Favoriser les financements de long terme

Favoriser les financements de long terme

 La révision du cadre prudentiel applicable aux établissements financiers soulève deux difficultés, qui sont en partie liées : − elle risque de pénaliser les financements de long terme ainsi que le financement des entreprises, et plus particulièrement des PME. Des évolutions en ce sens sont déjà à l’œuvre ; − les nouveaux ratios prudentiels de liquidité, dont la mise en œuvre est attendue à partir de 2015, devraient, par ailleurs, exiger des efforts d’ajustement importants de la part des banques françaises, susceptibles d’entraîner à moyen terme une contraction du financement bancaire de l’économie321 . Assurer le financement de l’économie à long terme revêt ainsi un haut degré de priorité. Cet objectif suppose d’orienter l’épargne financière vers le long terme et de mieux utiliser les ressources du Fonds d’épargne.

Orienter l’épargne financière vers le long terme 

Comme souligné au chapitre I, la composition du patrimoine du secteur privé est révélatrice d’un financement sous-optimal de l’économie française : une part prépondérante de l’immobilier, et une faible part de l’épargne longue dans le patrimoine financier des ménages. Implicitement ou explicitement, l’Etat, au travers notamment de sa politique fiscale, a favorisé la détention d’actifs immobiliers et d’actifs liquides, au détriment notamment du financement de l’épargne productive. Dans ce contexte, un redéploiement des mécanismes d’incitation financière en faveur de l’épargne de long terme doit être engagé afin de remplir deux objectifs : fournir une source de financement pérenne pour l’économie ; permettre aux ménages de se constituer une épargne à même de contribuer à répondre à leurs besoins de long terme, notamment la préparation de la retraite et une assurance contre les risques liés au vieillissement, en particulier la dépendance. Ces réaménagements en faveur de l’épargne financière de long terme dans le cadre notamment de l’assurance-vie impliquent, pour être efficaces, de maintenir une hiérarchie des rémunérations entre les livrets d’épargne réglementée, qui représentent une épargne liquide de court terme, et l’épargne longue. Encourager l’épargne financière longue implique également de reconsidérer et redéployer les incitations publiques résiduelles dont bénéficie l’immobilier, hors logement social et zones de forte pénurie de logements. Comme la Cour l’a indiqué322, des mesures ad hoc visant à orienter de manière artificielle une partie de l’épargne constituée en assurance-vie vers le capital investissement, dans des conditions qui ne seraient pas nécessairement conformes à l’intérêt des assurés, doivent être écartées.L’expérience tentée au milieu des années 2000 est d’ailleurs restée temporaire et de portée limitée  . Ces réaménagements en faveur de l’épargne financière de long terme, dans le cadre notamment de l’assurance-vie, supposent surtout que le financement de l’Etat n’évince pas les financements privés dans les portefeuilles des agents économiques. L’une des conditions préalables à l’efficacité de ces propositions est donc de réduire la ponction exercée sur l’économie par le besoin de financement des administrations publiques, ce qui implique de réduire l’endettement de toutes les administrations publiques, y compris la dette de la sécurité sociale mais aussi celle des collectivités territoriales. Dans un contexte de déficit public élevé et d’endettement excessif, la tentation pourrait en effet être grande pour les pouvoirs publics de capter l’épargne des ménages et de la canaliser vers les propres besoins de la sphère publique . Le développement d’un marché de capitaux longs finançant le secteur productif suppose donc que le marché de la dette publique, alors même que les règles prudentielles avantagent l’Etat par rapport aux autres emprunteurs, n’absorbe pas une part excessive de l’épargne privée. La réduction de l’offre de dette publique permise par la réduction du déficit public tendrait à orienter les investisseurs institutionnels vers l’acquisition d’actifs privés. Néanmoins, le développement de cette nouvelle demande d’actifs privés sûrs exigera un cadre réglementaire et une supervision appropriés ainsi qu’une transparence renforcée des actifs offerts. 1 – Renforcer les mécanismes d’incitation financière en faveur de l’épargne de long terme Parmi les différents produits d’épargne, la Cour a, plus particulièrement, évalué l’assurance-vie compte tenu de sa place centrale dans le paysage de l’épargne en France (encours de 1 375,6 Md€ à la fin avril 2012, soit environ un tiers de l’épargne financière des ménages). Poursuivant des finalités multiples axées sur le développement de l’épargne financière longue dans l’intérêt des ménages et du financement de l’économie, la politique publique en faveur de l’assurance-vie s’accompagne de l’engagement par l’Etat de moyens significatifs. Dans son rapport public sur la politique en faveur de l’assurancevie, la Cour a proposé des réaménagements pour renouveler la politique de l’épargne en assurance-vie afin d’encourager les épargnants à détenir leur épargne plus longtemps sur ces produits. Le détail de ces propositions est rappelé dans l’encadré ci-dessous. Stabiliser les passifs des assureurs en allongeant la durée de l’épargne, notamment dans le cadre des produits d’assurance-vie, faciliterait les investissements de ces derniers en titres risqués et contribuerait à atténuer l’impact négatif de Solvabilité II en la matière.

