FEMMES ET PRATIQUES CONSACREES AUX PANGOL

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POSITION ET PERCEPTIONS DU CHRISTIANISME ET DE L’ISLAM

Lorsque le Christianisme et l’Islam sont arrivés à Fadiouth, ils ont trouvé la population dans une profonde dévotion aux pangol. Ils sont arrivés à s’implanter progressivement, introduisant de nouvelles façons de penser et d’agir au sein du système social, culturel et religieux fadiouthiens.

POINTS DE VUE CHRETIENS SUR RELIGIONS REVELEES ET RELIGIONS TRADITIONNELLES

Il existait des tas de questions sur le comportement que doit adopter le chrétien ou le musulman par rapport à la religion traditionnelle, aux traditions et coutumes très souvent jugés « animistes ». Ces questions sont restées longtemps sans réponses, favorisant des malentendus et des contradictions jusqu’au moment où les autorités religieuses ont décidé d’orienter les fidèles à travers des rencontres et des débats. Aujourd’hui, une certaine évolution est en train d’amener des gens à reconsidérer leur patrimoine traditionnel et de multiples questions se posent. Le statut quo pastoral devient en quelque sorte sensible et les réponses partielles et provisoires deviennent insuffisantes pour les gens. La rencontre des religions révélées et des religions africaines traditionnelles impose aux hommes d’église, aux marabouts et aux croyants de réfléchir et de chercher afin d’éviter les divergences. Ces croyants, parallèlement à leur vie chrétienne ou musulmane analysent la vie, les faits et les événements selon une logique et une vision « traditionnelle » accompagnées de leurs croyances.                                                                          Au sein même de l’Eglise, certains prêtres ne sont pas tout à fait en désaccord avec les libations, les rites et les sacrifices faits aux pangol du moment où l’individu ne fait aucun mal à autrui mais cherche plutôt à se protéger contre le mal. Par contre d’autres sont catégoriquement en désaccord avec ces pratiques et estiment que pour le chrétien, l’unique sacrifice est celui du Christ. Tout ceci a amené l’Eglise Catholique à organiser des rencontres de recherches pastorales. En novembre 1971, des prêtes se sont réunis à Sébikotane pour discuter sur le thème : « Conscience morale chrétienne et pratiques religieuses traditionnelles ». C’est donc dire que les débats sur la question ne datent pas d’aujourd’hui. Et l’Abbé Adolphe Faye disait que : « Au païen qui croit aux pangol, on a pour ainsi dire inculqué la foi, en ayant l’air de lui dire que ce à quoi il croit n’est pas valable, et sans pour autant lui dire pourquoi ce n’est pas valable ». Les prêtes avaient fini par distinguer trois catégories de libations :

  • La première catégorie de libations est pour la réussite, la richesse, la vie et la paix.
  • La deuxième catégorie pour sécuriser, tranquilliser
  • Enfin la troisième catégorie pour exploiter, tuer, diminuer, nuire et se venger.

