FACTEURS CLINIQUES PREDICTIFS DE LESION SPLENIQUE ET DE SPLENECTOMIE
INTRODUCTION
La lésion splénique iatrogène est une complication rare mais bien connue de la chirurgie abdominale. Elle représente dans les pays occidentaux 40% des indications de splénectomies (1). Le taux le plus élevé de lésions spléniques iatrogènes est corrélé à la chirurgie colorectale (1,2). Cette constatation est liée aux rapports intimes de la rate avec le côlon ; particulièrement avec le côlon gauche, l’angle colique gauche et le côlon transverse (3,4), ainsi qu’à l’existence du ligament splénocolique. La majorité de ces lésions spléniques sont traitées de façon conservatrice mais un saignement non maîtrisé peut conduire à la réalisation d’une splénectomie. Ces lésions spléniques et particulièrement la splénectomie sont responsables d’une augmentation des pertes sanguines per-opératoires, de la durée opératoire, de la morbimortalité post-opératoire (5-8), et de la durée d’hospitalisation (4,9). La connaissance pré-opératoire des facteurs de risque de lésion splénique iatrogène et de splénectomie pourrait améliorer la prévention de ces événements indésirables. Ainsi, nous avons mené une étude rétrospective afin de déterminer d’une part la prévalence des lésions spléniques iatrogènes et de splénectomie au cours de la chirurgie colorectale et d’analyser d’autre part les facteurs cliniques prédictifs de lésions spléniques et de splénectomie lors de ces interventions. Nous ferons en premier lieu un rappel anatomique sur les attaches ligamentaires de la rate et ses rapports viscéraux et passerons en revue les facteurs de risque connus anatomiques puis techniques de lésions spléniques per-opératoires. Nous détaillerons en second lieu les méthodes que nous avons utilisées dans notre étude ainsi que nos résultats pour pouvoir finalement en discuter et les comparer aux données de la littérature.
Anatomie de la rate : ses rapports et ses attaches viscérales
La rate est un organe situé dans l’hypochondre gauche entre le diaphragme et la grande courbure gastrique dans la loge sous phrénique gauche. Son grand axe est parallèle à la dixième côte. Elle a la forme d’une pyramide à base triangulaire inférieure recouverte par le péritoine viscéral. Elle présente trois faces : – une face latérale sur la coupole diaphragmatique entre la 9ème et la 11ème côtes gauches en rapport avec le récessus pleural costodiaphragmatique et le poumon gauche. – une face médiale comportant le hile splénique (4 branches artérielles et 2 à 4 branches veineuses). En arrière du hile, elle est en rapport avec la queue du pancréas et en avant avec la grande courbure gastrique. – une face postérieure séparée du rein gauche par l’accolement du mésogastre postérieur. Sa base inférieure est en rapport avec l’angle colique gauche (figure 1). En dehors du hile, la rate est recouverte d’une double couche péritonéale. Plusieurs ligaments sont rattachés à la rate : – le ligament splénocolique ou sustentaculum lieni (ligament suspenseur de la rate), – le ligament gastrosplénique qui contient les vaisseaux courts de l’estomac et les vaisseaux gastroépiploiques gauches, – le ligament splénorénal qui contient les artère et veine spléniques principales, – le ligament splénophrénique, – le ligament spléno-pancréatique (figure 2A,B). Les ligaments phrénico-colique, pancréatico-colique et le repli péritonéal présplénique complètent les attaches viscérales de la région splénique (10). 3 Figure 1. Les rapports de la rate avec l’angle colique gauche (Gallot) (11). Figure 2. Les attaches ligamentaires de la rate (Merchea) (12). Base inférieure de la rate Ligament suspenseur de la rate Angle colique gauche
Les facteurs anatomiques de lésion splénique
Le ligament splénocolique est le plus souvent à proximité d’une artère splénique polaire inférieure qui peut saigner au cours de l’abaissement de l’angle colique gauche. Des variations anatomiques peuvent être à l’origine de lésion per-opératoire de la rate telles que : – le ligament phrénicocolique court (12) où l’angle colique gauche se retrouve plaqué contre le hile et sa mobilisation devient difficile, – et les variations de la vascularisation pré-hilaire et de l’artère splénique ou de ses branches segmentaires décrites par Redmond et al. en 1989 (13) et Pandey et al. en 2004 (14). 3. Les facteurs techniques de lésion splénique Les principaux mécanismes de lésion per-opératoire de la rate pendant la colectomie restent la traction (1,15-18) et la mise en tension de la rate au cours de la mobilisation colique, plus précisément lors de l’abaissement de l’angle colique gauche et du décollement colo-épiploïque (12). La mobilisation de l’angle colique gauche doit normalement se faire – soit du plan postérolatéral vers le plan médial tout en restant antérieur au fascia de Gerota et en longeant le bord inférieur du pancréas pour éviter une traction excessive (figure 3), – soit du plan médial vers le plan latéral en sectionnant transversalement le ligament gastro-colique puis en soulevant et réclinant le grand omentum pour entrer dans l’arrière-cavité des épiploons (figure 4A,B). La dissection est poursuivie latéralement par libération des ligaments rénocolique et splénocolique. Au cours de toutes ces procédures, la rate est à l’abri de toute atteinte. 5 Figure 3. Technique d’abaissement de l’angle colique gauche du plan postérolatéral vers le plan médial (Merchea) (12). Le schéma du coin montre le mécanisme de lésion splénique par une traction antéropostérieure et vers le bas du ligament splénocolique.
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