Contexte de la finance mondiale durant la crise
D’après Jawadi.F (2012), la crise des crédits hypothécaires à risque élevé qui, à ses débuts, concernait le secteur immobilier américain en 2007, s’est rapidement étendue à d’autres domaines de la finance conventionnelle du fait d’une rupture en argent liquide qui a été à l’origine du dysfonctionnement du système bancaire et la faillite de plusieurs banques. Sa propagation dans les autres domaines et marchés financiers a eu pour effet la globalisation de la crise, avec des impacts dans la plupart des systèmes financiers et monétaires internationaux, poussant ainsi les acteurs de la finance conventionnelle à faire une remise en question des méthodes de travail, et à s’intéresser davantage à la finance islamique considérée comme une « alternative » à la finance globale selon Jawadi.F (2012). Jawadi.F (2012) pense que la crise financière qui a tant bouleversé le monde de la finance dans sa globalité, n’a quasiment pas affecté le système financier islamique. D’après Jawadi.F (2012), l’impact de la crise sur la finance islamique était non significatif d’une part, et d’autre part la stabilité du système financier islamique durant la crise a été perçue comme une aubaine qui place le système financier islamique, de par les études menées en ce sens comme, une « alternative crédible de sortie de crise capable de sauver et de protéger le système financier conventionnel contre d’éventuelles crises futures ».
D’après Jawadi.F (2012), le succès remarquable du système financier islamique ces dernières années est dû en partie à l’accroissement de la communauté musulmane dans le monde qui réclame de plus en plus des produits et services financiers qui répondent aux normes éthiques de la Charia. En outre, Jawadi.F (2012) pense que le fait que les produits de la finance islamique soient universels et non seulement réservés à la communauté musulmane, a contribué à convaincre davantage de nouveaux investisseurs séduits par les garanties et l’aspect éthique qui fondent les principes du système financier islamique. Différentes études dont celle de Hideur.N (2009) ont démontré de façon empirique qu’au moment de la crise, le système financier islamique aurait été plus efficace pour une sortie de crise que la finance conventionnelle, grâce à ses normes éthiques et morales, mais aussi à sa crédibilité. Selon Jawadi.F (2012), la crise financière a permis de dévoiler les pratiques douteuses des acteurs et intervenants du système financier conventionnel qui utilisaient les fonds déposés par leurs clients à des fins non réglementaires sur le plan professionnel et moral. Ces pratiques dénotent de la non-clarification de la traçabilité, du circuit et de l’utilisation de ces fonds par les déposants qui ignoraient ce à quoi, à qui et comment leurs investissements allaient servir. La finance islamique quant à elle garantie l’utilisation des investissements des clients dans des produits et domaines sans risque majeur, et qui sont conformes à l’éthique et à la morale islamique d’après Jawadi.F (2012).
Les auteurs Jouini.E et Pastré.O (2011) ainsi que Srairi.S (2009) pensent que la crise des crédits hypothécaires offre la possibilité d’adapter la finance islamique au système financier conventionnel. Leurs arguments se basent sur le fait que l’intérêt et la spéculation, facteurs déclencheurs de la crise, sont prohibés dans le système financier islamique. Par ailleurs, le retour des fonds d’investisseurs de confession musulmane dans les banques de leurs pays d’origine (au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est) après les attentats du 11 Septembre 2011, a favorisé la concentration d’une épargne consistante de capitaux (700 milliards de dollars en 2008). Ces différentes thèses et études de Srairi.S (2009), Jouini.E et Pastré.O (2011) placent également la finance islamique comme étant une l’alternative crédible à la finance conventionnelle à l’instar des arguments de Jawadi.F (2012). En effet, les études faites en ce sens par Jouini.E et Pastré.O (2011) reconnaissent les avantages que procurent les principes de la finance islamique pour le développement économique. Les relations de partenariat et d’accompagnement entre les institutions financières islamiques et les investisseurs prennent forme dans l’éthique même de la finance islamique par le principe des 3P qui consistent au partage des profits et des pertes selon des conditions établies à l’avance entre les acteurs concernés. D’après Jouini.E et Pastré.O (2011), le principe des 3P est en fait le biais par lequel les opérateurs du système financier islamique agissent de façon prudente par rapport à ceux de la finance conventionnelle, de sorte à accroître la crédibilité et la confiance envers la finance islamique.
