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Grands traits géomorphologiques
Structure géologique du substrat
La marge continentale s’est ébauchée au Jurassique (200 Ma au Mésozoïque, c’est-à-dire à l’ère secondaire), lors de l’ouverture du Golfe de Gascogne par écartement de la plaque ibérique. Sa limite Sud résulte de l’effondrement du bassin de Parentis au Crétacé inférieur (milieu du Mésozoïque : 120 Ma). Elle a ensuite évolué comme les marges « stables » de type atlantique avec des affleurements de terrains mésozoïques et surtout cénozoïques (tertiaire). Ces affleurements forment une couverture de structure monoclinale faiblement inclinée vers l’ouest et localement déformée par un faisceau de fractures orientées Nord-Ouest – Sud-Est. Ils reposent en discordance sur le socle hercynien du Massif Armoricain (Lesueur et Klingebiel, 1976). Les failles qui découpent le socle en blocs s’inscrivent dans trois directions majeures :
– Ouest/Nord-Ouest – Est/Sud-Est, parallèle à la ligne générale du rivage (direction sud-armoricaine de l’axe anticlinal de Cornouaille),
– Ouest – Est, parallèle à la côte nord de Bretagne (direction nord-armoricaine),
– Nord/Ouest – Sud/Est, parallèle à la direction moyenne des isobathes de 110 à 160 m (direction de la faille de Kerforne en presqu’île de Crozon).
Le plateau continental du Nord du Golfe de Gascogne se subdivise en trois zones disposées parallèlement à la côte. Tout d’abord, la zone interne se compose de dépressions prélittorales, résultats du comblement partiel des vallées prolongeant les fleuves actuels et de l’échine prélittorale qui supporte les îles armoricaines. Ensuite lui succède la zone médiane, au relief monotone et à la pente faible accidentée de massifs rocheux isolés, dont le relief est estompé par le colmatage des sédiments fins (vases et sables composant la Grande Vasière). Enfin, la zone externe est caractérisée par une pente faible et une topographie irrégulière où alternent des platiers à fonds durs et rocheux ; elle est traversée par quelques paléo-chenaux (Lesueur et Klingebiel, 1976).
Couverture sédimentaire
Le plateau continental peut être défini comme le « lieu », au sens géométrique du terme, où passent les littoraux successifs. C’est un modèle caractérisé par l’alternance plus ou moins périodique des façonnements continental, littoral et sous-marin (Pinot, 1974). Toutes proportions gardées, le plateau continental est une sorte d’estran où les « marées sont à l’échelle du stade glaciaire et non à celle de la demi-journée » (Pinot, 1974). En effet, le trait de côte actuel n’est qu’un des nombreux niveaux de séjour de la mer, qui a vu ses rivages situés à – 200 m du niveau actuel au Pliocène (2 Ma), à – 140 m lors des régressions glaciaires du quaternaire et à – 55 m il y a seulement 10 000 ans. De même, il a pu atteindre des niveaux jusqu’à + 50 m du niveau actuel lors des transgressions chaudes au début du quaternaire (Pinot, 1974). Ainsi, par plus de six fois en 2 Ma, le trait de côte a balayé dans les deux sens le plateau continental du Golfe de Gascogne. In fine, la répartition actuelle des sédiments est la triple conséquence de l’action des houles (Pinot, 1974), des apports actuels des fleuves (Jouanneau et al., 1999; Lesueur et al., 2001) et des variations eustatiques du niveau de l’océan. Ces dernières ont laissé sur le plateau des dépôts terrigènes variés que les transgressions ont remaniés et en partie redistribués (Chassé et Glémarec, 1976 ; Lesueur et Klingebiel, 1976).
Dans toute la partie Nord du plateau continental du Golfe de Gascogne, le recouvrement meuble est relativement peu épais. Dans la zone interne, le prisme sédimentaire côtier atteint son maximum (10 à 40 m), en particulier dans les vallées fluviales colmatées (prolongements des estuaires et des marais littoraux : Marais Breton, Marais Poitevin et Pertuis charentais). La nature des matériaux de recouvrement est assez variée : vases marines des vasières du plateau ou des estuaires, sables littoraux du plateau interne, graviers des platiers rocheux ou des accumulations littorales fossiles submergées (Lesueur et Klingebiel, 1976).
