Féminisme spirituel dans les arts visuels
Contexte historique et implication politique de Mary Beth Edelson
Le féminisme étatsunien des années 1970
Le cadre temporel dans lequel s’inscrit l’étude se situe entre 1972 et 1981. Aux ÉtatsUnis, il s’agit d’une période durant laquelle la deuxième vague féministe est en train de se déroulée depuis les années 1960. Les mouvements féministes étaient alors en lutte dans le but d’obtenir des droits impliquant une certaine indépendance, que celle-ci soit sociale ou sexuelle. Les femmes restaient mitigées et répondaient à ces revendications de manière plutôt hétérogène selon leur âge, leur situation maritale ou encore leur classe sociale comme le montrait par exemple un sondage d’opinion mené par Louis Harris et publié dans le Washington Post du 20 mai 1971. À cette date, alors que seulement 40% des femmes mariées étaient favorables aux « efforts entrepris pour améliorer la condition féminine », 63% des femmes divorcées l’étaient8 . Néanmoins, le contexte d’industrialisation et de développement du travail effectué par les femmes poussèrent beaucoup d’entre elles à remettre en question leur place au sein de la société et leur dépendance aux décisions prises par des hommes. Des droits tels que celui de la contraception, obtenu aux États-Unis en 1972 ou encore le droit à l’avortement en 1973 marquèrent alors un tournant décisif. Parallèlement, des revendications s’opposant aux discriminations sociales et raciales se développèrent et rentrèrent peu à peu en concordance avec les mouvements féministes. En effet, si le féminisme mettait en avant des droits fondamentaux et nécessaires, les mouvements féministes restaient en grande partie menés par des femmes blanches issues de classes sociales moyennes ou élevées. Ce phénomène était particulièrement présent au sein du féminisme libéral, qui, selon une autrice telle que la Ginette Castro, ne remettait pas intégralement en question le système patriarcal fondé sur le sexisme comme pouvait le faire le féminisme radical, mais seulement certains points qu’il fallait modifier et améliorer9 . En somme, il s’agit d’une période durant laquelle des divergences et des débats se créèrent au sein même des mouvements féministes. Le système patriarcal et plus largement, un système d’oppression, fut remis en question de manière globale. Des luttes intersectionnelles se mirent alors en place, il s’agissait donc de ne plus mettre uniquement en évidence les oppressions subits par des personnes identifiées en tant que femmes mais aussi de prendre en compte des discriminations qui s’accumulaient. En conséquence, le lesbianisme politique se mit peu à peu en place et fut de plus en plus revendiqué, il s’agissait non seulement de faire valoir une acceptation sociale des lesbiennes mais aussi de positionner le lesbianisme comme un outil de lutte féministe radical. De plus, des mouvements mettant en avant des discriminations raciales et sociales se développèrent au sein du féminisme, le Black Feminism revendiqua ainsi des luttes plus globales et prenant en compte les oppressions que pouvaient vivre les femmes africaines-américaines et latino-américaines ainsi que les femmes précarisées. Comme avait pu le dire la militante féministe, figure fondatrice du Black Feminism, Barbara Smit 10 : « Si l’abolition de l’oppression n’est pas une priorité pour vous, votre éventuelle appartenance au mouvement féministe réel devient problématique. » Il s’agit donc, selon ce résonnement, de ne plus se contenter d’une remise en question de certaines discriminations mais de réfléchir à une solution dans le but de lutter contre toutes les formes d’oppressions sans que des groupes de personnes ne soient délaissés. Le féminisme des années 1970 fut également marqué par le développement de branches spirituelles. En effet, à partir des années 1960, certaines militantes féministes menèrent des recherches à propos des spiritualités laissées de côté, en particulier après que le christianisme eut été imposé en grande majorité en Europe ainsi qu’aux États-Unis. Certaines féministes ont donc ressenti le besoin et jugé qu’il était pertinent de mener des recherches et approfondir des sujets qui concernaient l’histoire des femmes, laissée de côté au détriment d’une culture masculine. L’autrice et militante féministe Starhawk, ayant publié plusieurs ouvrages à propos de la pratique et la théorie d’une spiritualité néopaïenne liée au féminisme, expliqua ses