Fiscalité environnementale et compétitivité
Le présent chapitre ne se propose pas de traiter l’ensemble des aspects liés à la fiscalité environnementale ; il restreint son périmètre d’étude au domaine particulier des mesures visant à favoriser la compétitivité de l’offre française au moyen de dispositifs fiscaux eux-mêmes constitutifs de l’arsenal d’incitations à la transition écologique. Le lecteur comprendra donc que cette contribution délaisse volontairement certains aspects de la fiscalité environnementale, et d’autres ayant trait à la restauration de la compétitivité. En particulier, la notion d’affectation des recettes fiscales développée ici ne peut être comprise que dans ce cadre d’étude strict des mesures fiscales à double visée environnementale et compétitive. Le propos des auteurs pourrait se résumer à l’extrême par la formule suivante : les modes de consommation et de production les plus néfastes à l’environnement se recoupent en partie avec la problématique de gains de compétitivité, aussi bien en matière de compétitivité-coût, que s’agissant du positionnement stratégique de long terme. Partant, les mesures fiscales désincitatives à visée environnementale peuvent utilement trouver leur affectation dans un écheveau d’incitations favorisant les activités jugées vertueuses sur le long terme, c’est-à-dire économiquement et écologiquement durables. Hors de ce cadre, le champ est laissé ouvert à certaines mesures de fiscalité environnementale complémentaires, éventuellement susceptibles d’être versées au budget général de l’État. On sort cependant du cadre de ce chapitre.
Le gouvernement a présenté en Conseil des ministres du 28 novembre 2012 le projet de création du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui traduit la nécessité de contribuer urgemment à la restauration de la situation financière des entreprises. Le CICE consiste en un transfert de ressources vers les entreprises sous la forme d’un crédit d’impôt atteignant 20 milliards d’euro en 2014. Outre des baisses de dépenses publiques encore à définir, une partie de cette dépense fiscale serait couverte en 2016, à hauteur de trois milliards, par l’instauration de nouvelles mesures de fiscalité environnementale. Une telle présentation souligne la pertinence de la problématique consistant à faire se rencontrer exigence écologique et restauration de la compétitivité. Elle en pointe en même temps les écueils. La tentation peut être grande pour les pouvoirs publics de voir dans la fiscalité environnementale une série de mesures de rendement, c’est-à-dire essentiellement un surcroît de ressources, dont la légitimité est assise sur la nature polluante de l’assiette. De même, si l’on ne peut que convenir de la nécessité de contribuer à l’amélioration globale de la compétitivité des entreprises par celle de leur situation financière, notamment par l’allègement de la fiscalité (c’est-à-dire la nécessité d’une action macroéconomique), le rôle des pouvoirs publics ne saurait s’y résumer.
Au contraire, de même que la fiscalité environnementale ne saurait se résumer à l’identification d’un « mal » environnemental servant d’assiette à un surcroît de fiscalité, le combat pour la compétitivité n’est pas davantage réductible aux seuls nécessaires rééquilibrages macroéconomiques. La fiscalité environnementale ne vise pas le rendement, mais l’établissement d’une série chronologique d’incitations poursuivant des objectifs fixés en matière de modes de production et de consommation en accord avec la prise en considération de la rareté et de la fragilité des ressources naturelles. La réflexion sur la compétitivité ne se borne pas à recenser les déséquilibres dans les tableaux de financement des différents agents, mais appelle elle aussi à une vision stratégique, à moyen ou long terme, des actions incitatives à mettre en place pour guider la France sur un sentier de développement durable sur une échelle de temps longue.La présente contribution ne se veut un traitement exhaustif d’aucun des deux domaines. Elle n’a pas non plus la prétention de proposer une réponse de politique publique complète à la question de la fiscalité environnementale articulée à la compétitivité française. Ce vade-mecum, au contraire, se veut une « boîte à outils » propre à aiguillonner la réflexion publique, comme privée, sur les interactions nombreuses entre stratégie compétitive et stratégie écologique.