Surveillance des signes vitaux
Il existe quatre signes vitaux primaires : la fréquence cardiaque (FC), la fréquence respiratoire (FR), la température corporelle et la pression artérielle (Ball, Dains, Flynn, Solomon & Stewart (2014)). La surveillance de ces signes vitaux est le moyen le plus efficace d’établir l’état de santé d’un sujet vivant. Non seulement elle permet d’obtenir des informations instantanées sur l’état du patient, mais elle permet aussi d’effectuer un suivi continu de son état et ainsi d’augmenter sa sécurité lors de son hospitalisation (Jensen, Skår & Tveit (2018) ; Kyriacos, Jelsma & Jordan (2011) ; Storm-Versloot, Verweij, Lucas, Ludikhuize, Goslings, Legemate & Vermeulen (2014) ; Watkins, Whisman & Booker (2016)). Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons à la FC et plus particulièrement à la FR, des marqueurs concrets de la santé du coeur, des poumons et de la circulation sanguine. Le coeur humain est situé entre les poumons et sous le sternum. Il est notamment recouvert par une couche protectrice appelée péricarde. Il est composé de quatre chambres principales, à savoir les oreillettes gauche et droite, dans la partie supérieure, ainsi que les ventricules gauche et droit, dans la partie inférieure (voir figure 1.1).
Ensemble, ils permettent d’acheminer le sang oxygéné à travers le corps et d’envoyer le sang vicié vers les poumons pour le recharger en oxygène. C’est d’ailleurs le ventricule gauche qui est le plus large et le plus puissant, permettant ainsi de pousser le sang jusqu’aux extrémités de l’arbre vasculaire du corps. La FC est mesurée, en contexte clinique, comme étant le nombre de battements par minutes (BPM) de l’organe cardiaque. Un coeur sain bat entre 50 et 90 battements par minutes (BPM)(Spodick (1993)). La FC maximale dépend de l’âge et peut être estimée par la formule 1.1 (Tanaka, Monahan & Seals (2001)). FCmax = 208 − 0.7 ∗ age (1.1) La FC minimale pourrait, selon certaines études, être aussi basse que 35 BPM (Bjerregaard (1983) ; Kostis, Moreyra, Amendo, Di Pietro, Cosgrove & Kuo (1982)). Un autre signe vital important est la FR, qui est mesurée en respiration par minute (RPM). Une FR normale se situe entre 10 et 20 RPM alors qu’une FR lente, appelée bradypnée, varie entre 4 et 10 RPM (Russo, Santarelli & O’Rourke (2017)). Un rythme respiratoire rapide, qu’on appelle tachypnée, est supérieur à 20 RPM et peut aller jusqu’à 39 RPM chez les adultes malades (Cretikos et al. (2008)).
Types de capteurs
Dans les années 80, la technologie était limitée en ce qui avait attrait à l’acquisition du BCG. Récemment, le domaine du BCG a eu une résurgence avec l’arrivée de technologies plus modernes. De multiples capteurs utilisant différents phénomènes électriques, optiques ou mécaniques permettent de retrouver le signal BCG. Voici d’ailleurs une liste résumant les différents capteurs existants : Deux types de capteurs, soit acoustique et infrarouge, utilisent les réflexions de leurs ondes sur des surfaces pour estimer la distance avec lesdites surfaces. Un réseau de capteurs ultrasoniques pouvant être placés sous un matelas et qui est sensible au déplacement des parois a été mis au point (Yamana, Tsukamoto, Mukai, Maki, Ogawa & Yonezawa (2011)). Il permet ainsi de récupérer la FC et la FR. L’insertion de capteurs infrarouges entre les ressorts d’un matelas a été explorée afin d’enregistrer les mouvements du BCG (Maki, Ogawa, Tsukamoto, Yonezawa & Caldwell (2010)). Ils ont retrouvé la FC et la FR depuis le signal BCG d’une personne couchée sur le matelas. Plusieurs capteurs de force ont aussi été mis au point pour capter le BCG ou les mouvements des sujets. Des capteurs hydrauliques ont permis d’extraire les battements du coeur (Lydon, Su, Rosales, Enayati, Ho, Rantz & Skubic (2015) ; Rosales et al. (2012b)).
De multiples équipes ont aussi mis à profit les données provenant de jauges de contraintes, généralement configurées en cellules de charges, pour acquérir les signes vitaux, surveiller le sommeil des sujets et, entre autres, vérifier l’état de santé des bébés (Brüser, Stadlthanner, Brauers&Leonhardt (2010) ; Choi, Chung, Lee, Jeong & Park (2009) ; Kutilek, Hozman & Smrcka (2012) ; Lee, Yoon, Jung, Hwang & Park (2015) ; Paalasmaa & Others (2014) ; Waltisberg, Amft, Brunner & Troester (2016)). Les jauges de contrainte mesurent la force ou le stress sur un matériau interne au capteur via la variation de sa conductivité électrique lorsque soumises à une charge (Ruge (1944)). Une cellule de charge, constituée de quatre jauges de contrainte reliées en pont de Wheatstone (Wheatstone (1843)), est plus sensible qu’une jauge de contrainte seule. Dans les capteurs de forces les plus utilisés figurent les capteurs piézoélectriques, nommément les films électromécaniques (“Electromechanical Film”(EMFi)) et les polyfluorure de vinylidène (“PolyVinyliDene Fluorure”(PVDF)). L’EMFi est un film élastique chargé électriquement de façon permanente (Kirjavainen (1987)). Ce capteur possède de multiples couches internes chargées positivement et séparées par des vides. Lorsqu’une force s’exerce sur sa surface, une charge est créée sur les électrodes puisqu’un mouvement des charges est forcé à l’intérieur.
