Fiction de Toni Morrison

Fiction de Toni Morrison

LES NOIRS DANS L’HISTOIRE ECONOMIQUE DE L’AMERIQUE

Morrison dans sa fiction qui s’inspire des faits historiques tels que l’esclavage et la traite négrière montre le rôle que les Noirs ont joué dans l’économie américaine. Il faut toutefois noterqu’au-delà de leur apport considérable dans la croissance économique de l’Amérique, ils ont remarquablement contribué au développement du capitalisme qui fait, aujourd’hui, la fierté des Américains. 2.1. Le développement des espaces économiques Dans l’histoire économique de l’Amérique, les Blancs à la recherche de profits se sont organisés pour créer des espaces d’exploitation afin de gagner ou d’accroître leurs ressources. C’est ainsi que beaucoup de plantations ont vu le jour pour profiter autant que possible de la main-d’œuvre étrangère venant d’Afrique. La fiction de Morrison s’inspire de cette réalité historique pour rendre plus visible la contribution des Noirs dans l’économie américaine, car en réalité celle-ci manque de visibilité. Les plantations que Morrison évoque dans Beloved et A Mercy, sont simplement une manière de mettre en exergue la contribution des Noirs dans le développement économique des Etats-Unis. En montrant une main-d’ouvre noire servile au service des maîtres blancs 72 dans ces espaces économiques que sont les fermes et les plantations, Morrison démontre l’incontournabilité des Noirs dans l’agenda historique économique nationale. Au fait, de par la vente dont ils sont victimes et leurs forces physiques qu’ils ont utilisées pour travailler dans les planations, les Noirs sont à l’origine de beaucoup de fortunes aujourd’hui. Ainsi, du moment où elles sont aussi productives dans les champs que pour les travaux domestiques, en plus de leurs capacités à engendrer des main-d’œuvres, les femmes esclaves sont plus valorisées que les hommes, car elles permettent d’avoir un stock d’esclaves à même d’être vendus dans le marché ou de travailler pour produire des richesses. C’est ainsi que dans Beloved et A Mercy, le maître encourage le mariage entre esclaves afin d’en avoir une réserve assez suffisante pour se mettre à l’abri de tout besoin économique ou financier. Les maîtres exhortent la procréation rapide des esclaves pour faire plus de profits. Pour eux, peu importe l’âge de la mère, l’essentiel est qu’elle parvienne à mettre au monde un enfant qu’ils pourront vendre pour des raisons économiques ou matérielles. La mère esclave est ainsi peinée de devoir se séparer de sa progéniture même si cette situation fait bien le bonheur du maître qui y gagne financièrement ou matériellement. C’est pourquoi certains considèrent l’esclavage comme un mal nécessaire : mal pour les Nègres qui en pâtissent, et nécessaire pour les Blancs qui en profitent. Mais pour d’autres, le commerce des esclaves est un mal qu’on pourrait éviter. Pour Robin Furneaux, “Well established, profitable, a symbol of the country’s naval and commercial greatness, the slave trade was regarded by the few who troubled to think about such things as an avoidable evil’’ La femme est la plus exploitée pendant l’esclavage. On abuse d’elle aussi bien pour assouvir des besoins sexuels que pour favoriser la naissance d’autres esclaves, d’autres produits de vente. Cet abus sexuel commence dès qu’on les embarque dans des navires en  direction du Nouveau monde. L’équipage se livre ainsi à de sales besognes devant des femmes livrées à elles-mêmes et incapables de se défendre. Selon Robin Furneaux, ‘‘At the beginning of the voyage the crew would take their pick of the slave women. The slave who wrote, ‘Once off the coast the ship became half bedlam and half brothel,’has left us the pithiest summary of conditions in the Middle Passage.”98 Les femmes doivent forcément coopérer sans droit ni résistance. Elles deviennent, de cette manière, des instruments de plaisir au service des hommes. Dans Beloved, des femmes esclaves restent des jouets pour les maîtres blancs qui cherchent, soit à satisfaire leurs désirs sexuels, ou à favoriser la procréation pour des raisons capitalistes. Pour mettre en exergue la souffrance physique et morale dont la femme est victime pendant cette période historique de l’humanité, Morrison évoque les circonstances du mariage de Sethe. En effet, par la complicité