En effet, toutes ces raisons peuvent pousser l’individu à faire des libations à un fangol.              Pour la plupart de la population, les pangol sont des esprits, des ancêtres ou encore les esprits des ancêtres sacralisés après leur mort. D’autres pensent que ce sont des intermédiaires entre Dieu et l’homme et, les assimilent très souvent aux saints de l’Eglise Catholique. Bruzzone écrit que « le fangol n’est qu’un langage de Dieu plus accessible »                                                                      Quant à l’Abbé Jacques Seck, il découpe le mot fangol en deux : fang – Ngol. « Fang » signifie piquet ou souche d’un arbre et le « Ngol » est un arbre au bois dur. Fangol signifierait donc pour lui souche de « Ngol » sur laquelle les anciens faisaient des libations. Il observe trois catégories d’êtres. Dans la première, on retrouve Dieu et les anges bons et mauvais (satan). Ce sont des esprits purs.                                                                                                                                        Ils ne sont pas dans le matériel et la maternité se situe au niveau spirituel. Dans la seconde catégorie, il y a les génies (« les rab »). Ils ont 9/10 d’esprit et 1/10 de matière légère. Ils meurent mais seulement après des milliers d’années. Ils ne marchent pas, ils volent mais ne sont pas anges pour autant. Ils mangent et un peu de nourriture leur suffit pour tenir pendant très longtemps. Enfin, dans la troisième catégorie, il y a l’Homme. Il a 9/10 de matière et 1/10 d’esprit. Et, le fangol est un être humain libéré du corps pour devenir esprit. Cependant, il n’est pas ange, ni Dieu, ni « rab ». Les pangol ne sont donc pas des dieux. Ce sont une sorte de personnification des ancêtres, des forces naturelles et surnaturelles élevées au rang de « héros ».                                                         Par contre, pour l’Abbé Léon Ndoffé Diouf : « les ancêtres sont des membres de la famille, devenus des canaux. Le fangol serait alors cette force qui passe par les ancêtres ».                  Pour lui, les ancêtres sont les canaux de la force qui se manifeste lorsque le prête où la prêtresse fait des libations. Le fangol serait la force et non l’ancêtre en question.                                        C’est la raison pour laquelle il pense qu’on devrait dire par exemple le fangol de « Laga Ndong » et non le fangol « Laga Ndong ».                                                                                                              Le révérend père François Ezanno écrivait : « les pangol, êtres invisibles, mâles et femelles, qui ont de la famille, doivent être rendus favorables ou apaisés. Un arbre, le plus ordinairement un baobab, est leur séjour préféré. Parfois, une petite case ronde, en paille, au pied de l’arbre, renferme la pierre sur laquelle en fait des libations de lait mais surtout de sangap. Le liquide est souvent répandu sur le tronc même de l’arbre. Les assistants à la libation ne manquent pas de participer au sacrifice en buvant ce qui peut rester du sangap dans la calebasse » Il poursuivit plus loin en disant que « les pangol sont souvent fâchés. Si les offrandes ne peuvent les calmer, ils se vengent, et à Fadiouth, c’était toujours par le feu. L’incendie, toujours annoncé, éclatait toujours dans       une case sans feu. C’était donc le fangol qui l’avait allumé. Le truc fut découvert. Un ou une adepte du fangol irrité mettait le feu à un épi de petit mil dépouillé de ses graines. Le feu y couvant longtemps et secrètement, on allait l’introduire entre les pailles d’une toiture. Tout doucement, le vent activait la flamme, et l’incendie se déclarait sans cause apparente ». Pour beaucoup de pères missionnaires blancs, les pangol étaient une fausse histoire et ils ne pouvaient comprendre ni encore admettre la dévotion des populations. Ils avaient pratiquement tout « satanisé » et, de ce fait, tout ce qui relevait des pangol était mauvais. Ils sont venus avec l’évangile et la meilleure façon qu’ils ont trouvée pour s’implanter était d’écarter et de renier toutes les coutumes et traditions du fadiouthien, tout en essayant de heurter sa conscience. C’est peut être la raison pour laquelle l’Abbé Jacques Seck estime que « la conscience a été violentée ».  C’est sans doute pourquoi il a existé des contradictions et des malentendus qui obligeaient l’Eglise catholique à se prononcer. Pour certaines personnes, c’était inadmissible de trouver des gens chez eux et de qualifier leurs traditions de diaboliques et de mauvais. C’était à la limite un signe de manque de respect et d’estime.                                                                                                                                             Le père Ezanno revient pour dire que « actuellement, les pangol sont en discrédit à Fadiouth. Les fervents sont parmi les vieux et les vieilles et quelques jeunes non baptisés. Les chrétiens, au nombre de plus de deux mille, savent que fangol et diable, c’est tout un. La dévotion au scapulaire et à l’eau bénite fait que les fidèles ne craignent plus les pangol et leurs vengeances ».  Cependant, il faut reconnaître que de nos jours, les responsables de pangol sont des baptisés s’ils ne sont pas musulmans. Les chrétiens portent même des médailles autour du cou, vont à la messe et prennent la communion.                                                                                                              Nos recherches nous ont montré que les pangol sont toujours craints à Fadiouth et la dévotion des populations est toujours importante, même s’il faut reconnaître l’évolution et les changements apportés par les religions révélées et surtout par le Christianisme.                                                    Une femme prêtresse nous disait qu’il existait à Fadiouth des pangol musulmans et des pangol chrétiens. Elle soutient qu’il lui est arrivé de les voir dans l’église lors des messes dominicales. « Ils se mêlent à la foule, vont même jusqu’à prendre la communion. Evidemment, nous dit-elle, l’œil nu ne peut les voir ».                                                                                                                                Ceci soulève un autre débat qui pourra être étudié lorsque celui de l’admission on non des pangol sera résolu.                                                                                                                                      Pour l’Abbé Jacques Seck, « le fangol n’est pas satan ». Lorsqu’on fait des libations à un fangol pour se protéger, pour guérir, pour la paix, bref, pour du bien, satan n’a pas sa place. Mais, si c’est pour nuire à quelqu’un, pour faire du mal, là, ce n’est plus l’ancêtre qui agit. Derrière lui se cache le diable qui agit à sa place. « Faire des libations pour nuire ou pour se venger, un chrétien ne peut pas », nous dit-il.

