Structuration d’un écosystème
La complexité des écosystèmes a toujours fasciné les écologistes. De la théorie de la niche écologique à la théorie neutre de la biodiversité et de la biogéographie, de nombreuses hypothèses ont tenté d’appréhender cette complexité. Beaucoup d’attention a été portée sur la structure, la composition (Rautio 1998; Armengol and Miracle 1999; Swadling, Pienitz et al. 2000; Rautio 2001; Cotteni e and DeMeester 2004; Young and Riessen 2005; Norlin, Bayley et al. 2006) ainsi que sur l’établissement (Louette, Mieke et al. 2006) et la résilience des communautés (Brock, Nielsen et al. 2003). Les paragraphes suivants sont une descripti on non-exhaustives de ces hypothèses et des récents travaux effec tués en écologie des populations.
La composition d’espèces et la structure des communautés dépendent de l’interaction de facteurs biotiques et abiotiques, communément classés sous deux ni veaux de processus (Shurin 2000). Les process us locaux incluent la prédation, la compétition, l’acquisition des ressources et l’ hétérogénéité environnementale de l’habitat, tandis que les processus régionaux comprennent l’extinction des populations locales e t la colonisation via la dispersion (Cottenie and DeMeester 2004). L’importance relative de ces deux niveaux de processus générant des différences de composition spécifique varie parmi les types d’habitats et a suscité de nombreuses intelTogations. Des auteurs ont montré que des effets stochastiques (histoires et séquences de colonisation des espèces, effets de priorité) associés à des taux de dispersion bas pouvaient déterminer le succès d’ établissement et la composition d’espèces durant la phase initiale Cl an) d’assemblage des communautés zooplanctoniques (Jenkins and Buikema 1998). Shurin (2000) a effectué une étude sur la résistance aux invasions et la limite de la dispersion du zoopl ancton dans des étangs et a démontré que plus la diversité spécifique est grande, plus la communauté est résistante aux invasions par de nouvelles espèces. Cela suggère que les fac teurs locaux ont plus d’ importance que la dispersion dans la structure et la composition des communautés établies. En effet, les habitats nouvellement formés sont colonisés par des espèces présentes dans la région par dispersion. Les premières espèces à coloniser l’ habitat sont ce lles dont la capacité de dispersion et/ou l’ abondance régionale sont les plus élevées. Un déc lin dans le temps du nombre d’ espèces colonisant l’ habitat résulte de fac teurs locaux, c ‘ est à-dire que l’ augmentati on d’interac ti ons biotiques peut réduire le succès d’établissement de nouveaux immigrants, notamment par exclusion compétiti ve. Louette et coll (2006) confirment ces deux résultats en testant le succès d’ établissement dans des communautés de c ladocères de 1 an et 2 ans et portent une attention toute particuli ère sur l’importance de la prédati on et de la compétition dans la déterminati on de la compositi on d ‘ espèces des communautés zoopl anctoniques.
Certains auteurs considèrent que ce sont les process us locaux qui sont responsables de la structure des communautés, alors que d’autres auteurs pensent que ce sont les process us régionaux. À cette dualité s’ajoute deux mouvements de pensée théorique qui di vergent dans l’ explication des patrons de compositi ons d’espèces. D’ un côté, la théori e de la niche écologique suggère que les patrons de biodi versité sont étroitement reliés aux vari ati ons de nombreux paramètres écologiques locaux (conditions environnementales, compétition, prédati on … ). Par conséquent, la coexistence d’espèces est liée à la différenti ati on des niches écologiques de chaque espèce. De l’ autre côté, la théorie neutre de Hubbell (200 1) ignore les différences entre les indi vidus dans leurs réponses aux conditions écologiques locales et considère la dispersion comme le principal facteur structurant les communautés locales, chaque individu étant équivalent. Les prédi ctions de la théorie neutre peuvent représenter des hypothèses nulles pour expliquer les patrons de structure de communautés (Be ll 200 1). Si les théories de la niche écologique et neutre semblent s’ exclure l’ une de l’ autre dans leur définition, des cas ont démontré leur possible coexistence. Récemment, Thompson et Towsend (2006), par exemple, ont mis en évidence le potentiel , aussi bi en des process us de dispersion que des conditions environnementales locales pour expliquer les patrons locaux de diversité de communautés d’in vertébrés de ri vière. Une faible capacité de dispersion pour une espèce favorisait la théorie de la niche e t une grande capacité de dispersion pour une autre penchait pour la théorie neutre.