La partie interne du plateau continental Nord Gascogne, en contact avec le socle armoricain, est la mieux connue et la plus diversifiée par sa morphologie, la nature et la répartition des sédiments (figure 1.2 3). Elle est le siège des apports et des remaniements actuels. Elle peut elle-même être séparée en deux zones distinctes : la zone interne abritée par l’échine rocheuse sud-armoricaine et la zone interne ouverte, directement exposée à la houle du large. La zone interne abritée prélittorale est soumise au colmatage par des apports de sédiments sablo-vaseux de plus en plus fins qui recouvrent un substrat varié mais toujours grossier. Les sédiments de la zone interne ouverte sont par contre soumis à d’importants remaniements des fonds. Les hauts-fonds rocheux sont les plus exposés aux actions des houles. Leur érosion mécanique conjuguée au « vannage » des éléments produits et au développement faunistique entraînent des accumulations variées de graviers et débris litho- et bioclastiques qui couvrent lenticulairement les fonds durs. Ces sédiments littoraux toujours remaniés, repris et redistribués sur les plages par la dérive littorale, sont l’équivalent des sables de la côte d’Aquitaine (Lesueur et Klingebiel, 1976 ; Chassé et Glémarec, 1976).
La plate-forme externe du Golfe de Gascogne, entre l’accore et l’isobathe –120 m, connaît une rugosité importante avec un « nappage » de sables zoogènes moyens de faible épaisseur, qui s’enrichit continuellement d’éléments biogènes plus grossiers fabriqués sur place, notamment par les tubes calcaires d’alènes (Ditrupa arietina : polychète Serpulidae). La plate-forme externe est restée immergée au cours de presque toutes les périodes de bas niveaux marins (glaciations). Elle est tapissée de sables fins et moyens avec une tendance globale à l’affinement liée à une diminution des teneurs en carbonates du Nord vers le Sud. Un « voile pélitique » peut apparaître dans les parties les plus concaves et constitue soit de véritables digitations de la Grande Vasière soit des vasières isolées et éphémères. Celles-ci correspondent au réseau complexe de chenaux séparant des plateaux rocheux et « onduleux » couverts de sédiments plus grossiers (Lesueur et Klingebiel, 1976 ; Chassé et Glémarec, 1976 ; figure 1.2 3).
La partie médiane du plateau continental du Golfe de Gascogne, entre la Baie d’Audierne et le plateau de Rochebonne, est caractérisée par la présence de l’immense domaine appelé « Grande Vasière » (figure 1.2 3). Elle représente une vaste étendue de sédiments sablo-vaseux uniformes dont les limites sont extrêmement délicates à fixer. De part et d’autre de l’isobathe 100 m, généralement entre 70 et 120 m de profondeur, cet ensemble est large d’environ 100 km au large de Groix et de seulement 25 km au large de Rochebonne. Les vases retenues par les reliefs protecteurs des marges internes et externes « voilent » un champ de dunes de sables fins éoliens roux en cordons parallèles aux isobathes. La pellicule de sédiment vaseux (rarement plus de 20 % de pélites) est très mince sur les crêtes et plus épaisse dans les creux des dunes ; seules les dépressions protégées renferment de véritables vases (jusqu’à 92 % de pélites). De longues digitations vaseuses coulent vers le large dans les anciennes reliques d’un réseau fluviatile complexe d’orientation Nord/Est – Sud/Ouest. Vers la côte dans la partie Nord, des digitations vaseuses relient la Grande Vasière à la dépression prélittorale, à l’Est des Glénan, par l’intermédiaire des paléochenaux de l’Odet et du Blavet. Au Sud de Penmarc’h, les fonds vaseux épais et très riches en pélites (plus de 80 % de pélites) sont très proches de la côte, à moins de 2 km des roches cristallines. Vanney (1969) et Pinot (1974) qualifient la Grande Vasière de zone terminale de dépôt, lui attribuant une alimentation pélitique sous l’action des courants de retour engendrés par les houles. De plus, une partie des masses turbides apportées par les fleuves participe à l’alimentation des vasières du large, dont la Grande Vasière est la plus importante. Ces apports fluviaux participent également à la construction des accumulations de sables fins prodeltaïques et à l’alimentation de la vasière girondine.
