Les protéines constituent la partie la plus importante de la masse sèche d’une cellule. Elles ne sont pas seulement “l’échafaudage“ de la cellule mais sont à l’origine de toutes les réactions intra et extra-cellulaires. La nature, la diversité des protéines cellulaires (environ 100000 protéines pour un être humain) sont en rapport direct avec le nombre de signaux et d’activités cellulaires. La fonction d’une protéine dans la cellule et son activité seront dépendantes du repliement adopté par celle-ci. Seules les protéines correctement repliées auront une activité. Le mécanisme par lequel les protéines acquièrent leurs structures ou conformations natives n’est pas encore à l’heure actuelle entièrement résolu. Depuis qu’Anfinsen a décrit il y a 30 ans qu’une protéine pouvait acquérir sa conformation native spontanément in vitro, il est admis que le repliement d’une protéine se fait en fonction de sa composition en acides aminés, et en fonction des interactions non covalentes entre les résidus portés sur les chaînes latérales (Anfinsen, 1973). La séquence en acides aminés contenant en effet toute l’information nécessaire à l’acquisition de la structure tridimensionnelle. Dans les années 60, Levinthal a calculé que le nombre de conformations possibles à adopter pour un polypeptide serait de l’ordre du nombre d’atomes dans l’univers. Le repliement d’une protéine n’est donc pas unique. Une protéine en cours de repliement n’adoptera pas toutes les conformations possibles mais seulement la structure de plus faible entropie. In vivo, la concentration en protéines et macromolécules est de l’ordre de 300-400mg/ml. C’est dans cet environnement très encombré que les protéines doivent se replier. La découverte de protéines spécialisées, essentielles au repliement des protéines appelées les protéines chaperons, a modifié le concept du repliement spontané des protéines. En effet, les protéines chaperons sont exprimées de façon ubiquitaire et interviennent dans le mécanisme de repliement des protéines chez les eubactéries, les archéebactéries et cellules eucaryotes (Hendrick, 1993). Il existe dans la cellule, des processus cellulaires qui contrôlent le repliement des protéines encore appelés, mécanismes de contrôle qualité du repliement des protéines.
Au niveau cellulaire, des voies de contrôle qualité interviennent dans les compartiments cellulaires où sont fabriqués des protéines.
Le contrôle qualité du repliement des protéines dans le cytosol est étroitement lié aux protéines chaperons. Les protéines chaperons vont prendre en charge les protéines en cours de traduction dès la sortie du ribosome. Elles reconnaissent des régions hydrophobes ou exposées au solvant sur les protéines en cours de synthèse et préviennent ainsi des interactions aspécifiques avec d’autres protéines et la formation d’agrégats irréversibles que les protéines néo-synthétisées pourraient réaliser (Hartl, 1996).
Différentes familles de protéines chaperons se trouvent dans le cytosol : les familles de protéines de choc thermique (Hsp : Heat shock protein) Hsp100, Hsp90, Hsp70, Hsp60, Hsp40 et les petites Hsps. Les protéines chaperons ont été identifiées au départ en condition de stress thermique. Dans ces conditions elles sont produites en plus grande quantité afin de réparer les protéines dénaturées par la chaleur (Pelham, 1986). Les chaperons interagissent avec les protéines mal repliées et tentent de les replier correctement. Si les protéines ne peuvent pas être repliées correctement, elles sont adressées aux voies de dégradation protéolytiques et dégradées.
Les plus connues des protéines chaperons cytosoliques sont les familles Hsp70 et Hsp60. Ces protéines présentent des différences au niveau structural. Hsp70 est active sous une forme monomérique et assiste le repliement des protéines en interagissant avec les séquences hydrophobes des protéines dépliées. Hsp60 (famille des chaperonines) est active sous une forme oligomérique en doubles anneaux avec une cavité interne où se logent les protéines en cours de repliement. Les protéines chaperons du cytosol sont présentes en conditions basales. Certaines de ces protéines sont inductibles en condition de stress et ainsi augmente la capacité des cellules à réparer les protéines endommagées.