motivations : Dans les années 1970, lorsque je me suis retrouvée engagée dans la seconde vague féministe, je sentais intuitivement qu’il devait y avoir une connexion entre un mouvement pour la libération des femmes et une tradition spirituelle ancienne qui voyait le divin sous une forme féminine et honorait la nature, la sexualité et le corps. Le but, selon le raisonnement de Starhawk fut donc sans doute de puiser dans une histoire dont les femmes avaient été dépossédées et de la pratiquer et l’utiliser dans un contexte de revalorisation des figures féminines mais aussi de la nature comme elle pouvait l’évoquer. Tout d’abord, des études et publications virent le jour et mirent en avant les savoirs-faires que pouvaient cultivées les femmes et pour lesquelles celles-ci furent persécutées, en particulier au cours du XVIème et XVIIème siècle comme le signalait Starhawk au sein de ce dernier texte. C’est par exemple ce que fit l’écrivaine et activiste Barbara Ehenreich, quand en 1973, elle publia son ouvrage, Sorcières, Sages-femmes & infirmières. Plus tard, ce mode de pensée continua à se développer, la revue The Politics of Women’s Spirituality dont la première publication parue en 1982 et impulsée par l’écrivaine Charlene Spretnak qui étudia la religion et la spiritualité à travers des perspectives féministes. Dans la pratique concrète du militantisme, la spiritualité put aussi être investie à cette époque. Comme le mettait en avant Ginette Castro, des actions féministes furent menées sous une forme pouvant être assimilées à des rites et notamment dans une optique de commémoration. Certains collectifs allaient d’ailleurs jusqu’à se réapproprier la figure de la sorcière comme ce fut le cas de la WITCH (Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell) qui menait des actions pouvant être assimilées à des rites. Dans ce cas précis, c’est la figure de la sorcière qui fut mise en avant en tant que figure détentrice d’un pouvoir et qui fut persécutée pour cela. C’est donc dans ce contexte de recherches, de réaffirmation d’une histoire propre aux femmes et au développement d’une spiritualité libre et propre à chacun‧e‧s que l’artiste Mary Beth Edelson impliqua des figures divines et investit la spiritualité dans ses œuvres.
Le féminisme et la place des femmes dans le milieu artistique
Comme évoqué précédemment, la période abordée fut marquée par de nombreuses revendications et bouleversements dans le but de lutter contre le sexisme dans tous les domaines, qu’il s’agisse de la place des femmes dans la société, de leurs droits fondamentaux, telles que leur indépendance, ou leur santé sexuelle, mais aussi dans le milieu des institutions. Dans le milieu artistique, donc, les femmes ont également dû exercer leurs pratiques sans pouvoir prétendre aux mêmes formations, aux mêmes titres et à la même reconnaissance sociale et culturelle que leurs confrères. Aujourd’hui encore, les artistes masculins sont largement mis en avant. En 1985, alors que des Guerilla Girls, un collectif féministe fondé aux États-Unis, venait de se créer, ses membres mettaient en avant, par le biais d’affiches, l’absence et le manque de représentation des femmes artistes au sein des institutions muséales avec le slogan suivant : « Do women have to be naked to get into the Met. Museum? Less than 4% of the artists in the Modern Art sections are women, but 76% of the nudes are female. » En effet, comme le prouvait ces chiffres, dans une section telle que celle de la période moderne, les femmes artistes étaient encore pratiquement absentes. Le milieu artistique, loin d’être accessible aux femmes artistes, était donc un milieu dans lequel il était difficile de rentrer étant donné que l’accès aux formations était restreint voire impossible pour les femmes. Ainsi, suite à la mobilisation de certaines artistes portant des engagements féministes, des initiatives et des groupes d’actions virent le jour en particulier à partir des années 1970 et jusque dans les années 1990 aux États-Unis. La fin des années 1960 aux États-Unis fut donc marquée par des mouvements de revendications et des actions menées par des collectifs d’artistes. Certain.e.s manifestaient devant les institutions en dénonçant le statut précaire des artistes comme pouvait le faire le groupe des Art Workers Coalition. Mais un groupe d’action tel que celui-ci faisait également converger les luttes contre les discriminations raciales et de genre. C’est d’ailleurs ce