de Mr. Garner, Sethe est la cible de plusieurs esclaves hommes qui cherchent chacun à la marier alors qu’elle n’a que treize ans. Très immature pour faire un choix judicieux, elle tombe amoureuse de Halle qui l’enceinte sans mesurer l’impact qu’une telle grossesse peut engendrer dans leur vie de couple. Sethe est à l’image des autres femmes esclaves. Elle a eu des rapports sexuels de manière prématurée et devient enceinte pour son premier enfant à quatorze ans. Selon Thomas Sowell, “While premarital sex and premarital pregnancy existed among slaves, marriage itself was taken very seriously and was not lightly terminated. Sometimes slave marriages were forcibly terminated, usually by the sale of one of the partners.’’ Le fait de marier Sethe à l’âge adolescent constitue pour Mr. Garner un moyen d’inciter à la procréation afin de s’approprier des enfants qui naîtront de ce couple. Sa richesse est d’autant plus importante que Sethe et Halle mettent des enfants au monde. En  l’espace de quatre ans, ce couple est parvenu à avoir une progéniture de quatre membres, soit un enfant par an. Cette situation revêt le caractère inhumain de l’esclavage. Les maîtres blancs ne s’intéressent qu’à l’argent. C’est une ruée vers le matériel. Elle est accompagnée d’une anarchie extrême qui martyrise l’esclave et plus particulièrement la femme. Sethe symbolise la souffrance physique et morale de l’esclave femme. Son mariage prématuré a fait qu’elle n’est pas bien préparée pour éduquer convenablement ses enfants. A cette impréparation, s’ajoute le fait qu’elle doit aller aux champs et travailler comme les hommes. Comme toutes les mères esclaves, elle est contrainte de donner naissance dès son adolescence. La seule préoccupation de Mr. Garner est d’avoir des ressources humaines dans sa réserve. La santé et l’âge de la mère importent très peu. A quatorze ans, Sethe est mal préparée pour faire face à une tâche aussi importante que la maternité. Après son départ de la plantation de Sweet Home, elle déteste toute idée de donner naissance à cause des horreurs qu’elle a subies jusque-là. Tous ses enfants sont nés d’un seul homme, en l’occurrenceHalle. Procréer avec un autre homme la mettrait mal à l’aise d’autant plus qu’elle ne trouve pas l’importance d’un tel acte. Cette conception nouvelle a amoindri les chances de Paul D d’avoir un enfant avec elle. Elle cherche à conserver le peu de bonheur qui lui reste après le départ de ses deux garçons, Buglar et Howard. Elle fornique avec Paul D, mais sans prendre de grossesse. Elle est hantée par la peur de se séparer d’un autre enfant. Contrairement à Sethe, certaines esclaves femmes deviennent enceintes du fait de sales besognes menées par les maîtres. Et pour lutter contre ce fléau désastreux, elles préfèrent mettre fin à leurs grossesses ou tuer leurs enfants avant qu’ils ne grandissent pour sillonner les plantations. Elles désapprouvent la manière de faire des Blancs et ne veulent pas que leurs progénitures soient transformées en marchandises. Un exemple concret est la mère de Sethe. Puisque ses enfants sont nés sans son consentement, sans qu’ils ne soient désirés, elle préfère 75 mettre fin à leur vie à l’exception de Sethe qui est née avec beaucoup d’amour. Une de ses amies témoigne: She threw them [her children] all away but you [Sethe]. The one from the crew she threw away on the island. The others from more whites she also threw away. Without names she threw them. You she gave the name of the black man. She put her arms around him. The others she did not put her arms around.100 Sethe reste le seul enfant vivant et désiré par sa mère parce qu’au moins sa naissance constitue un plaisir pour elle dans la mesure où elle est conçue avec consentement et amour. Comme dans Beloved, Morrison montre aussi des personnages qui ont énormément souffert dans A Mercy à cause du mariage précoce ou à cause de viols dans les plantations. Pour Shelby Larrick, “Morrison’s novel is centered on the psychological repercussions of rape and abuse.’’101 Dans ce dernier roman, du point de vue sexuel, la mère de Florens donne l’impression d’avoir connu plus de traumatisme que Sethe. Celle-ci est mariée et s’est limitée à un seul homme qui cherche à la protéger dans la mesure du possible et qui empêche les autres hommes d’abuser d’elle.