Actuellement, les rivières sont les principales sources de particules fines du Golfe de Gascogne. Elles délivrent environ 2,5.106 t.an-1 de sédiments fins continentaux, dont 60 % proviennent de la Gironde. La Grande Vasière représente 75 % de la surface totale de déposition de particules fines du plateau continental du Golfe de Gascogne et 65 % du flux total de sédimentation est stocké sur le plateau continental (Jouanneau et al., 1999). Le taux d’accumulation calculé par Lesueur et al. (2001 ; 2 mm.an-1) est du même ordre de grandeur que celui d’autres plateaux continentaux (1,5 à 6,3 mm.an-1 pour le Golfe du Lion, 1 à 3 mm.an-1 pour l’Est de l’Espagne, 1,6 à 5,5 mm.an-1 pour le Nord du Portugal ; Lesueur et al., 2001).
La couverture sédimentaire du plateau continental du Golfe de Gascogne est relativement fine (1 à 4 m). Les dépôts sédimentaires sont le résultat de divers processus de transports sédimentaires induits par une variété de conditions hydrodynamiques, dont certaines sont liées aux variations eustatiques du niveau de la mer au Pléistocène (Jouanneau et al., 1999). De plus, la couverture actuelle fournit des preuves de redistribution sous l’action des tempêtes (Weber et al., 1987). La couverture sédimentaire de la Grande Vasière est généralement très fine (0,5 à 1,5 m) et discontinue (Jouanneau et al., 1999). Son étendue est également variable en taille, sa surface pouvant être divisée par deux en hiver (Pinot, 1974).
Environnement physique et chimique
Le plateau continental du Golfe de Gascogne est un écosystème méso- à macro-tidal (4 à 5 m d’amplitude maximum) dominé par les tempêtes (Arbouille, 1987). Son environnement physique et chimique présente une grande variabilité spatio-temporelle, sous la contrainte des panaches fluviaux de la Loire et de la Gironde.
Courants
La dynamique des eaux dans le Golfe de Gascogne contraste avec celle des eaux de la Manche : les mouvements y sont beaucoup plus lents. A cet égard, l’Iroise marque une transition entre les deux modèles (Lesueur et Klingebiel, 1976).
Dans la partie océanique du Golfe de Gascogne, la circulation générale des eaux est lente et les courants dans les couches supérieures longent le talus continental dans le sens anticyclonique. Cette partie profonde est caractérisée par la présence de vigoureux tourbillons. Ces tourbillons d’eaux plus chaudes que l’eau océanique sont générés au niveau de la pente continentale, à proximité d’accidents topographiques tel que le canyon de Cap-Ferret. Ils ont un diamètre d’environ 100 km, une profondeur de 200 m et se déplacent lentement vers l’ouest à la vitesse de 2 km.Jour-1 (Lazure, 1997).
Sur la pente continentale, les courants longent les isobathes et montrent de nombreuses fluctuations à toutes les échelles de temps. Ils semblent comporter une importante composante saisonnière. En hiver et en automne, ils sont orientés vers l’Est le long des côtes espagnoles et vers le Nord le long des côtes françaises. Au printemps et en automne, ce courant s’affaiblit et peut souvent s’inverser (Lazure, 1997).
Sur le plateau continental, les courants dus à la marée deviennent notables. Ils peuvent localement devenir dominants à de faibles profondeurs : près des côtes, au voisinage des îles ou des hauts fonds. Au sein de ces zones, le mélange vertical est important et les masses d’eau sont toujours bien mélangées de la surface au fond. Par contre, sur la majeure partie du plateau continental, à des profondeurs supérieures à 30 m, les courants de marée sont faibles et les masses d’eau sont mises en mouvement principalement par les vents. La force et la direction des courants marins dépendent alors de celles des vents, ce qui les rendent très variables (à l’inverse des courants de marée). De plus, les vents sont susceptibles d’induire près des côtes, notamment celles des Landes, des mouvements verticaux (« upwelling »). Ces remontées d’eau de fond permettent un enrichissement des eaux côtières en sels nutritifs (Lazure, 1997).
Houles
Le secteur dominant du régime des houles est globalement Ouest-Nord/Ouest à Ouest-Sud/Ouest. Les zones des plus grandes agitations sont la face externe des plateaux rocheux isolés et l’échine rocheuse prélittorale, qui délimitent des zones internes abritées. En période de fortes tempêtes, les houles peuvent agir jusqu’à des profondeurs de 50 m, voire atteindre 200 m lors de houles exceptionnelles très longues qui provoquent des remises en suspension de pélites (Pinot, 1974).