Aspect éthique et moral
Selon Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012), la fréquence des crises financières et bancaires dont la plus récente est celle des crédits hypothécaires à risque élevé, a révélé la fragilité du système financier et bancaire conventionnel. En effet, le manque de contrôle sur le plan éthique et la défaillance des agences de notation chargées de veiller au respect des règles éthiques, ont contribué à l’émergence de cette crise d’après Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012). La crise financière n’a pas eu d’impacts négatifs dans le système financier islamique d’après Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012). Contrairement au système financier conventionnel, la crise des crédits hypothécaires à risque élevé a contribué de façon positive à mettre en exergue le système financier islamique et booster son développement durant cette période d’instabilité et d’inquiétude dans le secteur de la finance mondiale. Si de nombreuses banques du système financier conventionnel qui jouissaient d’une bonne réputation ont fait faillite, les banques du système financier islamique ont connu une fulgurante évolution dans les pays du Golf et d’Asie du Sud-Est selon Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012). Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012) pensent que c’est grâce à une bonne organisation de ses structures que les institutions financières islamiques ont pu échapper aux incertitudes et turbulences notées dans le secteur de la finance mondiale durant cette période de crise, notamment avec le rôle de contrôle et de supervision qu’assure le comité Charia chargé de veiller au dynamisme et à la conformité des produits et services financiers aux normes éthiques de la loi islamique (Charia).
Par ailleurs, selon Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012), l’échec de la mission de contrôle et de régulation des agences de notation pourtant chèrement payées pour évaluer les institutions financières conventionnelles et alerter quant aux abus et dérives des acteurs du secteur financier, est à prendre en considération. D’après Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012), la défaillance des agences de notation du système financier conventionnel a eu pour conséquence un défaut de crédibilité des flux d’informations qui ont été à l’origine d’une mauvaise interprétation des données financières. Le rôle des banquiers et intermédiaires financiers a fait l’objet de beaucoup de critiques, du fait des pratiques douteuses et répréhensibles sur le plan moral qui ont été les facteurs déclencheurs de la crise des crédits hypothécaires à risque élevé. Dans le but d’accroître leurs gains et de maximiser leurs profits, des banquiers ont choisi délibérément de s’aventurer dans des opérations douteuses tout en ayant conscience des risques encourus, ainsi que des probables répercussions en cas d’échec. Mais motivés par l’appât du gain, ils ont continué dans leur approche capitaliste sans retenue et sans mesure, jusqu’à l’effondrement du système financier conventionnel à travers cette crise d’après Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012). Selon Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012), l’absence de clarté des informations fournies a contribué à l’avènement de la crise et à l’instabilité du système financier conventionnel, dans la mesure où les gestionnaires d’actifs ont fait dans la rétention d’informations destinées aux clients dans le but de les fidéliser davantage et ainsi pouvoir disposer de leurs investissements à leur guise, car ces derniers n’avaient pas une idée claire de la façon dont leurs fonds allaient être utilisés. En d’autres termes, pareille situation équivaut au fait que les clients confiaient la gestion totale de leurs fonds aux dirigeants des institutions financières conventionnelles en espérant un retour d’intérêt dans le futur, sans toutefois connaître de quelle manière, ni dans quel secteur ou dans quel domaine leurs fonds allaient être injectés.
Se référant au rapport de la Banque des Règlements Internationaux sur la crise financière actuelle, Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012) trouvent que l’efficacité du système financier conventionnel repose sur une meilleure réglementation et surveillance des opérateurs financiers, mais aussi de l’utilisation des fonds qui leur sont confiés. Mirakhor.A et Krichene.N (2010) véhiculent l’idée selon laquelle les acteurs du système financier conventionnel n’ont pas tenu compte des règlements en vigueur ou les ont mal utilisés. D’après Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012), la crise financière a eu le mérite de mettre à nu certaines pratiques peu orthodoxes, à la limite illicites et répréhensibles par les lois et la morale, dont la spéculation et les fraudes financières etc. Elle a permis de reconsidérer les fondements du système, l’organisation et les méthodes de la finance conventionnelle en faisant un focus sur les répercussions liées à l’appât du gain à tout prix et aux manquements professionnels dans le domaine, mais aussi de déterminer de nouvelles pratiques de gestion dans le système financier. Selon Hamza.H et Guermazi-Bouassida (2012), la crise financière a permis de faire un rapprochement entre compétitivité et rendement éthique, dans le but de garantir la survie des institutions financières.
Ce qui peut aboutir à un modèle de gestion et d’opération similaire à plusieurs niveaux à celui de la finance islamique arrimée à l’économie réelle et basée sur des contrats de partage des profits et des pertes. D’après les auteurs Pastré.O et Gecheva.K (2008), les attentats terroristes du 11 Septembre 2001 aux États-Unis ont considérablement impacté sur le monde musulman, mais aussi sur le développement de la finance islamique, dans la mesure où les conséquences politiques de cet événement ont contribué à la concentration de capitaux grâce au rapatriement de l’épargne des clients et investisseurs musulmans vers les pays du Golf. Le retour des capitaux des investisseurs musulmans a eu pour effet une croissance de l’épargne dans les pays concernés, mais aussi de la liquidité des institutions financières islamiques selon Pastré.O et Gecheva.K (2008). D’après Alioui.F, Guellil.Z et Badraoui.S (2015), au moment où la finance conventionnelle subissait les conséquences de la crise des crédits hypothécaires, les acteurs de la finance mondiale prenaient conscience de l’impact de l’éthique et de la nécessité de réévaluer les procédés et méthodes de son système capitaliste en dérive.
RÉSUMÉ |