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POINT DE VUE ISLAMIQUE

A Fadiouth, il n y a pas que des chrétiens, même s’ils sont majoritaires. En effet, nous pouvons noter la présence d’une communauté musulmane composée de gens originaires du village. Nous notons aussi l’existence de trois petites mosquées dans l’île : une à Ndoffène, une à Dioum et une autre à Ndionguème. Une plus grande est construite à la pointe sud du village, sur le bras de mer appelé « Diam-Diam » depuis 1990. Toutes les confréries sont représentées dans l’île avec une légère domination des mourides. Chrétiens et musulmans vivent en paix et sont souvent apparentés par les alliances matrimoniales.                                                                                   Pour le marabout qui a bien voulu s’entretenir avec nous, « la croyance aux pangol existe depuis longtemps à Fadiouth. Mais, il ne faudrait pas oublier queDieu est au dessus de tout et que tout ce qui est satan est loin de Dieu. Nous africains, nous avons nos réalités culturelles mais tout n’est pas mauvais. Chacun à sa propre conscience et sa propre conviction et, l’Islam cherche à nous rapprocher de Dieu Il est recommandé de se protéger mais pas de faire du mal à son prochain. Certains vous diront qu’ils ne font pas de libations à un fangol alors qu’au fond, ils le font. Aussi, certains marabouts qui reçoivent des gens pour tel ou tel autre problème, leur donnent des gris-gris ou de petits livrets écrits en arabe. Mais certains d’entre eux pour ne pas dire la plupart d’entre eux s’adressent à un fangol. Ce sont en général des pangol qui ne sont pas populaires et donc pas très connus ».                                                                                                                                            Si à Fadiouth, les musulmans ne se font pas trop remarquer dans ce domaine, ce n’est pas le cas dans les villages environnants comme Palmarin, Samba Dia, Kopogoye … Seulement aujourd’hui, la distinction entre ce qui relève de Dieu et ce qui relève des pangol, semble être faite. Pour le marabout, « il y a certes des choses qu’il faut changer dans la vie culturelle fadiouthienne, mais il y a aussi beaucoup de choses que nous devons conserver. Et, il existe des pangol bons ».              Nous avons eu énormément de difficultés à obtenir des musulmans fadiouthiens des informations concernant notre sujet. Ils ont été très réticents, ce qui n’a pas facilité nos recherches. Du coup, on note un important déséquilibre dans ce chapitre. Les autorités chrétiennes ont été un peu plus ouvertes aux entretiens et nous ont davantage orienté dans la documentation. D’ailleurs, nous avons pu remarquer que nous n’étions pas les seules à nous confronter à cette situation. Bruzzone nous dit que : « apparentés par le jeu des mariages, chrétiens etmusulmans cohabitent en paix et s’adonnent aux vieux cultes traditionnels, bien que, de prime abord les musulmans refusent d’en parler.

PEUT-ON PARLER DE SYNCRETISME RELIGIEUX ?

