FACTEURS DE RISQUE DE MALADIE RENALE
CHRONIQUE ET ATTEINTES CARDIOVASCULAIRES
Diagnostic étiologique
La MRC a plusieurs causes potentielles (tableau III), qui varient selon les populations considérées. Dans les pays développés, l’HTA, le diabète, l’obésité et le tabagisme sont associés à la MRC. Dans les pays en développement, à ces causes s’ajoutent les maladies infectieuses (VIH, hépatites virales B, C, streptococcies, tuberculose, paludisme, bilharziose urinaire…) et les expositions environnementales et professionnelles aux substances toxiques comme le plomb, le mercure et le cadmium . Tableau III : Mécanismes de l’atteinte et étiologies de la MRC (adapté de (11)). Mécanisme de l’atteinte dans la MRC Etiologies Glomérulaire Primitive Néphrose lipoïdique, hyalinose segmentaire et focale (HSF), glomérulonéphrite extramembraneuse Secondaire Néphropathie diabétique, maladies autoimmunes (lupus, amylose, vascularites), infections (paludisme, VIH, VHB, VHC), substances toxiques et médicamenteuses (D penicillinamine, sels d’or…)… Tubulo-interstitielle Primitive Maladie de Fanconi, maladie d’AndersonFabry, polykystose rénale… Secondaire Maladies générales (néphrocalcinose, myélome), infections (tuberculose rénale, bilharziose urogénitale, pyélonéphrite chronique…), causes toxiques et médicamenteuses (analgésiques, amphotéricine B, intoxication au plomb…), néphropathie de reflux, obstacle prostatique, tumeur pelvienne, fibrose rétropéritonéale … Vasculaire Sténose de l’artère rénale, microangiopathies thrombotiques…
Atteintes cardiovasculaires dans la MRC
Il existe un échange de mauvais procédés entre la MRC et la MCV au cours duquel chacune contribue à la pathogénèse et à la progression de l’autre et vice-versa, constituant un véritable cercle vicieux
Facteurs de risque cardiovasculaire
Les patients porteurs de MRC présentent un haut risque cardiovasculaire car la MRC est associée à une forte prévalence de FRCV classiques et « non traditionnels » et constitue un facteur indépendant de risque cardiovasculaire (6). La compréhension des déterminants de la MCV permet la prévention ou au moins le ralentissement de la survenue d’anomalies cardiovasculaires chez les sujets porteurs de MRC
HTA
La prévalence de l’HTA est élevée dans la MRC dont elle est à la fois une cause, une conséquence et un facteur de progression. L’HTA est la 2ème cause de MRC dans le monde (35) et les néphropathies sont responsables de la moitié des HTA secondaires (35). Au cours de la MRC, l’HTA est multifactorielle, causée entre autres par la rétention hydrosodée, l’hyperactivité du système rénine-angiotensine-aldostérone et du système nerveux sympathique, la dysfonction endothéliale et la rigidification des artères de moyens et gros calibres (36,37). La prévalence de l’HTA est proportionnelle au déclin du DFG (38). L’HTA concerne 70 à 80% des individus ayant une MRC aux stades 1 à 4 (39,40). L’HTA est un facteur indépendant de survenue d’HVG et d’évènements cardiovasculaires (40).