Température et salinité
En été, les eaux du plateau continental du Golfe de Gascogne sont caractérisées par l’existence d’une thermocline marquée, surtout dans les régions côtières les moins agitées. En surface, l’eau chaude (16-18°C) légèrement dessalée est animée par les courants de dérive, alors qu’au fond, une eau fraîche (11-12°C) à salinité supérieure à 36 ‰ semble inerte. En hiver, le refroidissement des eaux de surface et l’agitation engendrée par les courants et les houles entraînent une homothermie (10-12°C) de l’ensemble des eaux de la plate-forme continentale (Lesueur et Klingebiel, 1976).
Evolution des phénomènes physiques
Sur le plateau continental Nord-Gascogne, les phénomènes hydrodynamiques à méso-échelle dépendent principalement des forçages climatiques à l’échelle régionale (panache des rivières, « upwelling » côtiers) plutôt que de la circulation océanique générale. Une description de l’évolution spatio-temporelle de la salinité et de la température a déjà été réalisée par Lazure et Jégou (1998) sur la base du modèle « mars 3D », et par Lampert (2001) à l’aide de données obtenues par bathysonde.
En hiver, avec de faibles apports fluviaux et des vents forts, la distribution de la température et de la salinité est homogène sur toute la colonne d’eau. Les fronts thermique et halin associés sont alors positionnés parallèlement à la côte (figure 1.2 4 ; Lampert, 2001).
Lors des fortes pluies d’hiver et de printemps et avec des vents de secteurs Sud-Ouest, une stratification haline s’établit au moment où les eaux fluviales prennent une direction Nord sous l’effet des courants baroclines (> 20 cm.s-1 si le gradient halin est important). Ces eaux restent près des côtes tant que l’équilibre entre débits des fleuves et vents dominants est favorable. L’apparition de vents de secteur Nord permet aux eaux fluviales dessalées de s’étaler en surface vers le large et même de prendre la direction Sud si les débits des fleuves sont faibles (diminution des courants de densité ; Lampert, 2001).
Le printemps (mars-avril) est la période de transition entre les conditions hivernales (eaux fluviales collées à la côte et dirigées vers le Nord) et estivales (dispersion des eaux fluviales vers le large et vers le Sud si les vents dominants sont de secteur Nord-Ouest). A cette époque de l’année, le régime des vents semble être le facteur dominant dans la distribution thermo-haline des eaux de surface sur le plateau continental Nord Gascogne. En hiver et au début du printemps, les eaux océaniques sont plus chaudes que celles du plateau. Ceci est dû à la pycnocline créée par les eaux dessalées, qui agit comme une barrière entre les eaux de surface et de fond, ce qui favorise les déperditions de chaleur vers l’atmosphère et le refroidissement des couches superficielles. Durant toute cette période, la salinité conditionne la masse volumique de la masse d’eau et la position de la pycnocline (Lampert, 2001).
En été, le réchauffement progressif des eaux de surface se fait du large vers la côte et du Sud vers le Nord. L’augmentation de la radiation solaire conjuguée à l’étiage des fleuves (débit minimum entre juillet et septembre) engendre un remplacement progressif de la stratification haline par une stratification thermique. Ainsi, l’augmentation de la stratification des eaux permet aux eaux de surface de « glisser » sur les eaux profondes d’origine océanique vers le large et d’atteindre voire de dépasser la limite du talus continental en fonction des vents dominants (Lampert, 2001).
La figure 1.2 5 recense quelques-uns des phénomènes physiques remarquables sur le plateau continental du Golfe de Gascogne et ayant notamment des implications en terme de production primaire. Tout d’abord, les ondes internes, générées à proximité du talus continental en période de thermocline établie et lors de forts coefficients de marée, favorisent l’injection des eaux profondes plus froides et riches en sels nutritifs (Mazé, 1987). Elles améliorent ainsi la production primaire sur le talus et le bord interne du plateau continental (Holligan et Groom, 1986 ; Lampert, 2001 ; Lampert et al., 2002). Puis, les « Freddies », tourbillons dessalés d’eau fluviale qui sont détectés occasionnellement et encore mal connus, se détachent des panaches fluviaux et transportent leurs caractéristiques physico-chimiques sur le plateau continental. Ensuite, la stratification haline dûe aux forts débits des fleuves permet la circulation des masses d’eaux liée aux gradients de densité. Enfin, le
« bourrelet froid » isole les eaux froides de la Grande Vasière des eaux plus chaudes de surface lors du réchauffement printanier et estival. Cette structure froide et salée a pour origine les courants de marée et la topographie, elle demeure insensible aux variations météorologiques (Le Cann, 1982).