Les Noirs au centre de la production des richesses

Si le capitalisme vise la quête de profits et implique l’existence de deux classes distinctes à savoir la bourgeoisie et le prolétariat, on peut avancer sans risque de se tromper que les Noirs ont joué une part importante dans son développement en Amérique. En constituant la classe ouvrière, ils sont à la base de beaucoup de fortunes comme le démontre Morrison à travers ses œuvres littéraires. Dans sa fiction, Morrison cherche à valoriser les Noirs qu’elle place au centre de beaucoup de productions de richesses en Amérique. Ils ont constitué, dans les différentes fermes et plantations la main-d’œuvre sans laquelle la prospérité du capitalisme serait impossible. Ils ont cultivé la terre et permis aux maîtres d’amasser des fortunes immenses qui sont transmises de génération blanche à génération blanche jusqu’à aujourd’hui. Pour cette raison, on peut se convaincre que le rôle joué par les Noirs dans l’histoire du capitalisme américain est non négligeable. C’est, peut être, pour justifier la place importante qu’occupent les Noirs dans l’histoire économique des Etats-Unis, que Morrison et tant d’autres auteurs africains américains ont évoqué et traité globalement la question de l’esclavage. D’un certain point de vue, l’évocation de l’esclavage est la meilleure manière de prouver que les Noirs sont au centre de toutes les productions de richesses dans le Nouveau monde. En fait, il faut noter qu’il ne saurait y avoir de capitaux sans la présence des Noirs venus d’Afrique. Ces derniers sont au début et à la fin de tout développement en Amérique pendant cette période esclavagiste. Ils ont, non seulement apporté leurs conditions physiques, mais ils ont donné leurs corps et leurs âmes pour accroître les revenus de leurs maîtres. A travers l’esclavage, on comprend le rôle très important, que les Noirs ont joué pour le développement des Etats-Unis et de l’Occident, de manière générale. Ainsi, en voulant 97 développer son économie, ce dernier a-t-il utilisé plusieurs méthodes pour une meilleure exploitation des terres et de la richesse du Nouveau monde. Il faut, entre autres, recourir à l’Afrique en lui volant son potentiel humain. Il s’agit de l’importation en masse des Noirs vers l’Amérique. Au début de l’esclavage, les Noirs étaient peu nombreux en Amérique, mais au fur et à mesure qu’on les sollicite pour la culture de la terre, leur arrivage devient de plus en plus important. Les commerçants blancs prennent ainsi l’océan atlantique pour les amener en nombre important dans le Nouveau monde où ils sont très attendus. Peu à peu, ils constituent une communauté intéressante aussi bien du point de vue de leur nombre que de celui leur productivité. Après que les Noirs aient été transportés en masse vers le Nouveau monde, comme ceux dans A Mercy qui sont pris d’Angola, leur nombre a connu une augmentation fulgurante encouragée par les mariages précoces et le libéralisme sexuel, Their numbers increase every day as well by birth as importation. And in case there should arise a man of desperate courage, exasperated by a desperate fortune, he might kindle a servile war. Such a man might be dreadfully mischievous before any opposition could be formed against him, and tinge our rivers as wide as they are with blood.146 Les esclaves ne peuvent pas refuser ces naissances du fait de leur incapacité à faire face aux pressions émanant des maîtres et des conditions de détention. Les femmes ont peur d’être sévèrement réprimées et par conséquent elles ne peuvent résister à aucune proposition sexuelle ou viol. Elles ne veulent pas être punies même si la punition (qui se fait soit par un châtiment corporel ou une contrainte à offrir une partie intime de son corps, le sexe) est inévitable. Selon Charles Johnson Patricia: 146 Charles Johnson Patricia. Smith and the WGBH Series Research Team. Africans in America: America’s Journey through Slavery. New York: A Harvest Book Harcourt Brace & Company, 1998, p. 88. 