Flore, végétation, étude ethnobotanique des
plantes médicinales
La biodiversité
L’expression « biological diversity » a été inventée par Thomas Lovejoy en 1980, tandis que le terme « biodiversité » est récent car, créé en 1985 par Walter Rosen aux Etats-Unis, lors de la préparation du National Forum on Biological Diversity, puis repris par E.O. Wilson en 1986 (Granier et Veyret, 2006). Cependant, il n’est sorti des laboratoires d’écologie qu’en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio-de-Janeiro avec l’adoption de la Convention pour la diversité biologique (CDB), au sein de laquelle elle est définie comme : « la pluralité des organismes vivants de toute origine y com-pris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes » (Etude prospective 4D, 2012). D’après le Journal Officiel de la République française (2009), la biodiversité désigne la diversité des organismes vivants, qui s’apprécie en considérant la diversité des espèces, celle des gènes au sein de chaque espèce, ainsi que l’organisation et la répartition des écosystèmes. La biodiversité peut être perçue comme un ensemble de flux d’informations, de matière et d’énergie, relevant de processus dynamiques à différentes échelles d’espace et de temps. Au cours de son histoire, la biodiversité a été façonnée par des processus évolutifs résultant d’interactions au sein et entre ses différents niveaux d’intégration et avec les conditions abiotiques environnantes (Primack et al., 2012). Suite aux différentes définitions de la biodiversité données par les auteurs, nous pouvons la définir comme étant la diversité au niveau génétique, spécifique et écosystémique. Les trois niveaux de diversité génétique, spécifique et écosystémique sont primordiaux pour la viabilité des espèces comme pour celle de l’espèce humaine, ainsi que pour le maintien des communautés. La diversité génétique exprime la variété au sein de l’espèce. Chaque espèce se distingue par un patrimoine génétique permettant de construire un phénotype. L’existence ou l’absence de certains gènes conditionne l’adaptabilité d’une espèce à son environnement. La réduction du nombre d’individus dans une population donnée entraîne automatiquement une réduction de la diversité génétique et fragilise la population (Auroi, 1992 ; Spichiger, 1995). Cette définition fait ressortir les notions de variétés au sein d’une espèce, causées par la présence ou l’absence de gènes. Dans le même ordre d’idées, Primack et al. (2012) définissent la diversité génétique comme une diversité qui existe entre les individus d’une même espèce. Certains se ressemblent plus que d’autres, mais tous sont différents (ex : différence entre mes parents, mes frères et sœurs et moi ; entre des enfants d’une même classe, entre des chatons d’une même portée etc.). Nous pouvons retenir que la diversité génétique est une diversité intra spécifique provoquée par une variation génétique. Synthèse bibliographique 6 La diversité spécifique, quant à elle, représente une gamme d’adaptations évolutives et écologiques des espèces à des environnements particuliers. Ainsi, à titre d’exemple, une forêt contenant un nombre élevé d’espèces génère une grande variété de produits animaux et végétaux qui peuvent générer des ressources alimentaires, des abris et des médicaments (Le Tacon et al., 2000 ; Primack et al., 2012). Selon Loizeau (1992), la diversité spécifique exprime le nombre d’espèces différentes habitant un territoire donné. L’espèce regroupe des individus ayant en commun des caractères qui varient dans une amplitude donnée. La principale caractéristique de l’espèce est la possibilité d’inter fécondation des individus, avec production d’une descendance interféconde, elle aussi. D’après Rovillé et Wafra (2010), la diversité spécifique est celle qui distingue les espèces les unes des autres. (Différence entre un chat, une fourmi, une rose, un humain, une bactérie etc.). En sommes, nous pouvons considérer la diversité spécifique comme la différence qui existe entre deux espèces. La diversité écosystémique correspond à des assemblages d’espèces en interaction entre elles, au sein de communautés, et avec les différentes conditions physico-chimiques de leur environnement (Primack et al., 2012). Elle conditionne la diversité spécifique et génétique. En effet, plus une région est diversifiée en écosystèmes, plus elle est riche en espèces (Spichiger, 1995). La diversité écosystémique correspond à la diversité des différents groupements d’espèces (animales, végétales, microscopiques) en interaction les unes avec les autres et avec leurs milieux. C’est de là que découlent les écosystèmes (une prairie, un lac, une forêt, une pomme en décomposition, l’estomac d’une vache etc.) (Le Tacon et al., 2000 ; Rovillé et Wafra, 2010). Cette biodiversité subit l’influence de nombreux facteurs entraînant progressivement sa dégradation aussi bien en Afrique et dans le monde.