Figure 1.2 5 : Localisation de quelques phénomènes physiques remarquables sur le plateau continental du Golfe de Gascogne. (1) Zone d’action des ondes internes ; (2) Tourbillons dessalés d’eau fluviale (« Freddies ») ; (3) Courants de densité en fonction des débits des fleuves ; (4) « Bourrelet froid » (dans Lampert, 2001).
Evolution saisonnière des sels nutritifs
Les panaches fluviaux sont à l’origine d’un enrichissement nutritif important de la zone côtière du plateau continental du Golfe de Gascogne (notamment en nitrates). Les gradients de nutriments sont en général orientés dans le sens côte-large (Lampert, 2001). En hiver, les concentrations des trois nutriments principaux sont importantes dans le panache de la Loire (N = 22,2 µM ; P = 0,5 µM ; Si = 11,8 µM ; environ deux fois plus que dans la Gironde ; Lampert, 2001). Au printemps, la production est déjà limitée en silice et en phosphore (sur le plateau continental Nord Gascogne, le phosphore est compris entre 0,04 et 0,09 µM et la silice entre 0,4 et 0,9 µM ; Lampert, 2001). Loyer (2001) a montré que la limitation en phosphore est surtout forte en zone côtière et survient dès la fin de l’hiver devant l’estuaire de la Gironde. Du fait des apports élevés en azote par les fleuves, le stock hivernal de nitrates n’est épuisé qu’en fin d’été (la concentration en azote est voisine de 0,1 µM en septembre ; Lampert, 2001). Sa consommation se prolonge au printemps malgré la limitation précoce par le phosphore ; ce dernier subit d’importants processus de régénération qui permettent l’épuisement complet du stock de nitrate. Ainsi, les concentrations en phosphates restent faibles et relativement constantes durant l’été (inférieures à 0,1 µM ; Lampert, 2001). A l’inverse, les concentrations en silicates montrent une augmentation nette durant l’été, indiquant l’importance des processus de régénération dans le compartiment benthique côtier (Loyer, 2001).
Peuplements floristiques et faunistiques
La description des peuplements planctoniques, benthiques et démersaux réalisée dans la suite de cette étude se limitera aux communautés du plateau continental Nord Gascogne.
Plancton
Phytoplancton
Dans la classification de Longhurst (1995 ; 1998), le Golfe de Gascogne appartient à la province de la plate-forme Nord-Est Atlantique. Il lui reconnaît quatre principales situations :
– l’hiver avec une colonne d’eau mélangée et des conditions de lumière limitantes,
– le bloom printanier limité par la disponibilité des sels nutritifs,
– les conditions stratifiées estivales avec localement des zones de fortes concentrations en chlorophylle, notamment le long des fronts,
– un second bloom automnal après la décomposition de la stratification de la colonne d’eau engendrée par les premiers coups de vent.
Néanmoins, au sein du Golfe de Gascogne, de nombreuses particularités régionales peuvent se surimposer à ce schéma de fonctionnement théorique (forçage par les courants de marée à la pointe Bretagne : Morin et al., 1991, « upwelling » le long des côtes espagnoles : Botas et al., 1990).
Sur le plateau continental du Golfe de Gascogne, la production phytoplanctonique est conditionnée par l’ensoleillement et la position des panaches fluviaux, cette dernière étant déterminée par les effets conjoints des vents et du débit des fleuves. En effet, les panaches peuvent exporter loin des côtes leurs propriétés physiques (température) et chimiques (sels nutritifs et salinité). En conditions favorables, le stock de nutriments est épuisé dès l’hiver et une succession d’espèces phytoplanctoniques se met en place précocement. Celle-ci est étroitement contrôlée par l’environnement physico-chimique et présente ainsi une forte variabilité inter-annuelle, notamment en hiver et au printemps (Lampert, 2001).