Les cultes voués à Dieu diffèrent des cultes voués aux pangol. D’ailleurs, les buts différent souvent. Lorsque des individus procèdent à des rites qu’ils adressent aux pangol, c’est généralement pour le bien être physique et matériel. C’est donc pour accumuler des biens qui ne durent que le temps d’une vie terrestre, pour se sentir bien physiquement. Quant aux buts des cultes voués à Dieu, ils vont au-delà du matériel et des fois même du physique pour s’élever à un niveau spirituel. Celui qui voue des cultes à Dieu cherche à travers ces cultes le Salut Eternel, donc à sauver son âme. Les forces à qui l’on s’adresse diffèrent, les cultes et les rites diffèrent, l’objet diffère de même que les buts. Pour Bruzzone : « Il ne s’agit pas de rites syncrétiques comme ceux du Bénin ou de la Côte d’Ivoire, mais de formes mixtes de religiosité, qui mettent à profit les concepts et les éléments symboliques sensés communs aux religions révélées et à celles traditionnelles malgré leurs buts différents (le royaume de Dieu pour les chrétiens et les musulmans, le bien être physique et matériel pour les autres) ».                                                                                                                  C’est la raison pour laquelle, pour beaucoup de chrétiens, il fallait réfléchir sur le problème afin d’éviter « le double danger d’un christianisme superficiel et d’un christianisme plus ou moins syncrétiste », comme le disait Monseigneur Jean Noël Diouf, évêque de Tambacounda lors de la rencontre de recherches pastorales en 1971, à l’époque prêtre.  Aujourd’hui, religions révélées et religions traditionnelles sont pratiquées en même temps par chrétiens et musulmans. Pour certains, elles se « complètent », pour d’autres, chacune poursuit son chemin en tenant compte de l’autre et en essayant de l’intégrer. Beaucoup ont tendance aujourd’hui à ne plus tenir compte de l’aspect religieux des pratiques ancestrales et l’intègrent plutôt dans le domaine uniquement culturel.            La femme joue un rôle très important dans les pratiques religieuses traditionnelles. Mais, elle est aussi très présente et dévouée dans l’Eglise et dans la vie musulmane.                                        Les fadiouthiennes s’engagent activement dans la vie de l’Eglise en participant à différents groupes comme celui du Partage d’Evangile afin de mieux connaître, de mieux comprendre, pour mieux la vivre et la pratiquer.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL D’ETUDE 
Chapitre I : Cadre Thèorique
1- Problématique
2- Les objectifs 
3- Les hypothèses
4- Définition conceptuelle
5- Revue de la littérature
6- Modèle théorique d’analyse
7- La Méthodologie 
a- Les entretiens 
b- Le focus group 
c- Le questionnaire 
8- Le déroulement de l’enquête
9- Les difficultés rencontrées 
Chapitre II : Le cadre d’étude
1- Brève présentation du milieu d’étude 
2- Les traditions sociales et culturelles 
3- Les traditions religieuses 
DEUXIEME PARTIE : FEMMES ET PRATIQUES CONSACREES AUX PANGOL
Chapitre III : Femmes et Pangol à Fadiouth
I- Les pangol des lignées maternelles Diahanora et Fédior 
I.1- Les Diahanora 
I. 2- Les Fédior 
II- Les pangol de quelques autres lignées maternelles
II-1- Les yokam 
II.2- Les simala 
II.3- Les fata-fata
II.4- Les soce 
Chapitre IV : Femme-médecine traditionnelle et Pangol
I- Pangol et médecine traditionnelle
I.1- La pratique de « Hahia » 
I.2- « Go nap » et « Tripano »
II- Médecine traditionnelle sans influence des pangol
II.1- « Nga Newandale »
II.2- Le « Sothet » 
II.3- Le « Bil bop »
TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES DE L’ENQUETE PAR QUESTIONNAIRE / POSITION ET PERCEPTIONS DU CHRISTIANISME ET DE L’ISLAM 
Chapitre V : Analyse des données de l’enquête par questionnaire 
I- Les pangol
II- La medecine traditionnelle
Chapitre VI : Position et perceptions du Christianisme et de l’Islam
I- Points de vue chretiens sur religions révélées et religions traditionnelles
II- Point de vue islamique
III- Peut-on parler de syncrétisme religieux ? 
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES

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