Biodiversité dans le monde et en Afrique
Biodiversité dans le monde
Les espèces ne sont pas uniformément reparties à la surface du monde. Certaines régions sont plus riches que d’autres : la ceinture intertropicale, en particulier les forêts tropicales et les récifs coralliens. Ainsi, des points chauds et des zones de nature sauvage riches en biodiversité (ZNSB) sont délimitées et considérées comme prioritaires en matière de conservation et préservation de la biodiversité (Rovillé et Wafra, 2010). Les points chauds de la biodiversité et les zones de nature sauvage riches en biodiversité (ZNSB) contiennent au moins 1500 espèces de plantes vasculaires (c’est-à-dire >0,5% des 300 000 espèces de plantes vasculaires estimées dans le monde) qui sont des espèces endémiques (Myers et al. 2000, Mittermeier et al. 2004). La différence entre les points chauds et les ZNSB est que les points chauds ont déjà perdu ≥70% de leur végétation primaire tandis que les ZNSB conservent plus de ≥70% de leur végétation primaire et sont peu peuplées (≤5 habitants au km2 ). À ce jour, 35 points chauds et 5 ZNSB ont été identifiés dans le monde (ZNSB) (Bertzky et al., 2013) (Figure 1). Ces points chauds sont caractérisés tant par leur richesse spécifique et leur taux d’endémisme que par les menaces anthropiques grandissantes (Véla et Benhouhou, 2007 ; Rovillé et Wafra, 2010). C’est dans ces « hot spots » et « megadivers » que se concentrent quasiment 70 % de la biodiversité mondiale, zones situées pour la plupart dans des régions connaissant des Synthèse bibliographique 7 difficultés politiques et socioéconomiques et avec un taux de croissance démographique relativement élevé. Ces hauts lieux de biodiversité menacés représentent la moitié des espèces recensées à ce jour. Le recensement des hots spots guide l’intervention prioritaire des ONG internationales de conservation (Etude prospective 4D, 2012). Figure 1 : Répartition des hotspots et ZNSB de la biodiversité dans le monde (Source : Bertzky et al., 2013). Ces points chauds ne couvrent que 1,44 % de toute la surface terrestre de la planète, mais ils hébergent 70 % de toutes les espèces de plantes vasculaires connues, 35 % des vertébrés terrestres connus et 75 % de toutes les espèces considérées comme menacées par l’Union internationale de conservation de la nature (Rovillé et Wafra, 2010). Au total, les chercheurs estiment que le nombre d’espèces existantes sur la planète varie entre 5 et 100 millions. Il y aurait 8,7 millions d’espèces eucaryotes (et quelques milliers de procaryotes), parmi lesquelles 6,5 millions sont terrestres tandis que les autres – 2,2 millions – sont aquatiques. Une marge d’erreur de plus ou moins 1,3 million a également été établie. Sur ce total, 7,77 millions sont des espèces animales (dont 953 434 ont été décrites) et 298 000 sont des plantes (215 644 décrites) selon le recensement de l’étude. On trouve ensuite 611 000 champignons, 36 400 protozoaires et 27 500 algues (Mora et al., 2011). Les insectes sont les êtres vivants les plus diversifiés. Les chiffres fournis par la littérature sont extrêmement variables (Spichiger, 1995). D’après Wilson (1998), il y aurait 1 400 000 espèces décrites, 870 000 sont des arthropodes et 250 000 des plantes supérieures. Mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens seraient connus à plus de 95 % (Tableau 1) (la majorité des scientifiques s’accordant