Deux principales zones de production phytoplanctonique et des structures locales de forte production primaire ont été mises en évidence sur le plateau continental du Golfe de Gascogne (Loyer, 2001). Tout d’abord, la zone côtière où l’influence des fleuves prolonge le bloom printanier, chaque nouvel apport de nutriments correspondant à un nouveau pic de chlorophylle. Les niveaux de production primaire atteints dans ces zones eutrophisées sont supérieurs à 200 g C.m-2.an-1. Sur la façade atlantique française, ces fortes valeurs de production restent confinées dans les estuaires (figure 1.2 6 ; Loyer, 2001). Ensuite, sur la partie centrale du plateau continental, les eaux montrent un décalage moyen de deux mois par rapport au démarrage des blooms dans les zones de fronts halins. Ces eaux peuvent être soumises ponctuellement aux apports fluviaux qui soutiennent alors une production primaire plus élevée. Les panaches, en particulier celui de la Loire, peuvent s’étendre très largement sur le plateau continental, cette extension étant conditionnée par les débits et les vents. Ainsi, en fonction des conditions météorologiques, les apports ligériens en nitrates peuvent être responsables de plus de 20 % de la production phytoplanctonique des eaux centrales du plateau continental. Les apports girondins en nitrates, nettement moins élevés que ceux de la Loire ont une action limitée à l’embouchure de la Gironde. Enfin, il existe des structures hydrologiques locales favorables à la production phytoplanctonique (« upwelling » du sud Bretagne, fronts thermiques et halins au niveau des zones d’extension des panaches des fleuves et hauts fonds du plateau de Rochebonne ; figure 1.2 6 ; Loyer, 2001). Figure 1.2 6 : Carte de synthèse de la production phytoplanctonique annuelle moyenne (g N. m-2) de 1990 à 1998 issue du modèle biologique 3 D du Golfe de Gascogne (dans Loyer, 2001).
En période de fortes productions, les biomasses chlorophylliennes moyennes pour l’ensemble du plateau continental du Golfe de Gascogne varient de 32 mg chl a.m-2 en mars à 50 mg chl a.m-2 en juin (Lampert, 2001). Elles apparaissent être du même ordre de grandeur que celles enregistrées sur des zones frontales de grande productivité. Mais les niveaux de biomasse chlorophyllienne instantanée montrent une forte variabilité (16 à 118 mg chl a.m-2 ; Lampert, 2001). En hiver, la biomasse phytoplanctonique moyenne est dominée par les diatomées sur le plateau continental du Golfe de Gascogne, en été par les dinoflagellés. La situation de transition entre l’été et l’automne connaît un changement brutal des populations phytoplanctoniques. Il est dû à l’épuisement des sels nutritifs, à la stratification et à la température maximale, avec la présence des cyanophycées qui peuvent représenter près de la moitié de la biomasse. Prymnésiophycées et chlorophycées sont présentes tout au long de l’année avec des taux de biomasse variant de 5 à 30 %. Les cryptophycées quant à elles ne sont présentes qu’en conditions hivernales. De plus, une sectorisation diatomées/prymnésiophycées dans le sens côte/large est observable en hiver, au printemps et au début de l’été (Lampert, 2001).
Zooplancton
Sur le plateau continental du Golfe de Gascogne, deux ensembles zooplanctoniques peuvent être distingués : l’un côtier et l’autre correspondant au plateau continental à partir de 35 à 50 m de profondeur. Sur le littoral atlantique, les différences d’abondance peuvent être importantes compte-tenu des structures frontales et des phénomènes d’accumulation se produisant en surface. Ainsi, dans la zone littorale Sud Bretagne, les valeurs minimales sont inférieures à 10 mg.m-3 et les valeurs maximales atteignent 100 mg.m-3. Les apparitions et disparitions des espèces du zooplancton en chaque région sont fonction de l’ensemble des conditions de l’environnement. Néanmoins, pour la façade atlantique française, il existe une succession saisonnière des espèces, caractérisée par des dominances d’espèces ou des abondances particulières des différentes populations. Ainsi, aux espèces d’eaux froides (essentiellement des méduses et des copépodes) présentes en période hivernale la plus pauvre, succèdent les larves de cirripèdes, d’annélides et de décapodes au début de printemps. Pendant les poussées phytoplanctoniques de mars et d’avril, apparaissent des copépodes (Temora longicornis et Acartia discaudata), des larves de décapodes, de méduses (Obelia et Phialella) et beaucoup d’œufs et de larves de poissons plats (notamment la sole). La fin du printemps et le début de l’été sont les périodes les plus riches tant en diversité spécifique qu’en abondance. En effet, en plus des nombreuses espèces de copépodes et de méduses, c’est l’époque des larves de poissons clupeidés, ammodytidés et des larves de crustacés décapodes porcellanes, brachyoures et des amphipodes gammariens. La succession des espèces de copépodes et de méduses se poursuit durant le maximum thermique de la fin de l’été et durant l’automne et l’hiver (Le Fèvre-Lehoërff et al., 1997).