98 In a system based on fear, physical punishment was the only reliable answer the slave owners had to prevent rebellion. And since even a minor infraction, real or imagined, called for correction, masters were constantly called upon to determine how harsh the treatment should be. A whipping ? The amputation of a hand or foot ? Should the slave be shackled for the rest of his life? La femme esclave doit se soumettre aux volontés du maître sans se soucier de ses goûts et de ses préférences. Ce qui est important dans ce contexte c’est comment répondre aux besoins en ressources humaines de son propriétaire. La réponse est simple : il faut procréer et assurer la continuité ou la durabilité de la plantation. Cependant, dans Beloved et A Mercy, Morrison met un doute sur les questions de durabilité et de continuité des différentes plantations. Dans le premier roman, le maître Mr. Garner a mis une politique de pérennisation des intérêts de Sweet Home en favorisant le mariage entre ses esclaves qu’il incite à la procréation. Il parvient à avoir d’autres futurs esclaves grâce au mariage entre Halle et Sethe mais il peine à avoir d’enfants dans son propre couple. La stérilité de son couple a mis un discrédit sur la durabilité et la continuité de Sweet Home car, n’ayant pas d’enfants directs pour hériter de cette plantation, tout disparaît avec sa mort tel que Paul D a voulu le démontrer quand il avance : “Everything rested on Garner being alive. Without his life each of theirs fell to pieces. Now ain’t that slavery or what is it?’’148 Dans A Mercy, Morrison jette aussi du discrédit sur la durabilité et la continuité de la ferme des Vaark. Bien que le couple Vaark possède des esclaves avec eux, il peine à mettre au monde une descendance. Ni eux, ni leurs esclaves ne parviennent à procréer selon leurs vœux. Ils ont tous vécu la disparition de leurs progénitures qui laissent un grand vide à remplir. Seule Sorrow a connu un accouchement réussi, un enfant qu’elle aime de tout son cœur, un 147Charles Johnson Patricia. Smith and the WGBH Series Research Team. Africans in America: America’s Journey through Slavery. op. cit., pp. 86-87. 148Toni Morrison. Beloved. op. cit., p. 220. 99 enfant qui ignorera peut-être l’esclavage, car étant né après la disparition de Jacob Vaark et l’affaiblissement physique de sa femme, Rebekka. Sweet Home et la ferme des Vaark sont appelées à disparaître dans la mesure où elles manquent de relèves. Même si les maîtres, en un moment donné, ont encouragé la procréation de leurs esclaves, ils ont échoué à assurer leurs propres descendances. Cette situation d’échec a fragilisé la durabilité et la continuité des plantations qu’ils ont laissées entre les mains d’individus incapables de les tenir intactes et impeccables. Les Blancs dans les deux œuvres ont tenté de favoriser la naissance d’enfants noirs pour maintenir leurs intérêts en termes de ressources humaines. Ils ont, non seulement, créé des mariages ou unions précoces, mais en plus, ils ont poussé les femmes esclaves à s’accoupler sans amour ni volonté pour produire des marchandises humaines. Le Noir est chosifié et vendu comme un animal, comme une personne de peu de valeur. En encourageant le boom démographique pour des raisons capitalistes, on crée une situation extrêmement délicate pour les enfants et les mères noirs. Les conséquences de cet encouragement à la procréation sont nombreuses et néfastes. On a, entre autres, les raisons sanitaires dans lesquelles évoluent les femmes