sur un chiffre de 15 millions). Ainsi, on ne connaît qu’une toute petite partie de la biodiversité existante (Rovillé et Wafra, 2010). Il y aurait 8,7 millions d’espèces eucaryotes (et quelques milliers de procaryotes), parmi lesquelles 6,5 millions sont terrestres tandis que les autres – 2,2 millions – sont aquatiques. Une marge d’erreur de plus ou moins 1,3 million a également été Synthèse bibliographique 8 établie. Sur ce total, 7,77 millions sont des espèces animales (dont 953 434 ont été décrites) et 298 000 sont des plantes (215 644 décrites) selon le recensement de l’étude. On trouve ensuite 611 000 champignons, 36 400 protozoaires et 27 500 algues (Mora et al., 2011). Les insectes sont les êtres vivants les plus diversifiés. Les chiffres fournis par la littérature sont extrêmement variables (Spichiger, 1995). D’après Wilson (1998), il y aurait 1 400 000 espèces décrites, 870 000 sont des arthropodes et 250 000 des plantes supérieures. M ammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens seraient connus à plus de 95 %. Tableau 1 : Effectifs des différents règnes et les estimations effectuées par les scientifiques (ainsi que les marges d’erreur) pour l’ensemble des milieux et pour le milieu marin. Source : Mora et al., 2011 – Plos Biology La perte et la dégradation de l’habitat constituent la principale cause d’érosion de la biodiversité. L’Indicateur de l’état de la biodiversité mondiale et de la santé de notre planète est l’indice Planète Vivante (IPV). Publié pour la première fois en 1998, l’IPV suit depuis l’abondance de milliers de mammifères, d’oiseaux, de poissons, de reptiles et d’amphibiens dans le monde entier. Il utilise les tendances émergentes pour mesurer les changements dans la biodiversité (WWF, 2018). Ces menaces peuvent être atténuées en créant et en maintenant des aires protégées pour préserver la biodiversité et le capital naturel. La protection des habitats passe en particulier par l’identification des aires les plus importantes et le suivi de leur état physique, à la fois spatialement et temporellement (WWF, 2014). La base de données mondiale sur les aires protégées du PNUE-WCMC représente la source de référence sur les aires protégées dans le monde. Le système mondial d’aires protégées s’est étendu au point de compter actuellement plus de 100 000 aires protégées couvrant quelque 14 % de l’ensemble des terres émergées. Mais, cette couverture est très inégale, car la figure 2 relève, en effet, un nombre élevé d’aires protégées situées à haute altitude, sous des latitudes élevées ou constituées de terres faiblement productives. Les prairies tempérées, habitats médi- Synthèse bibliographique 9 terranéens et forêts sèches tropicales étant, en revanche, fortement sous-représentés, la biodiversité unique les caractérisant s’en trouve d’autant plus vulnérable (Hoekstra et coll., 2010 ; WWF, 2014). Les écorégions (Figure 2) sont définies comme des zones présentant des assemblages distincts de communautés et d’espèces et dont les limites se rapprochent de celles qui existaient avant les changements majeurs d’usage des terres (Olson et al., 2001 ; De Boissieau et al., 2007). Figure 2 : Pourcentage de terres officiellement protégées par écorégion terrestre (Source : Hoekstra et coll., 2010 ; UICN et PNUE, 2014). Comme presque partout dans le monde, le continent africain connaît aussi une perte progressive de sa biodiversité.
