FLUOR, EAU ET SANTE QUEL PROCEDE POUR L’EAU DE BOISSON

FLUOR, EAU ET SANTE QUEL PROCEDE POUR L’EAU DE BOISSON

PROPRIETES ET CARACTERISTIQUES DU FLUOR

Le fluor qui appartient à la famille des halogènes, est l’élément le plus électronégatif et par suite l’oxydant le plus puissant de la chimie. Du fait de sa grande réactivité, il ne se rencontre pas à l’état libre dans la nature [9]. Le fluor, communément présent dans la fluorine (ou spath-fluor) CaF2, la cryolithe (ou alumino-fluorure de sodium) Na3AlF6 et la fluoro-apatite 3Ca3(PO4)2.CaF2, vient au 13ème rang des éléments les plus abondants dans la nature [10,11]. Les propriétés physico-chimiques du fluor sont présentées dans le tableau 1 ci-dessous : Tableau 1: propriétés physico-chimiques du fluor [12]. Propriétés atomiques Propriétés physiques Autres propriétés Masse atomique (u.m.a.) 18,9984 Etat de la matière Gaz diatomique de couleur jaunepâle Electronégativité (Pauling) 4 Rayon atomique [calc] (pm) 50 [42] Température de fusion (K) 53,53 Chaleur massique (J/Kg.K) 824 Rayon de covalence (pm) 71 Température de vaporisation (K) 85,03 Conductivité thermique (W/m.K) 0,0279 Rayon de Van Der Waals (pm) 147 Volume molaire (m3 /mol) 11,20 10-3 1er potentiel d’ionisation (KJ/mol) 1681,0 Configuration électronique [He] 2s² 2p5 Energie de vaporisation (KJ/mol) 3,2698 2è potentiel d’ionisation (KJ/mol) 3374,2 Nombre d’électrons/niveau d’énergie 2 ; 7 Energie de fusion (KJ/mol) 0,2552 3è potentiel d’ionisation (KJ/mol) 6050,4 Etat d’oxydation -1 (acide fort) 4è potentiel d’ionisation (KJ/mol) 8407,7 Structure cristalline Cubique Le fluor (du latin fluere signifiant flux ou fondant) est décrit par Georigius AGRICOLA en 1529 sous sa forme de fluorite comme une substance utilisée pour promouvoir la fusion des métaux ou des minéraux. En 1670 SCHWANDHARD remarqua que le verre était attaqué lorsqu’il était exposé à de la fluorite traitée à l’acide. Karl SCHEELE ainsi que d’autres chercheurs tels que Humphry DAVY, Gay-Lussac, Antoine LAVOISIER et Louis THENARD firent des expériences avec de l’acide fluorhydrique (HF) dont certaines se terminèrent en tragédie en raison du danger de ce produit. 19 En 1771, C. W. SCHEELE a préparé pour la première fois du fluorure d’hydrogène (ou acide fluorhydrique) en faisant réagir des fluorures avec de l’acide sulfurique concentré. C’est effectivement en 1824 que le chimiste BERZELIUS prouva l’existence d’un nouvel élément. Mais son isolation causa un problème pendant plus de 50 ans. On proposa le nom de «fluor» pour ce nouvel élément, qui signifie en grec, destructif, car cela semblait être un nom approprié pour décrire les propriétés destructrices de cet élément chimique [13]. Le chimiste français Henri MOISSAN fut le premier à isoler le fluor, le 26 juin 1886, grâce à sa propre invention, le four à arc électrique. Il reçut le prix Nobel en 1906, une année avant sa mort, pour avoir isolé le fluor [13]. Le fluor ne date pas du XIXe siècle; certains archéologues soutiennent qu’il était présent à l’origine des plantes et des hommes. Sa présence est surtout associée aux volcans et eaux naturellement fluorées. L’être humain est le seul «animal» qui creuse des puits pour trouver son eau de consommation, et les nappes d’eau découvertes possèdent souvent une forte concentration en ion fluoré surtout dans les régions recevant peu de pluie et les régions volcaniques. Dans son livre «Fluoride and the Aging Factor» [14], J. YIAMOUYIANNIS cite plusieurs endroits sur la planète où des gens meurent jeunes suite à l’empoisonnement au fluor présent naturellement dans leur eau de consommation [13].

