Faisceaux EPR de valeur moyenne nulle
Cette première expérience est la plus simple à effectuer avec notre système : la lame à l’intérieur de la cavité n’est pas tournée 1 ; l’OPO fonctionne juste au-dessous du seuil. La théorie prédit que dans ce cas, on doit observer des faisceaux EPR symétriques de valeur moyenne nulle. Les mesures ont été effectuées dans deux types de fréquences d’analyse de bruit : – à 3,5 MHz, fréquence suffisamment éloignée de l’oscillation de relaxation du laser (1 MHz ), et qui reste faible devant la bande passante de la cavité de l’OPO (environ 35 MHz ). – sur une large bande s’étendant de 40 kHz à 10 MHz, afin de tester les limites de notre système du cˆoté des basses fréquences.
Mesures à 3,5MHz
Les résultats présentés dans cette partie sont repris dans [Laurat et al., 2005a]. La figure 5.1 présente les résultats obtenus en balayant la phase de l’oscillateur local, pour la compression de bruit sur A+ et A−. On retrouve une compression de bruit suivant des quadratures orthogonales. La configuration en quadrature des deux détections homodynes (c’est-à-dire en utilisant la lame λ/4 n◦2 sur le trajet des faisceaux issus de l’OPO) permet de vérifier cela précisément.Le balayage de la phase de l’oscillateur local rend difficile l’estimation de la compression de bruit maximale ; en fixant la phase de l’oscillateur local 2 , il est possible de réaliser une mesure beaucoup plus précise (cf. Fig. 5.2). Les détections homodynes sont en quadrature, on a donc accès à une mesure simultanée des compressions de bruit sur les deux champs, et à une mesure directe de la séparabilité. Les compressions de bruit mesurées sont de −4,3 ± 0.3 dB (63%) et −4,5 ± 0.3 dB (64,5%). Après correction du bruit électronique, ces valeurs deviennent −4,7 ± 0.3 dB (66%) et −4,9 ± 0.3 dB (67, 5%). En tenant compte des paramètres expérimentaux :– distance au seuil σ = 0,9 – fréquence d’analyse normalisée à la bande passante de la cavité Ω = 0,1 – transmittivité du miroir de sortie γ = 0,025 – transmittivité généralisée du miroir de sortie γ 0 = 0,03 – efficacité quantique des détecteurs : 0,95 – visibilité de la détection homodyne : 0,97 – efficacité lors de la propagation : 0,96 on peut calculer la compression de bruit attendue : −5,3 dB (72%). Le faible écart des valeurs expérimentales à cette valeur peut s’expliquer partiellement par le walk-off, qui limite légèrement le recouvrement des modes, et partiellement par les quelques pertes optiques avant la détection. Ces mesures permettent également de vérifier que les faisceaux A+ et A− sont bien symétriques ; et donc les faisceaux A1 et A2 également. On peut directement extraire de cette mesure la valeur de la séparabilité : Σ = 0,33 ± 0,02 < 1. Les faisceaux sont bien inséparables ; à notre connaissance, cette valeur de la séparabilité est la plus faible obtenue à ce jour. Le critère de Mancini peut également ˆetre testé directement à partir de cette mesure : le produit des gémellités vaut 0,11 ± 0,02 < 1. Il n’est pas surprenant que le critère de Mancini donne également comme résultat que les états sont inséparables, puisqu’on a vu au §1.E.2c) que tous les états détectés par le critère de Duan le sont aussi par le critère de Mancini (dans le cas symétrique). Pour exprimer le critère EPR, il est nécessaire de connaˆıtre le bruit individuel des faisceaux A1 et A2 (cf. équation (1.26)). Ce bruit a également été mesuré (cf. Fig. 5.7(a)) : on obtient (∆Pˆ) 2 = (∆Qˆ) 2 = 8, 2 ± 0,5 dB. Le produit des variances conditionnelles est donc de 0,42 ± 0,05 < 1 : les faisceaux produits sont bien des faisceaux EPR. Le formalisme symplectique est parfaitement adapté à cette situation expérimentale. Nous l’aborderons dans le §C.2, afin d’étudier l’influence du couplage sur la quantité d’intrication.
Mesures à basse fréquence
Motivation
En optique quantique, les mesures sont généralement effectuées pour une fréquence de bruit supérieure au MHz. En effet, à plus basse fréquence, le bruit technique devient très rapidement gˆenant. Pour cette raison, on module souvent les signaux étudiés afin de les extraire du bruit. Cependant, certains systèmes de grande précision ne permettent pas cette modulation haute fréquence ; et pour ces systèmes une source comprimée à basse fréquence apporterait une réelle amélioration (interférométrie gravitationnelle, mesure des déplacements d’un bras de microscope à force atomique [Treps et al., 2003]). De fa¸con plus générale, toutes les mesures sont réalisées dans des fenˆetres temporelles. Plus cette fenˆetre temporelle est étendue, plus les basses fréquences vont contribuer au résultat de la mesure. Une compression sur une large bande de fréquence permettra alors d’améliorer la qualité de la mesure, en autorisant des détections sur des durées plus longues. [Laurat et al., 2004a] Notre système étant très stable, nous nous sommes intéressés à l’étendue de la gamme de fréquence sur laquelle on pouvait observer de l’intrication. b) Intrication sur une large bande de fréquences Nous avons tout d’abord contrˆolé que les faisceaux étaient inséparables entre 300 kHz et 10 MHz. Le résultat de cette mesure est présenté sur la figure 5.3. On constate que à l’exception du pic de bruit correspondant à l’oscillation de relaxation du laser, autour de 1 MHz, la séparabilité est partout largement inférieure à 1 : les faisceaux sont intriqués. L’oscillation de relaxation du laser conduit à un fort excès de bruit d’intensité ; cet excès de bruit est moins sensible sur A− car il s’annule lors de la différence. Un dispositif “mangeur de bruit” permettrait de réduire ce bruit quasiment au bruit quantique standard ; cependant un mangeur de bruit tend à élargir le pic de bruit, donc on perdrait sans doute en compression aux fréquences voisines.