Enfin, la taille et la structure de l’ habitat peuvent éga lement influencer le nombre d’espèces dans une communauté. Bien que la théorie de la biogéographie insulaire soit basée sur le fait que le nombre d’espèces est proportionne l à la taille de l’île (M acArthur and Wilson 1967), il a é té démontré que de petits habitats peuvent présenter une grande ri chesse spécifique. C’est le cas des lacs peu profonds e t des étangs (Scheffer, Geest et al. 2006).
L’écosystème aquatique subarctique
L’environnement abiotique
Les étangs sont des écosystèmes relativement isolés les uns des autres et représentent des ‘îles’ aquatiques dans un paysage telTestre. Par conséquent, chaque é tang est une parcelle entourée d’ une matrice hostile (où les individus ne peuvent se noulTir et se reproduire) comme le propose la théorie de la métapopulation (Hanski and Gilpin 1997). Les plans d’eaux de l’Arctique e t du Subarctique sont parmi les écosystèmes qui réagiront en premier au réchauffement global de la planète (Boer, Koster et al. 1990). Par conséquent, comprendre ce qui détermine les patrons actuels de distributi on des espèces est essentiel afin d’ évaluer les futurs changements de biodi versité et de structure de communautés qui pounaient résulter des changements climatiques. De plus, le nombre très élevé d’étangs nordiques dans une superficie relati vement petite offre une grande opportunité de recherche écologique expérimentale et théorique sur le ten ain. En effet, les lacs et les étangs sont formés de manière très dynamique. Année après année, le gel et le dége l font craquer le sol et agrandissent ces fissures, qui se comblent de neige en hiver. En été, la fonte des neiges et la pluie remplissent les trous d’eau (Bolen 1998). Parce qu ‘ ils sont peu profonds, de petite superficie et dans un climat rude, ces microhabitats aquatiques, qui représentent 2% de la surface de la Ten e, subissent de grandes fluctuations physico-chimiques (Rauti o 1998; Rauti o 2001 ). Ils gèlent complètement en hi ver tandis que l’évaporation peut les assécher en été.
L’environnement biotique
La présence d’ invertébrés aquatiques dans ces étangs temporaires est donc grandement liée à leur tolérance aux conditions vari ables de l’ environnement (processus locaux) et à leur capacité de dispersion et de colonisati on (processus régionaux) (Sheath 1986). La capacité de dispersion varie selon les espèces et peut être active ou passive. Cette dernière, utilisée par le zooplancton, est assurée par la formati on d’ œufs dormants durant le cycle de vie. Emportés par le vent ou attachés aux plumes d ‘oiseaux aquatiques, ils peuvent être transportés sur de grandes distances (Maguire 1963). La formation de ces œufs permet également de résister au gel et à la dessiccation et de rétablir les popul ati ons quand les bonnes conditions sont de retour au printemps. Ce phénomène, appelé résilience, se produit après chaque perturbation et les communautés repassent par tous les stades de colonisation et d’établissement. L’efficacité d’éclosion des œufs et le temps très court pour compléter son cyc le vital sont de grande importance. À l’échelle locale, les facteurs abiotiques qui semblent con élés aux patrons de distribution du zooplancton incluent le pH, la taille des étangs et la proximité des autres étangs (Swadling, Gibson et al. 2001 ) tandis que les facteurs biotiques sont principalement la biomasse chlorophyllienne, la compétiti on et la prédation (Rauti o 1998). Certains facteurs abiotiques peuvent éga lement interagir avec des conditions biotiques; la température peut avoir un effet négatif pour une espèce sur la capacité d’exploitation d’ une ressource, par exemple (Steiner 2004).
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