En l’absence de toute perturbation, les températures de subsurface sont principalement gouvernées par le gradient géothermique et par l’historique des échanges à la surface du sol (Taniguchi et al., 2008).
La principale source de chaleur de la couche superficielle du sous-sol a pour origine les radiations solaires (Lee, 2006) et les transferts thermiques s’opèrent principalement par conduction. La pénétration des ondes thermiques depuis la surface du sol jusqu’à la nappe s’atténue considérablement (i.e de manière exponentielle) avec la profondeur et dépend principalement des propriétés des terrains de recouvrement (épaisseur, porosité, diffusivité thermique, …) et, dans une certaine mesure, de la nature du couvert végétal, ou encore de l’exposition des terrains.
On considère habituellement que le milieu souterrain peu profond enregistre, jusqu’à une vingtaine de mètre, les variations annuelles de température avec cependant un déphasage important, lié à l’inertie thermique des terrains traversés (de relativement faibles conductivités thermiques).
Il en résulte ainsi des variations saisonnières de la température des nappes dont l’amplitude est fonction de la profondeur à laquelle elles sont positionnées . Ainsi en hiver, la température de la nappe est supérieure à celle de l’air et de la couche superficielle du sol et le phénomène inverse se produit en période estivale. La température des nappes oscillent ainsi autour d’une valeur centrale de température qui correspond en général à la moyenne des températures annuelles de surface.
Au-delà d’une certaine profondeur (15-20m), l’impact des variations climatiques au travers des saisons est significativement réduit et ce sont les grands équilibres géologiques et hydrogéologiques qui pilotent les niveaux de température. Le gradient géothermique moyen augmente de 3°C, par tranche de 100 m de terrain.
Les autres facteurs qui sont susceptibles d’affecter sensiblement la relative sténothermie des nappes d’eaux superficielles sont notamment :
➤ les interactions avec un cours d’eau (nappe alluviale par exemple) : les échanges thermiques entre ces deux entités ont lieu à travers le fond du lit (zone hyporhéique) et les rives. Le sens des échanges est déterminé par la position relative des niveaux d’eaux entre le cours d’eau et la nappe (Poulin, 1988). Dans ce cas, l’essentiel de la chaleur transférée est véhiculée par advection et l’influence thermique est très variable selon le contexte.
➤ la présence d’un plan d’eau (ex : lac), qui présente habituellement des variations de température d’autant plus importantes au cours de l’année que la profondeur d’eau est faible. Ainsi, en hiver, le plan d’eau va concourir au refroidissement de la nappe et inversement, en été, il aura tendance à réchauffer l’eau souterraine. Cet impact thermique ne concerne, en général, que la partie de la nappe en aval hydraulique du plan d’eau.
➤ la proximité d’une zone d’infiltration de masses d’eau pluviale (apport advectif de calories ou de frigories selon l’époque de l’année et le régime des précipitations) ou de masses d’eau issue de la fonte des neiges.
➤ la présence d’un écoulement souterrain susceptible d’affecter sensiblement la distribution des températures à une profondeur donnée (Kayane et al., 1985 ; Taniguchi et al., 2008).
Les activités humaines sont susceptibles d’induire des perturbations thermiques dans le proche sous-sol qui se manifestent, soit par des effets directs (pompage et réinjection d’eau de température différente, bassin d’infiltration d’eaux pluviales), soit par des effets indirects, principalement concentrés en zones urbanisées.
On constate, depuis un certain nombre d’années, un réchauffement avéré des nappes phréatiques sous de nombreuses grandes agglomérations à travers le monde, soulevant ainsi des questionnements sur le devenir qualitatif de la ressource dans un contexte de réchauffement climatique global. D’un point de vue phénoménologique, ce réchauffement fait intervenir de multiples processus dont il apparait difficile, à ce jour, de quantifier la part relative à chacun d’entre eux.
L’apport thermique le plus remarquable en zone urbanisée est représenté par le phénomène d’îlot de chaleur urbain (ICU) (Howard, 1833), qui désigne des élévations localisées des températures, enregistrées dans les zones urbaines/périurbaines en comparaison avec les zones rurales environnantes ou par rapport aux températures moyennes régionales.
Sans entrer dans des considérations détaillées, ce microclimat artificiel résulte principalement des actions synergiques de deux facteurs :
➤ une activité humaine intense dans un espace restreint (moteur à combustion, usines, chaudières, réseaux d’assainissement ou de chaleur enterrés,…). Ces activités constituent des sources importantes et plus ou moins chroniques de chaleur et vont concourir à l’augmentation des températures maximales diurnes et nocturnes.
➤ modification des caractéristiques de la surface : remplacement des surfaces végétalisées par surfaces artificielles imperméables de faible pouvoir réfléchissant (albédo). Cette artificialisation du territoire induit une baisse significative de l’évapotranspiration (rôle de régulateur thermique du fait de la nature endothermique des réactions) associée à une forte hausse de la capacité à capter et emmagasiner d’énergie.
Les études sur les ICU ont surtout porté sur l’évaluation et la compréhension des effets de l’urbanisation sur les variations de température atmosphériques. En comparaison, très peu de travaux ont été engagés sur l’étude des répercussions au niveau de l’environnement souterrain, et de surcroît sur les nappes phréatiques. D’après Huang et al .(2008), les effets liés à l’urbanisation pourraient être beaucoup plus persistants sur le sous-sol que les impacts sur l’atmosphère. Dans de nombreuses agglomérations, on observe ainsi un réchauffement significatif du sous-sol et des eaux souterraines, jusqu’à 5°C (Ferguson et Woodbury 2004), y compris dans des secteurs dépourvus d’installations géothermiques (Allen et al., 2003 ; Taniguchi et al., 2008 ; Huang et al., 2008).
De plus, il semblerait que les perturbations thermiques puissent se propager à des profondeurs importantes, supérieures à 30 mètres, modifiant ainsi le gradient géothermique (Fergusson et al., 2004).
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