enceintes. La mère esclave vit dans un cadre tel que sa santé et celle de son enfant soient gravement menacées. On la plonge, non seulement dans les champs de coton où elle est appelée à travailler dur, mais elle fait aussi l’objet de viol et de rapprochement des naissances. Par exemple Sethe, qui y a eu quatre enfants en autant d’années est victime de harcèlement sexuel par les neveux de Schoolteacher cherchant à assouvir leurs désirs sexuels. Elle n’a personne pour lui venir au secours. Après une étude de la situation des familles noires aux Etats-Unis, Walter R. Allen avance cette conclusion: 100 As a result, monolithic, stereotypic characterizations of Black families abound. The Black family headed by a single mother with numerous children and living in a roachinfested tenement is a familiar stereotype. This image has been reinforced in the hallowed halls of universities, on the frenetic sets of movie and television shows, as well as in the august halls of Congress. That this stereotype represents but a limited slice of Black family life in the United States is bad; that it distorts the truth about female-headed households in the Black community is worse. Such stereotypes leave the genuinely curious searching for the true face(s) of Black family life in this country.149 Les neveux de Schoolteacher violent Sethe sans tenir compte de sa grossesse avancée pendant que son mari absent erre dans la nature. En plus, sous les instructions de leur oncle, ils opèrent son dos pour mieux connaître ses caractéristiques. Ces deux événements majeurs ont encouragé sa fuite de Sweet Home et son accouchement dans les bois presque sans assistance jusqu’à l’apparition de la petite Amy Denver de Boston. Sa fille cadette a vu ainsi le jour et est nommée après cette dernière. Si on se base sur les conditions qui ont abouti à la naissance de Denver dans la forêt, Morrison semble donner une caractéristique surhumaine à Sethe. En fait, elle survit à l’agression sexuelle et à l’opération sur son dos par Schoolteacher et ses neveux. Elle parvient tout de même à rester en vie et rester tant soit peu avec ses enfants dès son accession à 124. Cependant, cette situation dure peu de temps, car vingt huit jours après sa fuite de Sweet Home, Sethe est poursuivie par Schoolteacher et ses hommes qui ne veulent pas perdre des ressources humaines. Elle met fin à la vie de sa fille aînée et la famille se disperse pour toujours. Le boom démographique tant voulu par Schoolteacher devient cauchemardesque et la plantation perd une richesse incommensurable. Une autre conséquence négative causée par la politique d’accroissement de la richesse ou « marchandise humaine » est la création de famille monoparentale. En livrant l’esclave femme à la merci des hommes, elle tombe enceinte sans savoir exactement l’auteur de sa  grossesse. Beaucoup d’enfants sont ainsi nés connaissant leurs mères mais sans jamais voir l’ombre de leurs pères. Denver, par exemple, a vécu sa vie au côté de sa mère, mais elle a attendu longtemps son père Halle qui n’est jamais venu. Celui-ci, à son tour, a connu sa mère Baby Suggs, mais il ignore qui est son père et où il se trouve. Cette situation de famille monoparentale est causée par la volonté d’élever des esclaves et la vente imprévisible de l’un des membres du couple. Il y a aussi le fait que l’esclave femme s’accouple avec beaucoup d’hommes qu’elle ne parvient plus à identifier le vrai auteur de sa grossesse. Contrairement, dans Beloved où les enfants et Sethe ont connu respectivement leur père et mari(Halle), dans A Mercy la mère de Florens ne connait pas l’auteur de ses deux grossesses. Aussi Florens et son jeune frère ignorent-ils leurs pères. Leur mère est laissée à la merci des hommes qui la violent nuitamment. Elle est sans soutien et doit apprendre à évoluer seule et protéger ses enfants dans une Amérique où tout s’acharne contre elle. Elle est très attendue pour mettre au monde une relève humaine afin de pérenniser les intérêts économiques de Senhor D’Ortega. L’absence d’identité est aussi une des conséquences du libéralisme sexuel. En s’intéressant exclusivement à augmenter leurs potentiels humains, la plupart des maîtres se fichent de l’identité de leurs esclaves. C’est pour cela que, dans Song of Solomon, Morrison fait allusion à la quête d’identité qui a frappé beaucoup de familles noires, particulièrement celle de Milkman, dont le nom de famille “Dead’’ symbolise la mort. Aussi, dans ces autres romans, est-il toujours question de personnages qui ont uniquement un prénom ou qui s’identifient aux noms de famille de leurs maîtres. Les maîtres, pour montrer que les esclaves leur appartiennent, leur donnent leurs noms de famille. Ils pensent aussi que les noms Africains résultent de la barbarie et il faut donc baptiser les esclaves. Par exemple dans Beloved les Sweet Home men se font appeler Garner, 102 le nom de leur maître. Personne parmi eux ne connait son véritable père et ils cherchent à avoir une identité dans une Amérique cruelle qui leur met la tension. Cette situation de n’avoir jamais rencontré ses parents et plus particulièrement son père est comme un héritage chez les Noirs. Par exemple, Halle ne connait pas son père de la même manière que sa fille cadette, Denver ne l’a jamais rencontré. Sixo ignore son père de la même façon que l’enfant qui naîtra de sa relation avec The-Thirty-Mile woman ne le connaîtra pas. Paul D a commis un acte d’inceste en ayant une liaison et avec Sethe et avec sa fille, Beloved. Il est séparé de ses parents à très bas âge mais il aura plus de chance que l’enfant qui naîtra de sa relation avec Beloved qui disparaît mystérieusement avant son accouchement. Beaucoup de pères sont soient morts, soient vendus ou prennent la fuite avant de voir leurs partenaires accoucher ; ce qui fait qu’ils ne rencontreront jamais leurs progénitures qui sont laissées à la merci des maîtres. Cette situation crée un gap énorme entre les vivants et les morts ou entre le présent et le passé, même si pour Morrison ce gap n’existe pas: The gap between Africa and Afro-America and the gap between the living and the dead and the gap between the past and the present does not exist. It’s bridged for us by our assuming responsibility for people no one’s ever assumed responsibility for. They are those that died en route. Nobody knows their names, and nobody thinks about them.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: HISTOIRE ET FICTION CHEZ TONI MORRISON
CHAPITRE I: LA FICTION DE MORRISON ET L’HISTOIRE DES AFRICAINS AMERICAINS
CHAPITRE II : LES NOIRS DANS L’HISTOIRE ECONOMIQUE DE L’AMERIQUE
CHAPITRE III : MORRISON, POUR UN NOUVEL ELAN HISTORIQUE
DEUXIEME PARTIE : AFRICANISME ET MEMOIRE DANS L’ŒUVRE DE MORRISON
CHAPITRE IV : LA FORTE PRESENCE DE L’ORALITE DANS LE TEXTE DE MORRISON
CHAPITRE V : SOUVENIR ET SIGNIFICATION DE LA MORT
CHAPITRE VI : LE POIDS HISTORIQUE ET POLITIQUE DU NOM
TROISIEME PARTIE: L’ECRITURE COMME UN MOYEN POLITIQUE CHEZ MORRISON
CHAPITRE VII: VALORISATION OU REVALORISATION DE LA CULTURE NOIRE
CHAPITRE VIII: L’APPEL AU DIALOGUE
CHAPITRE IX: L’universalité du message de Toni Morrison
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Corpus : Ouvrages de Toni Morrison étudié
Articles critiques de Toni Morrison consultés
Articles sur Toni Morrison consultés
Ouvrages critiques sur la littérature africaine américaine consultés
Ouvrages généraux utilisés dans cette étude
Thèses consultées

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