Fiscalité et financement de la protection sociale
Davantage encore que son mode de financement, c’est le niveau de notre protection sociale, qui conditionne le poids des prélèvements qui y sont affectés, qui pose aujourd’hui problème.La fiscalisation progressive des ressources de la protection sociale, initiée depuis le début des années 1980, n’a que modérément réduit le poids des prélèvements assis sur les revenus d’activité, qui représentaient encore plus des trois quarts du total des recettes de la protection sociale en 2010. Ce poids – qui place la France aux premiers rangs de l’Union européenne – met en péril la compétitivité de l’économie française, que sa spécialisation et son niveau de gamme rendent particulièrement sensible aux évolutions du coût du travail.Cette situation a conduit à envisager depuis la fin des années 2000 divers scénarios de basculement d’une partie des cotisations sociales sur une assiette alternative, permettant ainsi de donner un « appel d’air » aux entreprises françaises, dont le taux de marge atteint aujourd’hui un niveau critique, tout en résorbant les déficits chroniques de la sécurité sociale.L’analyse montre toutefois que la recherche d’une assiette « miracle » pour financer les dépenses sociales est vaine, tant que la dérive de ces dernières ne sera pas jugulée.Au-delà des effets contrastés que révèlent les simulations effectuées sur les scénarios de transferts de prélèvements, le principal écueil de ces derniers réside dans les problèmes de régulation du système qu’ils soulèvent, en entretenant chez ses bénéficiaires l’illusion d’une déconnexion entre les recettes et les dépenses de protection sociale.
À cet égard, la tentative avortée de mise en place d’une TVA sociale (pudiquement renommée « TVA anti-délocalisation ») en 2012, puis le choix de dissocier la question du financement de la protection sociale de celle du coût du travail au travers de la mise en place du CICE se révèlent être avec le recul les solutions plus pernicieuses, visant à repousser à plus tard toute action sur les dépenses.La seule alternative réside désormais dans une démarche assumée d’économies au travers d’une une révision du périmètre de la protection sociale : c’est en effet probablement dans ce domaine que la notion de réforme structurelle a aujourd’hui le plus de sens. L’importance de notre système de protection sociale place aujourd’hui la France au premier rang des pays de l’OCDE par le montant des prestations versées : les dépenses sociales y représentaient ainsi 32,1 % du PIB en 2012, devant les pays nordiques (30,5 % pour le Danemark, 29 % pour la Finlande et 28,2 % pour la Suède37). En raison du fort dynamisme des dépenses sociales au sein des dépenses publiques38, une part croissante des prélèvements obligatoires financent aujourd’hui la protection sociale. Au sein de ces derniers, les prélèvements obligatoires sociaux (ie, hors contributions publiques affectées et cotisations imputées des administrations publiques) ont augmenté de 6,6 points de PIB au cours des trente dernières années, et représentaient 57 % de l’ensemble des prélèvements obligatoires contre 44 % en 198139.
Cette forte croissance des prélèvements obligatoires n’a toutefois pas suffi à empêcher un déficit chronique des comptes de la protection sociale, faute d’une maîtrise suffisante de l’évolution des prestations versées. Par ailleurs, l’essentiel du financement de la protection sociale continue à reposer sur des prélèvements assis sur les revenus d’activité, malgré un processus de diversification des ressources de la protection sociale engagé plusieurs années.Enfin, l’évolution de la structure des prélèvements affectés au financement de la protection sociale ne s’est accompagnée d’aucune rationalisation du système de financement, dans le sens d’une mise en cohérence de la nature En matière de protection sociale, s’il est possible de disposer d’une certitude, c’est celle de la criticité de la situation actuelle. Le déficit de l’ensemble des régimes de base de Sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse a en effet plus que doublé en 2009 avant d’atteindre un niveau sans précédent de 28 MdE en 2010. Si les mesures prises depuis ont permis de ramener ce déficit à 17,5 MdE en 2012, la commission des comptes de la sécurité sociale estime qu’il restera quasi constant en 2013 à 17,3 MdE.