que soulevait Michelle Moravec dans son article « Toward a History of Feminism, Art, and Social Movements in the United States » en 201215, les initiatives et la formation des groupes militants féministes dans le domaine de l’art et de la culture se développèrent en parallèle et quelques fois de manière croisée avec les groupes qui luttaient contre les discriminations des artistes racisé‧e‧s et plus particulièrement des artistes africain‧e‧saméricain‧e‧s. À titre d’exemple, la Black Emergency Cultural Coalition se forma en 1969, après que le Metropolitan Museum of Art de new York ait largement invisibilisé les artistes africain‧e‧s-américain‧e‧s dans l’exposition Harlem on My Mind. De manière plus ciblé, le groupe des WAR (Women Artists in Revolution) vit le jour, mettant en avant de manière plus spécifique le manque de représentation que connaissait les femmes dans les musées et plus particulièrement, dans ce cas précis à New York. Grâce à l’association de certaines activistes, des lieux dédiés aux femmes et dans lesquelles ces dernières pouvaient être représentées furent créés. Ainsi, en 1971, le Feminist Art Program fut fondé en Californie par deux artistes, Judy Chicago et Miriam Shapiro, afin de permettre aux femmes de développer leur compétence artistique et de créer de manière libre. Ce lieu de formation non-mixte marqua cette période, de même que sa radicalité. Le choix avait été celui de donner la priorité aux femmes et à leur expérience sans que leurs expressions et créations puissent être altérer par un milieu mixte et expérience sociale que celui-ci engendrait, comme le souhaitait Judy Chicago17 . Cette initiative donna lieu en 1972 à une exposition : Womenhouse, dans laquelle l’expérience personnelle des femmes étaient matérialisées à travers leurs œuvres. Des pratiques, qui n’étaient pas forcément valorisées par les institutions artistiques furent investies comme le crochet , pratique considérée comme domestique et la plupart du temps dépréciée. D’autres lieux furent créés tel que la galerie du collectif AIR (Artists in Resistance) dans laquelle Mary Beth Edelson joua un rôle fondateur et qui sera plus amplement abordé par la suite. Outre les lieux d’expositions, indispensables pour la visibilité des femmes artistes, les publications qui leur furent dédiées et se développèrent particulièrement à cette époque marquèrent un tournant. Des critiques d’arts, telle que Lucy Lippard, dédièrent des ouvrages entiers à la production des artistes féminines et féministes. Lors des actions menées par les groupes évoqués et bien d’autres encore, les artistes investirent notamment la performance comme le fit par exemple la A.W.C. Dans ce contexte, les œuvres n’étaient plus des objets mais des actes qui pouvaient prendre place en dehors des institutions. Déjà au début des années 1960, la performance fut de plus en plus investie par les artistes, que celle-ci soit réalisée dans la rue ou lors de festivals, à des fins de revendications politiques ou non. À des fins politiques, la performance put également être utilisée de manière explicite, il s’agit en réalité d’un domaine où la frontière entre l’œuvre d’art et l’action politique est mince voire inexistante. Quoi qu’il en soit, il s’agissait d’un concept et d’un médium qui était encore dans sa phase d’expansion et de ce fait, empreint d’une certaine nouveauté et d’une liberté. Cette constatation est régulièrement faite dans le cadre des études féministes et de la performance comme le disait Roselee Goldberg : Insensibles aux milieux de l’art officiel, sur lesquels, elles ne pouvaient de toute façon exercer que peu d’influence, de nombreuses femmes furent attirées par la performance, car, il s’agissait d’une technique non soumise aux protocoles conventionnels des milieux .Dans ses propos, l’autrice rappelle qu’il s’agit d’un contexte institutionnel difficile pour les femmes artistes, celles-ci ne disposaient pas d’un accès aux musées et galeries égal à celui des artistes masculins. Investir un domaine qui était alors en expansion, dans lequel peu d’artistes masculins avaient encore été reconnus permettait sans doute aux artistes féministes de créer sans que la pression d’une comparaison avec leurs homologues masculins soit perpétuée. Roselee Goldberg exprime également le fait que, étant donné que le format était encore peu reconnu par les institutions, la validation des œuvres ne rentrait pas en compte et n’était pas l’objet de la