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Stratégie scientifique et zone d’étude
1.1 Contexte scientifique
1.2 Présentation de la zone d’étude
1.2 1 Situation géographique
1.2 2 Grands traits géomorphologiques
1.2 2 1 Structure géologique du substrat
1.2 2 2 Couverture sédimentaire
1.2 3 Environnement physique et chimique
1.2 3 1 Courants
1.2 3 2 Houles
1.2 3 3 Température et salinité
1.2 3 4 Évolution des phénomènes physiques
1.2 3 5 Évolution saisonnière des sels nutritifs
1.2 4 Peuplements floristiques et faunistiques
1.2 4 1 Plancton
1.2 4 2 Invertébrés benthiques
1.2 4 3 Poissons benthiques et démersaux
1.3 Forçages anthropiques
1.3 1 Apports par les rivières
1.3 2 Pêche
Chapitre 2 : Structure et variabilité spatio-temporelle des peuplements benthiques et démersaux du plateau continental Nord Gascogne
2.1 Matériel et méthodes
2.1 1 Stratégie d’échantillonnage
2.1 2 Techniques d’échantillonnage
2.1 2 1 La drague Rallier du Baty
2.1 2 2 La benne Hamon
2.1 2 3 Le traîneau-drague A.QUA.R.E.V.E.
2.1 2 4 Les chaluts à perche
2.1 2 5 Les carottiers
2.1 3 Acquisition des échantillons – protocole d’échantillonnage
2.1 4 Obtention des données
2.1 4 1 Analyses granulométriques
2.1 4 2 Évaluation de la matière organique totale
2.1 4 3 Analyse des échantillons de faune
2.1 4 4 Mesure de la biomasse
2.1 4 5 Richesse spécifique et indice de diversité
2.1 4 6 Coefficients de Présence et de Dominance
2.1 4 7 Analyse des peuplements par groupes trophiques
2.1 5 Outils statistiques : analyses multivariées
2.1 5 1 Classification Ascendante Hiérarchique
2.1 5 2 Analyse Multi-Dimensionnelle
2.1 5 3 Analyse Factorielle des Correspondances
2.2 Évolution à long terme des peuplements benthiques
2.2 1 Échantillonnage
2.2 2 Résultats
2.2 2 1 Le sédiment
2.2 2 2 Inventaire des espèces
2.2.2 3 Identification des peuplements
2.2 3 Synthèse – Discussion
2.2 3 1 Critique de la méthode – qualité de l’échantillonnage
2.2 3 2 Synthèse
2.2 3 3 Hypothèses explicatives
2.2 4 Conclusion
2.3 Caractérisation écologique des peuplements
2.3 1 Facteurs édaphiques
2.3 1 1 Analyse granulométrique
2.3 1 2 Matière organique
2.3 2 Identification des peuplements
2.3 2 1 Structure taxonomique
2.3 2 2 Identification des groupes de stations et des unités de peuplements
2.3 3 Descripteurs synthétiques des peuplements
2.3 3 1 Macrofaune benthique
2.3 3 2 Macrofaune et mégafaune épigées
2.3 3 3 Grande mégafaune épigée et poissons benthiques et démersaux associés
2.3 4 Analyse de la structure trophique des peuplements
2.3 4 1 Richesse spécifique
2.3 4 2 Abondance
2.3 4 3 Biomasse
2.3 5 Caractérisation générale des peuplements
2.3 6 Synthèse – Discussion – Conclusion
2.3 6 1 Le sédiment
2.3 6 2 Les entités biosédimentaires
2.3 6 3 Variabilité spatiale des peuplements benthiques
2.3 6 4 Structure trophique et fonctionnement
2.4 Variabilité saisonnière des facteurs édaphiques et des peuplements de la Grande Vasière et de sa marge externe
2.4 1 Variabilité saisonnière des facteurs édaphiques
2.4. 1 1 La granulométrie
2.4 1 2 La matière organique
2.4 2 Variabilité saisonnière de la macrofaune benthique collectée à la benne Hamon