Diabète sucré
La présence du diabète est associée à la MCV au cours de la MRC (40). Le diabète sucré est un facteur de risque de survenue de MRC, et chez certains individus, la MRC au stade sévère entraine une insulinorésistance. Le diabète et la MRC sont l’un et l’autre des facteurs indépendants de morbimortalité cardiovasculaire et ce risque est plus élevé quand ces deux pathologies coexistent (41). Environ 20 à 30% des diabétiques de type 1 ou 2 développent une atteinte rénale
Dyslipidémie
Les dyslipidémies sont plus fréquentes chez les sujets porteurs de MRC que dans la population générale. Leur prévalence varie énormément selon l’étiologie et le stade de la MRC (34). Au fur et à mesure que le DFG décline, le taux de triglycérides augmente et les taux de HDLcholestérol diminuent. Au cours de la progression de la protéinurie, les taux de cholestérol total, de LDL-cholestérol et de triglycérides augmentent alors que les taux de HDL-cholestérol diminuent (38,40). Les anomalies lipidiques liées à la MRC sont principalement l’hypertriglycéridémie, l’hypoHDL-cholestérolémie et des taux plasmatiques élevés de lipoprotéine (a) et des altérations qualitatives de l’apoprotéine (b). Les changements complexes du profil lipidique chez les sujets porteurs de MRC jouent un rôle important dans la morbimortalité cardiovasculaire observée dans cette population par le biais de l’athérosclérose
Tabagisme
Le tabagisme joue un rôle dans la survenue de la MCV et dans la progression de la MRC chez les sujets qui ont une MRC (40). Tout comme dans la population générale, chez les sujets porteurs de MRC, le tabagisme contribue au risque élevé de survenue de complications athéroscléreuses
Age
Au-delà de 30 ans, le DFG diminue progressivement de 8ml/mn/1,73m² par décennie (44). Le débat concernant le caractère physiologique ou pathologique du déclin du DFG avec l’âge reste toujours d’actualité car ce dernier reste constant chez 1/3 des individus. Certaines études ont démontré que la baisse du DFG liée au vieillissement était en rapport avec des comorbidités comme l’HTA, l’insuffisance cardiaque congestive et une MCV coexistante
Obésité
La prévalence de l’obésité a quasiment doublé dans les pays occidentaux et est en pleine ascension dans les pays en développement. L’obésité étant associée au diabète de type 2 et à l’hypertension, il en résulte une augmentation de la prévalence de la MRC (47). De plus, l’obésité sévère voire morbide est parfois associée à une protéinurie massive en rapport avec une HSF (48). L’obésité pourrait être le facteur de risque de survenue de MRC le plus facile à prévenir du fait de son association forte avec l’HTA et le diabète (49). L’obésité abdominale 18 est associée à un nombre significatif d’anomalies métaboliques comme l’HTA, la dyslipidémie, l’intolérance au glucose et l’insulinorésistance. Le tissu adipeux abdominal sécrète plusieurs cytokines et hormones qui sont directement ou indirectement impliquées dans le processus d’athérosclérose
Consommation d’alcool
La consommation chronique d’alcool est associée à l’HTA et de ce fait, indirectement à la MRC (51,52). Toutefois, les données épidémiologiques concernant le lien entre la consommation d’alcool et la survenue de MRC sont contradictoires. Certaines études ont démontré qu’une consommation d’alcool modérée à importante était un facteur indépendant de survenue de MRC (53–55). Pour quelques études, il n’y avait aucune association entre consommation d’alcool et MRC (56,57). D’autres études en revanche suggéraient un effet protecteur de la consommation d’alcool vis-à-vis du risque de survenue de MRC (58,59). III.1.8. Autres facteurs de risque cardiovasculaire Alors que les FRCV classiques sont responsables de l’initiation de la MRC et de la survenue de la MCV dans la population générale, le rôle des FRCV « non traditionnels » devient de plus en plus prépondérant avec le déclin de la fonction rénale (60). Ainsi, l’anémie, les troubles du métabolisme minéralo-osseux, l’inflammation, l’hyperhomocystéïnémie, le stress oxydant et la dysfonction endothéliale entre autres jouent un rôle dans la progression de la MRC et la survenue de complications cardiovasculaires
Atteinte cardiaque
HVG
L’HVG est fréquente au cours de la MRC, avec une prévalence qui augmente avec le déclin de la fonction rénale (2). L’HVG au cours de la MRC est d’origine multifactorielle. L’HTA, l’anémie et la rétention hydrosodée ont été identifiées comme étant les déterminants majeurs de l’HVG (2). La présence d’HVG chez le sujet porteur de MRC est un facteur de mauvais pronostic cardiovasculaire (2,37). L’identification des sujets porteurs d’une HVG est une étape importante dans la stratification du risque cardiovasculaire dans cette population (61). L’association entre HVG et insuffisance rénale légère à modérée reste peu étudiée
Dysfonction ventriculaire gauche
L’altération de la fonction diastolique du ventricule gauche est fréquente chez les sujets en IRC porteurs d’une HVG, surtout les hémodialysés. De ce fait, l’augmentation du volume extracellulaire prédispose à des épisodes d’œdème aigu du poumon. A l’inverse, la déplétion hydrosodée entraine des épisodes d’hypotension artérielle et expose à une instabilité hémodynamique. La dysfonction systolique du ventricule gauche peut traduire une cardiopathie évoluée ou être la conséquence d’une cardiomyopathie de surcharge. Elle est de mauvais pronostic comparée à l’HVG concentrique ou excentrique à fonction systolique conservée.
Les calcifications valvulaires
La plupart des valvulopathies observées au cours de la MRC sont acquises. Ce sont le plus souvent des calcifications valvulaires aortiques et mitrales. En l’espace de 6 mois, les scléroses valvulaires aortiques peuvent devenir des sténoses hémodynamiquement significatives aggravant l’HVG. Elles sont souvent associées à des troubles du rythme ou de la conduction. III.3. Atteintes vasculaires Les sujets porteurs de MRC présentent deux pathologies artérielles distinctes qui se chevauchent, l’athérosclérose et l’artériosclérose. III.3.1. Athérosclérose Chez le sujet porteur de MRC, la plaque d’athérome a la particularité d’être le plus souvent calcifiée. La prévalence de la maladie athéromateuse est élevée au cours de la MRC même si l’on ne sait toujours pas s’il s’agit d’une conséquence directe de l’insuffisance rénale ou des effets cumulatifs des FRCV qui sont fréquents sur ce terrain
Artériosclérose
Elle est caractérisée par l’épaississement et la calcification de la tunique média de la paroi artérielle qui ne s’étend pas à la lumière artérielle à l’exception d’une athérosclérose coexistante (63). L’épaisseur intima-média carotidienne (EIMc), la présence de plaques carotidiennes et la mesure de l’IPS peuvent être utilisées pour le diagnostic de l’athérosclérose tandis que la vélocité de l’onde de pression met en évidence l’artériosclérose (64). La mesure de l’EIMc en échographie de mode B est une méthode non invasive, sensible et reproductible qui permet 20 d’identifier et quantifier les maladies vasculaires à un stade préclinique et d’évaluer le risque cardiovasculaire. Elle permet également la surveillance de l’efficacité du traitement (65). Les techniques échographiques actuelles ne permettent pas de différencier l’épaississement de l’intima seul (66). Entre 5 et 20 ans, l’EIMc peut légèrement augmenter, mais sans changement des propriétés endothéliales du vaisseau, contrairement aux âges plus avancés où l’augmentation de l’EIMc est associée à une modification des propriétés de la paroi vasculaire, exposant les sujets à un risque cardiovasculaire accru (65). L’indice de pression systolique (IPS) est un test qui permet le diagnostic et la surveillance de la maladie artérielle périphérique (MAP). L’IPS est un moyen diagnostic de l’athérosclérose systémique et est utilisé dans la stratification du risque cardiovasculaire. Il est un facteur prédictif de survenue d’évènements cardiovasculaires. En l’absence d’artériopathie, la pression artérielle systolique (PAS) au niveau de la cheville est supérieure ou égale à la PAS brachiale due à l’amplification de l’onde de pouls lors de sa propagation vers les membres inférieurs. L’IPS anormal est associé à plusieurs FRCV comme l’HTA, le tabagisme, le diabète et la dyslipidémie (67).
INTRODUCTION |