Y, quand on ne peut pas jouer sur l’apport hydrique, ou la transpiration, T .
Appareil conducteur
Chez les angiospermes, les vaisseaux assurent le transport de la sève brute. Ils sont disposés bout à bout, sans parois transversales en général, mais avec une ou plusieurs perforations. Les communications sont verticales et latérales (Zimmermann, 1983).
Potentiel hydrique
Il existe une continuité hydraulique depuis les particules de sol entourant les racines jusqu’aux parois des cellules foliaires où a lieu l’évaporation. La sève brute est conduite sous tension par les éléments conducteurs du bois, selon la théorie de la tension-cohésion (Dixon et Joly, 1895). On définit le potentiel hydrique Y de la manière suivante : y= w-Pu”) L (3) Y : potentiel hydrique (MPa), p : potentiel thermodynamique de l’eau, ou quantité d’énergie disponible par mole pour effectuer un travail, p* : potentiel thermodynamique de l’eau pure à la pression atmosphérique et à la température ambiante, V, : volume molaire de l’eau (18 cm’ mol-‘). La circulation de l’eau liquide dans la plante est régie par les composantes de Y, que sont le potentiel de tension, le potentiel de gravité, le potentiel osmotique. En ce qui concerne la sève brute, les potentiels osmotique et gravitaire sont le plus souvent négligés (pas de membranes semi-perméables, hauteurs faibles), au profit de la composante de tension.
Conductance hydraulique
On distingue les conductances à l’interface sol-racines, qui varient beaucoup avec l’état hydrique du sol et les surfaces de contact sol-racines, les conductances racinaires, caulinaires, foliaires. La conductance hydraulique (inverse de la résistance au passage de l’eau) des éléments conducteurs est théoriquement une fonction d’ordre 4 de leur rayon (loi de Hagen-Poiseuille), mais elle est moindre dans la réalité (Tyree et Zimmermann, 1971). Les conductances hydrauliques sont représentées en série. La résultante est appelée conductance hydraulique sol-feuille totale. On parle de conductance hydraulique totale spécifique, notée gr quand la conductance est rapportée à la surface foliaire (indice SF), ou d’aubier (indice SA), en considérant qu’il existe une proportionnalité entre les deux surfaces.
Flux de sève
La transpiration est égale à la somme du flux absorbé par les racines (F,) et du flux cédé par les organes “réservoirs” de la plante (F,) (Weatherly, 1970). F, est généralement positif aux premières heures du jour, négatif le soir. A l’échelle journalière, on considère qu’on est en régime conservatif (CF, = 0) Cruiziat (1978). C’est également le cas à pleine transpiration (Schulze et al, 1985). La participation des réserves de l’arbre est généralement négligeable par rapport à la transpiration.
1. INTRODUCTION GENERALE |