LES SOURCES NATURELLES

Le fluor d’origine naturelle provient de la dissolution de certaines roches dans l’eau [16]. Les sources naturelles à l’origine de la présence du fluor dans les eaux souterraines les plus couramment constatées sont : – La nature des roches de l’aquifère ; – Le temps de contact entre l’eau et les minéraux fluorés ; – Le contrôle chimique des eaux.  La nature des roches de l’aquifère D’un point de vue géologique, les eaux riches en fluor peuvent se rencontrer dans les trois grands types de terrain que sont les bassins sédimentaires, les zones de socle cristallins et les régions volcaniques. Dans le premier cas, l’origine du fluor provient du fait que, excepté pour les évaporites, le fluor est l’halogène le plus abondant des roches sédimentaires [17]. La fluorite, l’apatite ou fluoro-apatite des bassins phosphatés et les micas sont les principaux minéraux 20 fluorés de ces roches [18]. Dans le second cas, la région la plus connue et la mieux documentée est le Rift Est-Africain, où des teneurs allant jusqu’à 180 mg/L ont pu être observées dans des lacs au Kenya [19]. Le fluor vient alors soit du lessivage des roches magmatiques alcalines possédant des minéraux tels que l’apatite, la topaze ou la fluorine soit de l’activité volcanique elle-même qui engendre des apports gazeux fluorés tel que HF [20]. Enfin, des exemples d’eaux souterraines dépassant largement la teneur en fluor recommandée par l’OMS (<1,5 mg/L) et provenant d’aquifères granitiques ont été localisés en Inde, en Thaïlande, en Chine, en Afrique du sud et dans la partie Est du Sénégal [3]. Le fluor peut être naturellement présent dans les eaux de surface à la suite d’un dépôt de particules provenant de l’atmosphère ou d’une altération atmosphérique des roches et des sols contenant du fluorure [15].  Le temps de contact entre l’eau et les minéraux fluorés L’hydrodynamique du système aquifère joue un rôle important dans le temps de contact entre l’eau et les roches. Ainsi, lorsque le flux des eaux souterraines est relativement lent, une nette augmentation des teneurs en substance totale dissoute (TDS) et en fluor est observée. Le rôle du climat est donc ici très important. En effet, les faibles précipitations des régions arides entraînent généralement des temps de transfert de l’eau souterraine plus longs que dans les zones humides. Les temps de contact eau/roche plus longs provoquent alors un enrichissement de l’eau en substances minérales. L’importance de l’hydrodynamique du système est également notable par la présence de quantité de fluor, souvent plus forte en aquifère captif que dans les aquifères superficiels. En région aride l’évaporation qui affecte les eaux superficielles et les sols, susceptibles de s’infiltrer, est aussi un facteur important de l’augmentation des concentrations des eaux souterraines en fluor [3].  Le contrôle chimique des eaux Les eaux souterraines se chargent en fluor après lessivage de roches phosphatées probablement par dissolution des apatites fluorées dont la solubilité augmente avec la température des nappes considérées. Le niveau de saturation des eaux dépend principalement du déplacement de l’équilibre (1) de formation de la fluorine (CaF2) : + C CaF2 (1)

LES SOURCES ANTHROPIQUES

L’apport en fluor dans les eaux souterraines peut également provenir d’activités anthropiques. L’utilisation agricole intensive d’engrais phosphatés, d’insecticides ou d’herbicides contenant des fluorures en tant que constituant essentiel ou sous forme d’impuretés tels que la cryolithe (Na3AlF6) et le fluorosilicate de baryum (BaSiF6) induit généralement une pollution des nappes phréatiques aux alentours des sols ayant subi un tel traitement [3]. On trouve généralement associés dans la nature du fluorure de calcium et du phosphate de calcium sous forme de fluoroapatite [21]. Dans les pays producteurs de phosphates (Etats-Unis, Afrique du Nord et Afrique de l’Ouest), la présence du minerai de phosphate (hydroxy-apatite) est souvent associée à celle du minerai de fluor (fluoro-apatite). Cette corrélation entre indices phosphatés des sols et présence d’eaux hyperfluorurées a été décrite par PONTIE et coll. [6] sur la zone Mbour-Thiès-DiourbelFatick au Sénégal. Des eaux très chargées en ions fluorures circulent dans un paléokarst situé sous une couche quasi continue de sédiments phosphatés; la concentration en ions fluorures chute dès l’interruption de cette couverture pour se trouver en dessous de 0,1 mg/L au-delà [21]. Dans ces régions, les eaux en provenance des nappes captives peuvent avoir des teneurs en fluor excessives. Les concentrations en fluorure couramment rencontrées varient de 5 à 15 mg/L selon la saison; exceptionnellement des pointes maximales atteignant 20 mg/L peuvent être enregistrées [6]. En France aussi, l’inventaire cartographique réalisée par le ministère des affaires sociales et de la solidarité nationale (1985) montre que les eaux de consommation les plus chargées en ions fluorure se regroupent dans le bassin parisien et aquitain, où là aussi les indices phosphatés des sols jouent un rôle majeur. Dans le bassin parisien, les concentrations en fluorure dans les différentes nappes peuvent varier entre 0,3 et 12 mg/L; tandis que dans le bassin aquitain, la présence d’eaux assez fortement fluorurées a été mise en évidence avec des teneurs variant entre 0,6 et 4,2 mg/L [21]. Dans certaines eaux de surface, la présence de fluor est surtout liée aux rejets des unités de production d’acide phosphorique et d’engrais phosphatés, ainsi qu’à ceux des usines d’aluminium dont le principe de production est l’électrolyse d’une solution d’alumine dans 23 la cryolithe fondue (Na3AlF6) [9]. Le cas des eaux de l’aquifère «Spokane» dans l’Etat de Washington aux USA où des teneurs élevées de fluor ont pu être constatées, notamment dans les puits situés aux alentours du site industriel, illustre parfaitement le cas d’une contamination en fluor provenant de la présence d’usine de traitement d’aluminium.

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