production artistique. De plus, la performance constituait un moyen d’« action directe », investir l’espace grâce à son corps est un acte d’affirmation sociale.20 Afin de donner un autre exemple de format encore peu investi, peu reconnu et ayant été pratiqué à de nombreuses reprises par les féministes, il est possible de citer le photomontage. Il s’agit d’une technique beaucoup utilisée par Mary Beth Edelson, qui fut certes pratiquée par des mouvements d’avant-gardes dominés par les hommes tel que le dadaïsme. Néanmoins, la pratique étant tout de même jugée peu académique, elle peut être considérée comme étant alternative. Le détournement, l’ironie furent utilisés pour dénoncer les rôles genrés attribués aux femmes comme dans les œuvres de Hannah Höch, Martha Rosler ou encore Linder Streling, qui chacune à des époques différentes utilisèrent des images issues de la presse et mettant en scène des femmes afin de les détourner. c. Implication personnelle de l’artiste dans le domaine politique L’artiste Mary Beth Edelson s’impliqua dans les luttes politiques de son époque. Pour commencer, durant les années 1960, elle fut active dans le Civil Right Mouvement. Au cours de sa carrière, elle constata que le sexisme était très présent au sein du milieu artistique et des structures culturelles, c’est en 1968 qu’elle fit son premier discours à propos de la place des femmes dans les institutions et le fait que les opportunités qui s’offraient à elles étaient moindres comparées à celles dont disposaient les artistes masculins, ce discours prit place au Herron Art Museum, dans l’Indiana . En effet, l’année 1970 fut notamment marquée par des protestations dénonçant la présence unique d’artistes qui étaient des hommes blancs lors de la biennale de Venise de cette année-là, la Liberated Venice Biennale. Un groupe se mit alors en place, le WSABAL (Women Students an Artists for Black Art Libération) qui réclama l’inclusivité des femmes artistes et des artistes noir‧e‧s.22 Il s’agit d’un exemple des situations de discrimination contre lesquels les militant‧e‧s s’insurgeaient. Mary Beth Edelson fit partie des artistes engagé‧e‧s et à l’origine de nombreuses initiatives qui avaient pour but de rassembler les femmes artistes et de disposer de lieux d’échanges et de représentation. Elle mit en place, avec six autres artistes et actrices du milieu artistique, un événement marquant, la Conference of Women in the Visual Arts en 1972 qui se tenait à la Corcoran gallery of Art in Washington. Il s’agissait d’une rencontre entre femmes qui visait à créer un espace d’échange entre artistes, historiennes de l’art, critiques d’art et chercheuses. Lors de ces discussions, des constats purent être dressées à partir des expériences personnelles des participantes et des solutions et actions purent être envisagées.23 Un compte-rendu écrit par Mary Beth Edelson fut produit à la suite de cet événement, en 1973, faisant état du déroulement et des résultats de ce dernier. Le but d’un était sans doute de créer une solidarité et de permettre aux femmes de prendre la parole de manière libérée. Cette volonté était exprimée dans le compte-rendu de la conférence : « Nous espérions en réunissant des femmes de tout le pays, pour une conférence nationale, favoriser un échange d’idées qui stimulerait la croissance et la cohésion. » 24 Dans la continuité de cette démarche, certaines initiatrices du milieu artistique projetèrent de dédier un lieu aux femmes artistes afin de palier à leur manque de représentation au sein des musées, expositions et galeries. Ainsi, la A.I.R. Gallery fut mise en place en 1972 à New York grâce à vingt co-fondatrices parmi lesquelles se trouvaient des artistes tel que Howardena Pindell, Agnes Denes, Daria Dorosh, Judith Bernstein et bien d’autres. La A.I.R Gallery, dont le nom avait été choisi comme initiale de Artists in Residence, marqua les mouvements 21 ALECI Linda, « In Pig’s Eye : The Offence of Some American Women Artists », The art of Mary Beth Edelson., New York, Seven Cycles, 2000, (p.33). 22 Women Students and Artists for Black Art Liberation (WSABAL) | Repensar Guernica, [https://guernica.museoreinasofia.es/en/document/women-students-and-artists-black-art-liberation-wsabal], consulté le 11 avril 2021. 23 Mary Beth Edelson: Conference of Women in the Visual Arts, Corcoran Gallery of Art, Washington DC, April 20-22, 1972 – The Feminist Institute Digital Exhibit Project – Google Arts & Culture, [https://artsandculture.google.com/exhibit/mary-beth-edelson-conference-of-women-in-the-visual-arts-corcorangallery-of-art-washington-dc-april-20-22-1972/rQIyTTd82_FXLQ], consulté le 30 mars 2021. 