De multiples études ont permis de retrouver les signes vitaux en plaçant le capteur EMFi à différents endroits sous un patient pour obtenir le BCG transversal (Brüser, Kerekes, Winter & Leonhardt (2012) ; Koivistoinen et al. (2004) ; Kortelainen & Virkkala (2007) ; Postolache, Girao, Mendes & Postolache (2009)). Les PVDF sont des polymères piézoélectriques avec une structure de 50 à 60 % cristalline. De par sa structure chimique, plusieurs dipôles existent à l’intérieur du matériau PVDF (Rajala & Lekkala (2012)). Lorsqu’une force est exercée sur le capteur PVDF, les orientations des dipôles changent et un signal électrique apparaît alors sur les électrodes. Quelques études font aussi usage d’un capteur PVDF sous les draps ou bien sous le matelas d’un lit pour détecter la FC, la FR et les mouvements du corps (Brüser, Kortelainen, Winter, Tenhunen, Pärkkä & Leonhardt (2015) ; Jacobs, Embree, Glei, Christensen & Sullivan (2004) ; Siivola (1989)). La dernière classe de capteurs est la plus récente et est de plus en plus utilisée. Ce sont les capteurs à fibre optique (Fiber Optical Sensor (FOS)). Une fibre optique transporte la lumière grâce à sa gaine ayant un indice de réfraction plus bas que le matériau de la fibre.
Ce faisant, la lumière est reflétée en continu à l’intérieur de la fibre puisqu’elle ne peut en sortir. Il y a bien entendu toujours une légère perte d’intensité lumineuse dans la gaine négligeable sur des courtes distances. Les FOS font usage de la déformation de la fibre optique, généralement imbriquée dans un objet comme un petit matelas, pour détecter l’amplitude des forces et des mouvements sur la surface du capteur. Différents principes d’optique sont utilisés dans lesquels le mesurande affecte l’intensité lumineuse en sortie (Silvestri & Schena (2011)). Ils sont préférables puisqu’ils présentent une très grande sensibilité aux déformations et sont immunisés aux interférences électromagnétiques de par la nature optique du capteur (Dziuda, Skibniewski, Krej & Lewandowski (2012)). Les FOS à réseaux de Bragg (“Fiber Bragg Grating (FBG)”) sont des fibres optiques dont les indices de réfraction, à l’interne, sont modulés périodiquement (Othonos (1997)). La zone agit ensuite 21 comme un miroir sélectif à la longueur d’onde qui respecte la loi de Bragg (Bragg (1913)). On voit apparaître un moyen de mesurer le stress subit par un FBG puisque sa déformation engendre une modification de la longueur d’onde de Bragg initiale. Ces fibres ont alors été insérées dans un coussin ou des petits matelas et placées sous des sujets afin de détecter leurs mouvements. Il a ainsi été possible d’enregistrer les activités cardiaque et respiratoire à travers différentes expérimentations durant lesquelles les sujets étaient assis, adossés ou couchés sur le capteur (Dziuda et al. (2012) ; Zhu, Fook, Jianzhong, Maniyeri, Guan, Zhang, Jiliang & Biswas (2014) ; Zhu, Maniyeri, Fook & Zhang (2015)). L’utilisation d’un FBG demande cependant un module de décodage optique spécialisé basé sur l’interféromètre de Fabry Pérot (Dziuda et al. (2012)).
Le deuxième type de capteur à fibre optique est le FOS à micro pliages. Il est bien connu que l’atténuation dans la gaine de la fibre optique peut être augmentée si nous plions la fibre optique. C’est ici que les micro pliages entrent en jeu. Tel que visible à la figure 1.9, l’atténuation de la lumière parcourant le FOS augmente lorsque les irrégularités créent de multiples micro pliages dans la gaine (Silvestri & Schena (2011)). L’avantage majeur de ce type de FOS est la quantité minimale de matériel requis pour l’utiliser. De multiples recherches utilisent depuis le début des années 2000 les FOS et plus précisément ceux à micro pliages. Des études sur la ventilation, sur la détection du rythme cardiaque, des battements cardiaques uniques et de la synchronisation en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), pour n’en citer que quelques-uns, utilisent ces FOS. Une fibre optique a été insérée dans une mince couche déformable et a été placée sous le corps d’un sujet couché sur un lit (Chen, Teo & Yang (2009)). Ils ont de plus imbriqué le capteur dans un oreiller connecté pour acquérir le rythme cardiaque d’une personne 22 couchée depuis les mouvements de la tête (Chen, Teo, Ng & Yim (2011)).
Le capteur est ainsi facile à installer et complètement non-intrusif. Une étude de faisabilité de la balistocardiographie a été réalisée avec le FOS à micro pliages (Zhu et al. (2013)). En plaçant le capteur derrière la tête du sujet, ils ont récupéré son signal BCG avec précision. Le capteur FOS a été utilisé pour détecter la respiration et synchroniser la prise d’image d’un IRMf afin d’augmenter la clarté des résultats (Lau et al. (2013)). De nouveaux algorithmes avec d’excellents résultats dans l’extraction du rythme cardiaque en utilisant le FOS à micro pliages ont d’ailleurs été développés (Sadek, Biswas, Abdulrazak, Haihong & Mokhtari (2017)). Le matelas connecté utilisé par Sadek et al. a d’abord été développé et testé par Lau et al. et a montré de bonnes performances dans la détection de la respiration (Lau et al. (2013)). Les performances du matelas à capter la FC, avec une excellente précision, ont été améliorées par Chen et al. (Chen, Lau, Teo, Ng, Yang & Kei (2014a) ; Chen, Teo, Ng, Yang, Zhou, Zhang, Loo, Zhang & Thong (2014b)).
INTRODUCTION |