2.4 2 1 Descripteurs synthétiques
2.4 2 2 Structures trophiques
2.4 3 Variabilité saisonnière de l’épifaune
2.4 3 1 Descripteurs synthétiques
2.4 3 2 Coefficient de dominance (abondance x biomasse)
2.4 4 Exemples de la variabilité saisonnière au sein de la mégafaune
2.4 4 1 La langoustine (Nephrops norvegicus)
2.4 4 2 La galathée (Munida rugosa)
2.4 4 3 Le merlu (Merluccius merluccius)
2.4 5 Synthèse et discussion
2.4 5 1 Dynamique sédimentaire
2.4 5 2 Dynamique des communautés benthiques
2.4 5 3 Hypothèse d’évolutions saisonnières et de fonctionnement trophique
2.4 6 Conclusion
2.5 Impacts de la pêche sur les peuplements
2.5 1 Descripteurs des communautés
2.5 1 1 Modèle DIMO (« Diversity Monitoring »)
2.5 1 2 Comparaison des courbes Abondance/Biomasse
2.5 2 Cas particulier de l’épifaune
2.5 2 1 Richesse spécifique moyenne
2.5 2 2 Abondance
2.5 2 3 Coefficients de dominance en Abondance x Biomasse
2.5 2 4 Ratio espèces sessiles/espèces vagiles
2.5 2 5 Ratio carnivores/consommateurs primaires
2.5 2 6 Sensibilité des espèces de l’épifaune au passage des chaluts de fond
2.5 3 Discussion – Conclusion
2.5 3 1 Difficulté de l’étude
2.5 3 2 Impact de la pêche au sein du peuplement
2.5 3 3 Impact de la pêche sur l’épifaune
Chapitre 3 : Fonctionnement du réseau trophique de la Grande Vasière
3.1 Flux particulaire détritique
Vertical export of particulate matter on the continental shelf of the Bay of Biscay (NE Atlantic): spatial and seasonal patterns
3.2 Relations trophiques
3.2 1 Les nécrophages
3.2 1 1 Matériel et méthodes
3.2 1 2 Résultats
3.2 1 3 Discussion
3.2 2 Régime alimentaire des poissons
3.2 2 1 Matériel et méthodes
3.2 2 2 Résultats
3.2 2 3 Discussion
3.2 3 Ratios isotopiques stables
Stable carbon and nitrogen isotope analysis of Nephrops norvegicus/Merluccius merluccius fishing grounds in the Bay of Biscay (NE Atlantic)
3.3 Modèle de fonctionnement du réseau trophique bentho-démersal de la Grande Vasière
3.3 1 Présentation du modèle ECOPATH
3.3 1 1 Équation principale
3.3 1 2 Application du modèle ECOPATH à la Grande Vasière
3.3 1 3 Obtention des différents paramètres du modèle
3.3 1 4 Paramètres initiaux en entrée du modèle ECOPATH Grande Vasière
3.3 2 Résultats du modèle ECOPATH équilibré pour la Grande Vasière
3.3 2 1 Paramètres généraux des compartiments trophiques
3.3 2 2 Paramètres de l’écosystème global
3.3 2 3 Interactions trophiques
3.3 3 Discussion
3.3 3 1 Validité du modèle
3.3 3 2 Fonctionnement du système
3.3 4 Conclusions – Perspectives
Chapitre 4 : Synthèse et discussion générale
4.1 Structure des communautés benthiques de la Grande Vasière et de sa marge externe
4.2 Contribution à la connaissance du réseau trophique bentho-démersal de la partie centrale de la Grande Vasière.
4.3 Impacts et conséquences de la pêche au sein des communautés benthiques de la Grande Vasière
4.4 Évolution des peuplements de la macrofaune benthique au cours des 35 dernières années
4.5 Le passé, le présent et l’avenir de l’écosystème benthique de la Grande Vasière : de la Grande Vasière vers la Grande Sablière ?
4.6 Propositions de gestion
4.7 Perspectives
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes