Matériaux de type I et Matériaux de type II
Mughrabi [Mughrabi 02] propose de classer les matériaux en deux grands types selon leurs mécanismes d’amorçage de fissure en fatigue VHCF :
Matériaux de type I : Ce sont des métaux et alliages monophasés ductiles qui ne présentent ni précipité, ni inclusion. Leur microstructure est simple. C’est le cas, par exemple, des métaux purs de structure cubique faces centrées. Les observations montrent que les fissures s’amorcent sur la surface de l’éprouvette. Matériaux de type II : Ce sont des métaux et alliages à microstructure plus complexe, multiphasés ou avec des précipités. Les aciers à haute résistance sont typiques des matériaux de type II. Les observations montrent que les fissures s’amorcent sur des inclusions dans le volume de l’éprouvette et en général en sous-surface.
Le travail de thèse présenté dans ce manuscrit est la première étude de la microplasticité en VHCF menée au PIMM. Pour cette raison, nous avons choisi d’étudier les matériaux de type I à structure cubique à faces centrées et à forte énergie de faute d’empilement pour simplifier à la fois la microstructure et les mécanismes de déformation plastique. Les deux obstacles au mouvement des dislocations sont alors les joints de grain et les autres dislocations. Le cuivre pur fait partie de ces matériaux et a été sélectionné pour l’étude car il existe beaucoup de données dans la littérature concernant ce matériau qui serviront de référence et alimenteront nos discussions.
Courbe S-N – Caractérisation de la durée de vie en fatigue
Les trois régimes : La durée de vie en fatigue est souvent représentée par la courbe de Wöhler ou encore appelée courbe S-N. Elle définit une relation entre l’amplitude de contrainte appliquée (sigma parfois notée S) et le nombre de cycles à la rupture NR. une courbe S-N typique, qui représente la durée de vie en fatigue caractérisée par trois ou quatre régimes . On y distingue : Le régime de la fatigue oligo-cyclique ou à faible nombre de cycles (Low Cycle Fatigue – LCF) pour lequel la rupture de l’éprouvette a lieu à un nombre de cycles inférieur à 104-105 cycles. Les amplitudes de contrainte sont autour de la limite d’élasticité macroscopique du matériau. Le régime de la fatigue à grand nombre de cycles (High Cycle Fatigue – HCF) pour lequel la rupture de l’éprouvette a lieu à un nombre de cycles compris entre à 105 et 107. Les amplitudes de contrainte sont environ deux fois inférieures à la limite d’élasticité macroscopique du matériau. La courbe S-N tend vers une asymptote horizontale représentant la limite d’endurance du matériau. Cette asymptote est plus ou bien marquée selon les matériaux et on définit également une limite de fatigue conventionnelle qui correspond à la résistance à la fatigue du matériau à 107 cycles. En dessous de la limite d’endurance ou de la limite de fatigue conventionnelle, la durée de vie du matériau est supposée être infinie. Ces limites servent donc pour dimensionner en fatigue les pièces mécaniques. Le régime de la fatigue à très grand nombre de cycles (Very High Cycle Fatigue –VHCF ou Ultra High Cycle Fatigue), encore appelé fatigue gigacyclique. Les amplitudes de contrainte sont inférieures à la limite de fatigue conventionnelle. Néanmoins, le matériau se rompt après un nombre de cycles supérieur à 107 cycles. La question de l’existence d’une limite de fatigue reste aujourd’hui une question ouverte.
Description de la courbe de traction monotone d’un polycristal métallique ductile
Lorsque l’on exerce une contrainte monotone sur une éprouvette constituée d’un matériau de type I, cette dernière se déforme en fonction de la contrainte appliquée. Le comportement en traction d’un matériau ductile est représenté par la courbe contrainte en fonction de la déformation . Aux faibles contraintes, la déformation est recouvrable (la déformation revient à zéro quand la contrainte est relâchée) et linéaire avec la contrainte appliquée. Ce régime est appelé régime élastique et se termine par la limite d’élasticité. A partir d’une contrainte supérieure à la limite d’élasticité initiale, l’éprouvette commence à se déformer de façon permanente, c’est-à-dire qu’une déformation subsiste après le relâchement de la contrainte. Cette déformation permanente est appelée déformation plastique. L’augmentation de la déformation plastique nécessite une augmentation de la contrainte appliquée. C’est le phénomène d’écrouissage. Au-delà d’une certaine déformation plastique, l’éprouvette ne peut plus se déformer de façon uniforme. On assiste à une localisation de la déformation à l’échelle macroscopique appelée striction. Elle est suivie par la rupture de l’éprouvette.
Déformation recouvrable et déformation irréversible
Avant de poursuivre sur les mécanismes de plasticité, nous précisions le sens donné aux mots «réversible» et «irréversible» quand ils qualifient la déformation. L’opposition entre la déformation élastique et la déformation plastique concerne la nature permanente ou non (recouvrable) de la déformation après le relâchement de la contrainte appliquée. D’un point de vue thermodynamique, on peut associer ces deux déformations à deux transformations. Une déformation élastique est associée à une transformation réversible à la fois géométriquement et thermodynamiquement. Dit autrement, elle est recouvrable et ne donne pas lieu à de perte d’énergie. On parler de déformation réversible. La déformation plastique, au contraire, donne lieu à une transformation irréversible aux sens géométrique et thermodynamique. Elle est non recouvrable et se produit avec une perte d’énergie.
Structures de dislocations en fatigue
L’aspect des lignes de glissement et les structures de dislocations associées dépendent de nombreux facteurs comme le mode de chargement (monotone ou cyclique, uniaxial ou multiaxial…), la structure cristallographique, l’orientation cristallographique par rapport aux chargements mécaniques, la température, la vitesse et le taux de déformation, etc.
L’orientation du cristal est l’un des facteurs les plus importants sur les comportements de déformation cycliques des matériaux c.f.c. cristallins. Lorsque le cristal est orienté par rapport à la direction de traction-compression tel qu’un seul système de glissement s’active, le comportement cyclique est similaire pour toutes les orientations. En revanche, lorsqu’il est orienté tel que deux ou plusieurs systèmes de glissement s’activent, des structures de dislocations très différentes sont observées entrainant des comportements cycliques différents.
La dépendance de la structure de dislocation à l’orientation cristalline se divise en 3 régions sur le triangle standard : la région [0 1 1], la région [0 0 1] et la région [1 1 1] . La structure en murs et en échelle – structure classique des PSB – apparaît dans la région [0 1 1]. Dans la région [0 0 1], la structure en labyrinthe est formée facilement. Dans la région [1 1 1], la structure en veine pour une faible amplitude de déformation et la structure cellulaire ou structure en murs pour une forte amplitude de déformation sont souvent observées [Li 10].
Comme montré sur la figure I.3.10, la structure en échelle dans le cuivre monocristallin est observée dans le cas du glissement simple, de double systèmes-conjugués et de multi-système de [0 1 1]. Quand l’orientation de cuivre monocristal change de [0 1 1] à [0 0 1] dans le triangle standard, la structure de dislocations correspondantes varie de la structure en échelles à la structure en labyrinthe. Et lorsque l’orientation change de [0 1 1] à [1 1 1], la structure en échelle sera progressivement transformée en structure cellulaire.
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I Etude bibliographique et positionnement du travail de thèse
I.1 Matériaux de type I et Matériaux de type II
I.2 Courbe S-N – Caractérisation de la durée de vie en fatigue
I.2.1 Les trois régimes
I.2.2 Cas des matériaux de type I
I.2.2.1 Durée de vie en fatigue
I.2.2.2 Amorçage de fissure
I.3 Bandes persistantes de glissement (PSB) et « irréversibilité » du glissement
I.3.1 Mécanismes de plasticité monotone
I.3.1.1 Description de la courbe de traction monotone d’un polycristal métallique ductile
I.3.1.2 Les origines de la déformation plastique
I.3.1.3 Traces de glissement sur la surface des éprouvettes
I.3.2 Déformation recouvrable et déformation irréversible
I.3.3 Mécanismes de déformation en plasticité cyclique dans le régime HCF
I.3.3.1 Glissement « réversible » et glissement « irréversible » au cours d’un cycle
I.3.3.2 Structures de dislocations en fatigue
I.4 Fatigue à très grand nombre de cycles VHCF
I.4.1 Machines d’essais de fatigue
I.4.2 Microplasticité dans le régime VHCF en fatigue ultrasonique
I.5 Conclusions
Chapitre II Matériaux étudiés
II.1 Etude de la microstructure
II.1.1 Cuivre étiré (Goodfellow)
II.1.2 Cuivre pur commercial CuOF laminé à chaud (Griset)
II.2 Préparation des éprouvettes
II.2.1 Usinage
II.2.2 Traitement thermique
II.2.3 Polissage
II.3 Comportement en traction monotone uniaxiale à différentes vitesses de déformation
II.3.1 Technique expérimentale
II.3.2 Comportement en traction uniaxiale du cuivre étiré
II.3.3 Comportement en traction uniaxiale du cuivre laminé
II.3.4 Comparaison des comportements en traction des 2 cuivres étudiés
II.4 Bilan
Chapitre III Dispositifs Expérimentaux
III.1 Essai de fatigue ultrasonique
III.1.1 Présentation de la machine de fatigue ultrasonique
III.1.2 Principe de dimensionnement des éprouvettes
III.1.2.1 Introduction
III.1.2.2 Mise en équation du problème
III.1.2.3 Cas particulier d’une barre cylindrique de section constante
III.1.2.4 Dimensionnement des éprouvettes à section variable
III.1.3 Dimensionnement et calcul de distribution de contrainte
dans les éprouvettes de fatigue ultrasonique
III.1.3.1 Eprouvette cylindrique
III.1.3.2 Eprouvette plate
III.1.4 Etalonnage de la machine et mesure de la déformation dans l’éprouvette
III.2 Techniques d’observations et d’analyses
III.2.1. Microscope optique
III.2.2. Microscopie électronique à balayage
III.2.3. Technique EBSD
III.2.4. Microscopie à force atomique
III.2.5. La caméra infrarouge (IR)
Chapitre IV Caractérisation de la durée de vie du cuivre pur polycristallin dans le domaine VHCF
IV.1 Courbe S – N
IV.2 Distribution des bandes de glissement sur la surface de l’éprouvette
IV.3 Faciès de rupture et Amorçage de fissure – Observations et discussions
IV.4 Conclusions
Chapitre V Observation des traces de plasticité sur la surface d’éprouvettes sollicitées en fatigue
V.1. Description des bandes de glissement
V.1.1 Bandes de glissement de type I
V.1.2 Bandes de glissement de type II
V.1.3 Bandes de glissement de type III
V.2. Constatations générales pour tous les types de bandes
V.3 Effet de l’amplitude de contrainte ∆σ/2 et du nombre de cycles N sur l’évolution des bandes de glissement
V.3.1/ Evolution des bandes de glissement en fonction du nombre de cycles
V.3.1.1 Bandes de glissement de type I
V.3.1.2 Bandes de glissement de type II
V.3.1.3 Bandes de glissement de type III
V.3.2 Apparition des premières bandes et effet de l’amplitude de contrainte
V.4 Discussion
V.4.1 Les bandes de type I
V.4.2 Coexistence des bandes de types III, II et I
V.5 Conclusions
Chapitre VI Critères d’apparition des bandes de type II et de type III – Estimation des champs mécaniques locaux par simulations éléments finis
VI.1. Introduction
VI.2 Définition de critères fondés sur la cristallographie
VI.2.1 L’orientation du cristal
VI.2.2 Anisotropie élastique cristalline
VI.2.3 Anisotropie plastique cristalline
VI.2.3.1 Définition des systèmes de glissement
VI.2.3.2 Critère de Schmid
VI.2.3.2.1 Facteur de Schmid
VI.2.3.2.2 Tenseur de Schmid
VI.2.3.2.3 Critères d’activation des systèmes de glissement considérés dans l’étude
VI.2.4 Angle « π »
VI.2.5 Angle « β »
VI.3 Rôle du voisinage sur la distribution de contrainte dans les grains – Champ de contraintes à la surface d’un bicristal calculé par simulation éléments finis
VI.3.1. Géométrie du problème et conditions limites
VI.3.2 Influence de la désorientation entre deux grains sur l’hétérogénéité du champ de contrainte
VI.3.3. Influence de l’orientation du joint de grain sur l’hétérogénéité du champ de contrainte
VI.3.4. Conclusions
VI.4. Calculs du champ de contraintes à la surface d’un multi-cristal
VI.4.1. Introduction
VI.4.2 Méthode utilisée pour effectuer le calcul
VI.4.3 Analyse des bandes de type II
VI.4.3.1 Identification des systèmes de glissement actifs
VI.4.3.2 Localisation des bandes de glissement de type II au joint de grain
VI.4.4 Analyse des bandes de type III
VI.4.5 Discussion : Critères d’apparition et mécanismes de formation des bandes de types II et III
VI.4.5.1 Bandes de type II
VI.4.5.2 Bandes de type III
VI.4.5.3 Scénario proposé pour la formation des bandes de types III, II et I
VI.4.6 Conclusion
Chapitre VII Evolution de la microplasticité – Mesure de la dissipation intrinsèque et observation des bandes de glissement
VII.1. Procédure expérimentale et calcul de la dissipation intrinsèque
VII.1.1 Procédure expérimentale
VII.1.2 Modèle de diffusion de la chaleur
VII.1.3 Calcul de la distribution des sources de chaleur le long de l’axe de l’éprouvette (modèle 1D)
VII.1.4 Calcul de la dissipation intrinsèque moyenne
VII.2. Résultats
VII.2.1 Dissipation intrinsèque et traces de plasticité
VII.2.2 Evolution de la dissipation en fonction de l’amplitude de contrainte
VII.2.3 Effet d’une précharge sur la dissipation intrinsèque
VII.3. Conclusions
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXES
ANNEXE 1 Identification des systèmes de glissement activés dans les grains plastifiés par des bandes de type II
ANNEXE 2 Identification des systèmes de glissement activés dans les grains plastifiés par des bandes de type III
ANNEXE 3 Identification des macles
BIBLIOGRAPHIE