Le réticulum endoplasmique est le compartiment cellulaire où les protéines adressées aux voies sécrétoires acquièrent leurs conformations et subissent des modifications posttraductionnelles, telles que des N-glycosilations et formations de ponts disulfures essentielles à l’acquisition d’une structure native correcte. La concentration en protéines au niveau du réticulum endoplasmique (RE) est d’environ 100mg/ml et le nombre de protéines synthétisées dans des cellules sécrétrices hépatocytaires a été évalué à 13 millions de protéines par minute. Pour réaliser dans un environnement aussi encombré un événement thermodynamiquement défavorable tel que le repliement des protéines, la cellule utilise une grande partie de son énergie. Il existe, comme au niveau du cytosol, une série de contrôles permettant aux protéines de se replier correctement. Ces mécanismes de contrôle qualité impliquent les protéines chaperons du réticulum endoplasmique (RE).
En condition normale
Une protéine en cours de repliement qui arrive dans la lumière du RE est prise en charge par la protéine BIP (Grp78) qui la maintient soluble et empêche qu’elle ressorte du RE. BIP est une des protéines chaperons les plus abondantes dans la lumière du Réticulum. Cette protéine fait partie de la famille des protéines de choc thermique Hsp70 (Munro and Pelham, 1986). Elle contient en N-terminal un peptide d’adressage (SP), qui est clivé une fois que BIP en cours de synthèse est entrée dans le RE et en C-terminal, une séquence de rétention KDEL qui lui confère sa localisation dans le RE (Munro and Pelham, 1987).
En condition non optimale
En cas de carence nutritive, stress chimique ou d’élévation de la température, les protéines ont tendance à se replier de manière incorrecte dans le RE. Cet événement déclenche dans ce compartiment un mécanisme de réponse aux protéines mal repliées ou UPR (Unfolded Protein Response). La réponse aux protéines mal repliées se traduit par une diminution de la synthèse des protéines dans le RE et une dissociation de BIP qui était associée aux protéines IRE-1, PERK et ATF6 en condition basale (Bertolotti et al., 2000). ATF6 transite alors par la voie sécrétoire et est clivée dans le cis-Golgi. Le fragment N-terminal ATF6 résultant est un facteur de transcription au niveau du noyau qui s’associe avec ATF4 et XBP1. Il y a alors induction de la transcription des gènes codant pour les chaperons du RE telles que BIP/Grp78, GRP94, calréticuline, calnexine et les gènes codant pour des protéines catalysant le repliement comme les protéines disulfides isomérases PDI, ERP57 et ERP72 et activation du mécanisme de dégradation associé au réticulum endoplasmique ou ERAD (Tsai et al., 2002) et .
Les protéines chaperons interviennent au niveau de ce compartiment en interagissant avec les protéines mal repliées et continuent d’interagir avec ces protéines tant qu’une conformation native correcte n’est pas adoptée. Un mécanisme permet l’élimination des protéines mal repliées en condition basale ou en condition de stress où il est suractivé. Ce mécanisme est la dégradation associée au réticulum endoplasmique encore appelé ERAD.
Le mécanisme de dégradation associé au réticulum endoplasmique (ERAD)
L’ERAD permet l’élimination des protéines mal repliées ou non assemblées du réticulum endoplasmique. Les premières études sur des protéines du réticulum endoplasmique pouvant être dégradées proviennent d’expériences réalisées en cellules de mammifères. Ces expériences ont démontré que des récepteurs aux cellules T étaient retenus dans le réticulum puis et pour la première fois que des protéines du RE pouvaient être dégradées (Bonifacino et al., 1989).
Les protéines substrats de l’ERAD sont sélectionnées par un mécanisme de contrôle qualité dans la lumière du réticulum et sont ensuite dégradées par la voie ubiquitine-protéasome cytoplasmique. La plupart des protéines dégradées par le mécanisme de l’ERAD sont des protéines de la membrane du RE. L’ERAD nécessite un transport rétrograde ou translocation des protéines à dégrader du RE vers le cytosol. Ce transport rétrograde peut se faire par un pore protéique « translocon » et les protéines se retrouveront ainsi dans le cytoplasme où elles pourront être dégradées . D’autres études suggèrent que certaines protéines (les protéines de la chaîne lourde du CMH I) vont s’associer à des protéines de membrane du RE, telles que US11 (immunoévasine du cytomégalovirus humain) et Derlin-1 qui facilitent la sortie des protéines CMH I du RE vers le cytosol (Lilley and Ploegh, 2004).
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