Fluage des aciers inoxydables austénitiques

Fluage des aciers inoxydables austénitiques

Les essais de fluage ont l’avantage sur les essais de relaxation de mener systématiquement à la rupture. Ils permettent donc d’étudier à la fois le comportement et la rupture à des vitesses de déformation et à des températures similaires à celles pour lesquelles on observe la fissuration en relaxation. De plus, très peu d’études concernent la relaxation des aciers inoxydables austénitiques alors que le fluage de ces aciers fait l’objet de très nombreuses publications. Nous ferons, dans ce paragraphe, une synthèse de ces études. Comme les zones affectées par le soudage peuvent présenter un écrouissage résiduel, les données concernant l’influence de l’écrouissage sur le fluage sont très intéressantes pour mieux comprendre le comportement et la rupture des zones affectées. On s’attachera donc, après avoir évoqué le fluage des aciers à l’état hypertrempé, à mettre en évidence l’effet de l’écrouissage sur le fluage. Dans les deux premières parties de ce paragraphe, nous n’évoquerons que le fluage des aciers inoxydables non stabilisés, car les matériaux de l’étude sont des aciers 316. Quelques indications concernant le fluage des aciers stabilisés seront tout de même rapportées dans la troisième partie de ce paragraphe. A titre de comparaison, afin de mieux appréhender l’effet d’écrouissage sur l’endommagement en fluage des aciers inoxydables austénitiques, on a placé en Annexe A, au paragraphe VIII.4 quelques éléments concernant les alliages à base nickel

Comportement 

Aciers testés à l’état hypertrempé 

Cartes de déformation Frost et Ashby (1982) ont réuni de nombreuses données expérimentales concernant tous types de matériaux afin de tracer des cartes de déformation qui permettent d’associer au niveau de contrainte et à la température des domaines de déformation. Ainsi, pour les aciers 316, ils proposent le diagramme de la Figure 22. On constate que pour des températures comprises entre 400°C et 700°C, trois domaines de déformation existent en fonction de la contrainte appliquée. Un domaine de plasticité à très forte contrainte, un domaine de fluagediffusion, à très faible contrainte, et un domaine intermédiaire de fluage-dislocations. Cette figure met en évidence le fait que la sensibilité de la vitesse de déformation à la contrainte augmente au passage entre fluage-diffusion et fluage-dislocations puis augmente de nouveau au passage entre fluage-dislocations et plasticité. Remarquons qu’à la température de 600°C, cette transition intervient pour des vitesses de l’ordre de 10-5s-1 , ce qui coïncide généralement à la transition entre les essais de traction et les essais de fluage. Ravindra et al.(1976) proposent, pour les aciers 304, une carte tout à fait similaire à celle de Frost et Ashby concernant les aciers 316. Pour Kestenbach (1978), la transition entre plasticité et fluage correspond à un rapport vitesse de déformation sur coefficient de diffusion1 de 109 cm-2. Lorsque ce rapport est plus élevé que ce seuil, le mécanisme de déformation principal est le glissement des dislocations activé thermiquement. On observe alors par microscopie en transmission une répartition relativement uniforme de dislocations, des arrangements en bandes ou en cellules suivant le niveau de déformation atteint (voir Figure 23 a, b et c). En revanche, lorsque ce rapport est plus faible, les mécanismes de restauration par montée des dislocations deviennent prépondérants, et l’on peut observer la formation progressive de sous-joints (voir Figure 23d). Bien évidemment le développement des microstructures de dislocations dépend également de l’orientation du grain vis à vis de la sollicitation mécanique. On a rappelé dans 1 En prenant D = D0 exp (-Q/RT) avec D0 = 0.18 cm2 .s-1 et Q = 284 kJ/mol d’après François et al. (1993), on obtient à 600°C une vitesse de transition de 10-8 s-1 Fluage des aciers inoxydables austénitiques I Bibliographie 42 le Tableau 4 les observations réalisées par d’autres auteurs. Elles sont tout à fait cohérentes avec celles présentées par Kestenbach (1978). Seuls les résultats de Michel et al. (1973), obtenus à partir d’essais de traction et non de fluage, diffèrent et montrent un seuil de l’ordre de 1011 cm-2. Pour des essais de traction usuels, la transition s’effectue donc aux alentours de 650°C, soit environ à T/Tfusion = 0.5. La transition entre fluage-dislocations et fluage diffusion n’intervenant que pour des vitesses très faibles (10-10 s-1 à 600°C) nous n’aborderons pas ce sujet dans le cadre de l’étude. On pourra d’ailleurs noter que très peu de données expérimentales sont disponibles dans ce domaine.

Mécanismes de fluage-dislocations

Aplin et D’Angelo (1990) ont réalisé une revue des études concernant les mécanismes de fluage-dislocations des aciers 316. Pour synthétiser les résultats, ils proposent la Figure 24 que l’on peut expliquer ainsi : x En-dessous de 550°C, la cinétique de précipitation des carbures intragranulaires est suffisamment lente pour qu’on puisse négliger leur rôle dans le contrôle de la vitesse de fluage. Les éléments en solution ne diffusent pas très rapidement, mais ils peuvent ségréger sur les dislocations, on parle alors de blocage des dislocations par les solutés. x Au-dessus de 700°C, les précipités intragranulaires coalescent rapidement ou bien n’apparaissent pas du tout. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme des obstacles au mouvement des dislocations. De plus, la diffusion des solutés est rapide. Seule l’évolution de la structure de dislocations peut donc contrôler le fluage. x Entre ces deux températures les précipités apparaissent en cours d’essai, et peuvent donc freiner les dislocations. Le domaine de fluage contrôlé par les précipités est cependant limité aux contraintes supérieures à 150 MPa (ce qui correspond approximativement à la limite d’élasticité). Pour des contraintes inférieures, le fluage serait contrôlé par le traînage des éléments en solution associés en paires Cr-C, Mo-C, ou Mo-N. En effet, dans ce dernier domaine de température, la situation est complexe. D’une part, la répartition des précipités dépend de la structure de dislocations sur laquelle ils germent (voir § I.1.2.2), qui elle même dépend de la contrainte appliquée et de la température. Or la résistance que peuvent opposer les précipités au mouvement des dislocations dépend fortement de la distance moyenne entre précipités (Orowan 1948). Ainsi pour des contraintes inférieures à la limite d’élasticité du matériau, il y aurait trop peu de dislocations pour que la précipitation intragranulaire soit suffisamment fine et intense et puisse constituer un obstacle efficace au mouvement des dislocations. D’autre part, la répartition des précipités et des dislocations est également susceptible d’évoluer en cours d’essai sous l’effet de la restauration et de la diffusion des éléments carburigènes (carbone, azote, chrome et molybdène). Du fait de la précipitation, la teneur des éléments en solution diminue en cours d’essai et il s’ensuit une perte de durcissement. Pour les lecteurs désireux d’approfondir l’étude des mécanismes de fluage, nous avons reporté en Annexe A, au paragraphe VIII.3, une présentation plus détaillée de quelques études concernant l’effet de solution solide, celui des précipités et de la densité de dislocations sur le fluage des aciers inoxydables austénitiques non stabilisés.

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *