Fertilisation par les engrais fécaux à Lyon
Convoitises autour des déjections des Lyonnais
Laboré, entrepreneur de vidange (1769-1782)
Sur la ville de Lyon, également précurseur, Zeller a abordé les conditions de délégation des services publics, soulignant le caractère chaotique des attributions de marché982. Après le marché passé pour assurer la charge de l’éclairage public en 1698 et son monopole de 20 ans pour la fabrication de chandelles moulées façon bougies, il analyse le contrat du nettoiement en 1734. Il met en évidence le cas de l’entrepreneur Ozinda, bourgeois de Lyon, adjudicataire d’un traité décennal passé avec la ville pour nettoyer les chaussées et évacuer les boues, qui ne parvient pas à s’installer dans la durée et disparait après une année de service. On peut noter que si aucune recette n’est identifiée pour la vente des boues aux cultivateurs, la rémunération est en théorie assurée par les abonnements souscrits par les propriétaires et pour moitié par les amendes infligées par le Consulat, institution qui détient le pouvoir municipal à Lyon entre 1320 et 1790, aux récalcitrants. Le montage financier apparait donc peu solide ce qui peut expliquer la brièveté de la prestation. Autre service public considéré, la ferme de basses œuvres traite de l’aventure commerciale de Laboré, entrepreneur fils de soyeux bourgeois de Lyon qui, fort de diverses introductions dont celle de Basset, lieutenant du Roi à la sénéchaussée, remet en 1769 une proposition aux Prévôts des Marchands et Echevins de la ville pour la vidange des fosses d’aisances. En réponse à la consultation des édiles pour déléguer le marché de la propreté de la ville, Laboré, en rupture avec la pratique consistant à réaliser des déversements dans le Rhône ou dans la Saône983 , offre ses services pour mettre fin à la méthode vicieuse jusqu’alors suivie pour la vidange984 . Pour faire face à la contestation d’entrepreneurs éconduits du marché, Laboré fait jouer ses plus hauts appuis, et le Roi Louis XVI prend le 8 mai 1778 un Arrêt pour lui accorder le privilège exclusif de vidanger (voir Figure 166).Mais indépendamment de ses performances agronomiques, louées à de très nombreuses reprises dans les annales de la Société d’agriculture de Lyon, les actions en justice des concurrents non retenus ont raison de l’entreprise de Laboré. A la suite de plusieurs actions en justice, l’arrêt du Conseil d’Etat du Roi de 1778 est révoqué par le même Conseil d’état le 30 juillet 1781. Cette décision conduit finalement à la cessation de toute activité de vidange en 1782, ce qui permet de retenir une période de 13 années pour le marché confié à Laboré, soit une durée plus longue que celle observée pour Lartois à Paris. 12.1.2Les vidangeurs en guerre (1845-1886) Un très grand nombre d’entrepreneurs a été identifié sur le marché des vidanges de la ville de Lyon entre 1845 et 1880 : – Société Valdy et Cie en 1845, – Société Rival & Cie en 1849, – Maunier et Cie en 1852, – Société Reton-Danto-Girard et Cie en 1853, – Société Marduel et Delestang en 1854, – Société Caillat et Cie en 1855, – Cie des Agriculteurs en 1855, – Cie Caillat-Mardruel en 1858, – Société du Progrès, 1870 – Sté Lyonnaise des vidanges inodores en 1872 (voir Figure 167) – Cie Perret et Cie Fondere en 1880 Signe de fortes concurrences, des sociétés disparaissent, fusionnent ou sont absorbées, à l’instar de la société lyonnaise des vidanges dite des engrais lyonnais et de la société du Progrès. Ainsi en 1880, ces deux entreprises lyonnaises unissent leurs forces au sein d’une puissante Compagnie départementale de vidanges et engrais au capital de 5 millions de francs dont le siège social est à Paris. thèse – Emmanuel Adler 25/08/2020 p. 285/346 Les Figures 167 à 169 présentent divers documents commerciaux attestant de ces anciennes activités. Figure 167 – encart de la Société Lyonnaise des vidanges inodores985 Figure 168 – concurrence entre vidangeurs à Lyon (1878-1892) 985 AML 1140WP121 thèse – Emmanuel Adler 25/08/2020 p. 286/346 Figure 169 – action de 500 francs de la Cie Dép. de Vidanges et Engrais (1879) Signes des fortes tensions sur ce marché de la vidange, l’analyse des contraventions apporte un autre éclairage (voir Figure 170). Un total de 83 procès-verbaux est dressé par la ville de Lyon contre une entreprise de vidange pour divers motifs comme la malpropreté du matériel (31 janvier 1886), l’abandon de fosse d’aisance laissée malpropre (4 février 1886), de la matière répandue sur la voie publique (4, 10, 21 et 24 février 1886), vidange exécutée sans autorisation (27 février 1886), manque de désinfectants (27 février 1886), homme en état d’ivresse avec tapage nocturne (20 avril 1886).