Biodiversité en Afrique
L’Afrique abrite une grande variété d’écosystèmes, et on y trouve près d’un tiers de la diversité biologique terrestre mondiale (UICN, 2005 ; De Boissieau et al., 2007). La grande faune africaine subsiste, par ailleurs, encore dans certaines savanes soudaniennes et forêts sèches de la sous-région. La biodiversité sahélienne et saharienne est, quant à elle, remarquable car adaptée à un environnement extrême. Le nord du Niger est ainsi l’un des derniers refuges pour certaines espèces menacées de la grande faune sahélo-saharienne (Claro et al., 2002). Du Sud au Nord, les écosystèmes côtiers, forestiers, montagnards, de savanes steppiques ou désertiques présentent des biocénoses distinctes. Dans le bassin du Congo existe la deuxième plus importante forêt tropicale dense humide du monde après l’Amazonie et qui constitue une zone de haute priorité pour la conservation de la diversité biologique (Doumenge, 1996 ; Stuart et al., 1990 ; Olson et Dinerstein, 1998 ; PFBC, 2005 ; De Boissieu et al., 2007). Les côtes d’Afrique de l’Ouest font partie des zones les plus poissonneuses du monde (Thiaw, 2002 ; De Boissieu et al., 2007) et les mangroves qu’elles abritent sont remarquables. La flore phanérogamique africaine est riche d’environ 68500 espèces, soit une richesse aréale Synthèse bibliographique 10 de près de 23 espèces/10000 km2 ce qui la place à un rang moyen derrière l’Europe, l’Amérique du Sud, l’Inde, les Caraïbes et le Sud-Est asiatique et devant l’Amérique du Nord et l’Asie continentale (Houérou, 1997). Les forêts guinéennes d’Afrique de l’Ouest, qui s’étendent de la Guinée au fleuve Sanaga au Cameroun, constituent l’une des 25 zones mondiales de haute diversité biologique définies par Mittermeier et al. (1998). Ces forêts présentent un fort taux d’endémisme et sont importantes pour la conservation des primates (Doumenge, 1996 ; De Boissieu et al., 2007). Madagascar figure parmi les 10 hot spots de la diversité biologique mondiale et dispose d’un patrimoine naturel unique. L’étendue de l’île |est marquée par une grande diversité d’écosystèmes qui abritent une richesse biologique importante tant en espèces floristiques que fauniques avec un taux élevé d’endémisme (MEFM, 2014). Cependant, l’Afrique est aussi le continent qui souffre des plus forts taux de pauvreté de la planète et l’abondance des espèces décline et les menaces pesant sur elles augmentent. En effet, en 2014, un total de 6 419 animaux et 3 148 plantes en Afrique étaient listés parmi les espèces menacées d’extinction sur la Liste rouge de l’UICN (UICN, 2012 ; PNUE-WCMC, 2016). Vingt et un pour cent (21 %) de la totalité des espèces d’eau douce en Afrique sont listées comme menacées (Darwall et al., 2011 ; PNUE-WCMC, 2016) dont 45 pour cent des poissons d’eau douce et 58 pour cent des plantes d’eau douce sont surexploités (UICN, 2014). De plus, l’Indice Liste Rouge de l’UICN pour les oiseaux africains montre un déclin au cours des 25 dernières années, ce qui signifie que les oiseaux africains sont de plus en plus menacés d’extinction (BirdLife International, 2015 ; PNUE-WCMC, 2016). Les tendances pour d’autres groupes sont également susceptibles d’être négatives (UICN, 2014 ; PNUE-WCMC, 2016). Pour tenter de protéger les ressources naturelles tout en assurant le développement des populations, la création et la gestion d’aires protégées (Figure 3) est un moyen largement utilisé et reconnu au niveau international (De Boissieau et al., 2007). Ces dernières, si elles sont bien gouvernées et efficacement gérées sont une méthode prouvée pour sauvegarder à la fois les habitats et les populations d’espèces, ainsi que d’importants services fournis par les écosystèmes. Les aires protégées d’un pays ont, en principe, pour fonction, de protéger les espèces et les écosystèmes remarquables des territoires nationaux. Ce n’est pourtant pas toujours le cas et la délimitation des aires protégées a souvent été davantage influencée par des considérations socio-économiques que par des considérations d’intérêt biologique (Doumenge, 1996 ; Mengue-Medou, 2002 ; De Boissieau et al., 2007). D’Apres Bourgess et al. (2004), la conservation des ressources naturelles est intégrée au contexte africain depuis déjà des milliers d’années. Il mentionne que chaque chef et village avaient son propre aire protégée dont la présence avait joué un rôle important dans la conservation. Les enjeux dédiés à la conservation des ressources étaient alors principalement alimentaires, mais les croyances et les traditions des peuples motivaient également certaines actions. Malheureusement, la colonisation par les Européens a contribué à effacer ce système traditionnel (Bourgess et al., 2004 ; Guérette, 2014). Synthèse bibliographique 11 Figure 3 : Aires protégées en Afrique référencées dans la Base de données mondiale sur les aires protégées (WDPA) (source : UICN et PNUE-WCMC, 2014). Cette baisse progressive de la biodiversité dans le monde et en Afrique n’a pas épargné le Sénégal qui a connu des années de sécheresses. Pour faire face à ce fléau, le gouvernement a également développé des stratégies de conservation de sa biodiversité.
Liste des abréviations et sigles |