24 Conference of the Women in the Visual Arts post-conference writeup, 1973, Provenant de la collection : The Feminist Institute Digital Exhibit Project, Citation originale : “We hoped by bringing together women from around the country, for a national conference, to promote an exchange of ideas that would stimulate growth and cohesion.” Traduction de l’autrice 19 féministes du milieu artistique étant donné qu’il s’agissait de la première galerie qui avait été fondée par un collectif composé de femmes uniquement. Celle-ci devint en quelque sorte un lieu de référence où de nombreuses rencontres purent prendre place ainsi que des expositions donnant la priorité et même l’exclusivité aux femmes artistes. Il s’agissait d’une véritable coopérative dans laquelle les initiatrices se concertaient afin de prendre les décisions qui concernaient le fonctionnement de la galerie. 25 Mary Beth Edelson intégra de cette manière la A.I.R Gallery en 1976 et put de cette manière mener divers projets. De plus, ce lieu lui permit d’exposer un grand nombre de ses travaux et d’organiser ses propres expositions. Il est intéressant de constater qu’il s’agissait d’une période durant laquelle des collectifs non-mixtes se développèrent, qu’il s’agisse d’événements ou de lieux dédiés aux femmes artistes, le fait de créer des espaces alternatifs où les femmes purent s’allier afin de produire et exposer était une nécessité. Dans le même but, le Women’s Buiding fut créer à Los Angeles en 197326 . Mais l’implication de Mary Beth Edelson dans les mouvements féministes se matérialisa également dans d’autres domaines. En effet, au cours des années 1970 et 1980, d’autres formes de transmission du travail et des protestations des artistes féministes furent élaborées. Différentes revues féministes furent alors publiées auxquelles Mary Beth Edelson contribua fortement. Tous d’abord, en 1977, elle collabora avec l’historienne de l’art et curatrice féministe Arlene Raven dans l’élaboration de la première publication du magazine Chrysalis: A Magazine of Women’s Culture27. Il s’agissait d’une revue à vocation pluridisciplinaire dans laquelle les arts visuels étaient abordés mais aussi la littérature et la poésie. Dans un contexte social dans lequel les études et la culture étaient dominées par des figures masculines, la volonté de fournir une alternative engagée fut le principal objectif comme cela était exprimé dans le premier numéro, Chryslis était alors « Un catalogue de ressources dans lequel chaque numéro informe les lecteurs des alternatives au patriarcat 28 ». L’artiste fut également une des co-fondatrices d’une revue dédiée à l’art et plus précisément aux femmes artistes, il s’agissait de Hérésies dont le premier numéro fut publié la même année en 1977 et dont paru vingt-sept numéros jusqu’en 1993. Notamment aux côtés des artistes Joan Braderman, Harmony Hammond, May Stevens et de l’historienne de l’art Lucy Lippard29, l’art féministe fut étudié par le biais d’articles mais aussi quelques fois simplement présenté dans le cadre de divers domaines ou concepts spécifiques. Par exemple, des revues furent dédiées à la pratique de la vidéo ou encore celle de la musique, tandis que certains numéros se composèrent à partir d’une référence commune à toutes les œuvres présentées. Ce fut par exemple le cas de la revue numéro 4 de 1978 centrée sur la pratique d’un art dit traditionnel, du numéro 5, paru la même année et consacré à l’emploi de la figure de la déesse dans les arts visuelles ou encore de la revue numéro 11 de 1981 mettant en avant la convergence des luttes féministes et écologiques. Le panel des sujets fut donc varié et passa en revue de nombreuses pratiques féministes contemporaines. Non seulement, il s’agissait d’un support novateur par son indépendance des institutions mais également, un moyen pour les féministes d’aborder des sujets jugés pertinents dans les luttes. Mary Beth Edelson, ayant elle-même travailler de manière approfondie sur la spiritualité et les figures féminines valorisées dans ce contexte contribua à la mise en place d’un cadre théorique et militant grâce à son implication dans la A.I.R. Gallery et dans la revue Hérésies qui composent des ressources importantes dans le cadre de son travail.
Introduction |