Maintenir une hiérarchie de rémunération entre épargne liquide et épargne longue 

Le livret A et le livret de développement durable (LDD) constituent une épargne courte, qui remplit des fonctions très diverses. Les catégories les plus modestes se servent du livret A comme d’un quasi-compte courant. Ces deux livrets constituent une épargne de précaution totalement liquide pour les autres catégories . Leur succès provient de leur taux de rémunération, aujourd’hui plus favorable que le taux de rendement après fiscalité d’autres produits d’épargne, notamment parce qu’ils ne sont soumis ni à prélèvement social, ni à prélèvement fiscal. L’augmentation des encours du livret A et du livret de développement durable a été favorisée par la banalisation de la distribution du livret A et par le déclenchement de la crise financière qui a conduit les ménages à privilégier l’épargne liquide. Cette tendance est à l’origine de l’abondante liquidité dont dispose le Fonds d’épargne. Dans un contexte où existe une forte pénurie de logements sociaux dans certaines zones, d’une part, et où le cadre prudentiel applicable aux établissements financiers risque de pénaliser les financements de long terme, d’autre part, le doublement du plafond du livret A et du livret de développement durable envisagé par le gouvernement, qui confère des possibilités d’intervention rapide aux pouvoirs publics à travers le Fonds d’épargne, présente des avantages. Néanmoins, cette mesure n’est pas sans inconvénient. Un relèvement du plafond du livret A et du livret de développement durable pourrait entraîner des transferts depuis l’assurance-vie qui mobilise théoriquement une épargne plus longue . Il pourrait aussi provoquer des mouvements à partir des livrets bancaires fiscalisés et avoir un impact sur la liquidité bancaire alors que le système bancaire français se caractérise déjà par un déséquilibre entre l’encours des prêts et les dépôts collectés et doit faire face à de nouvelles exigences prudentielles. En outre, un tel relèvement se traduirait par une augmentation des ressources centralisées au Fonds d’épargne , qui impliquerait un renforcement de ses fonds propres dans un contexte où ceux-ci sont déjà insuffisants (cf. suprachapitre III). Il augmenterait le niveau de la garantie accordée par l’Etat au Fonds d’épargne  au titre des sommes déposées par les épargnants sur les livrets d’épargne réglementée . Enfin, seuls 9 % des livrets A atteignant le plafond , ce relèvement du plafond du livret A et de celui du livret de développement durable ne profiterait pas, aux catégories les moins aisées de la population, ou seulement indirectement dans la mesure où les sommes centralisées au Fonds d’épargne sont employées en priorité au financement du logement social. En tout état de cause, le doublement du plafond du livret A et du livret de développement durable devrait, dans le souci de préserver le financement de la protection sociale, conduire à soumettre aux prélèvements sociaux tous les revenus tirés des dépôts pour leur partie supérieure aux plafonds actuels des livrets. Pour limiter les contre-effets de ce doublement sur l’assurance-vie et sur l’équilibre du système bancaire, une solution serait, sans modifier le taux de centralisation des ressources supplémentaires collectées, de répartir par paliers, sur plusieurs années, ce relèvement, a fortiori dans un contexte où le Fonds d’épargne dispose, aujourd’hui du moins, d’une liquidité abondante.

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