CARACTERISATION PETROSTRUCTURALE DU SOCLE PRECAMBRIEN
Déformation magmatique et fabrique magnétique
La fabrique minérale
La modélisation des fabriques de forme (ou fabriques minérales) repose sur l’étude du comportement de particules rigides plongées dans une matrice visqueuse soumise à une déformation. Les modèles numériques, construits à partir des équations de Jeffery (1922), font apparaître une cyclicité de la fabrique aussi bien en orientation qu’en intensité. Ces approches sont cependant irréalistes, car elles ne prennent en compte que des populations de grains homométriques et de même rapport de forme. En particulier, la cyclicité de P prévue numériquement repose sur un modèle ne prenant pas en considération les interactions mécaniques entre les cristaux qui font disparaître la cyclicité et amènent la fabrique à se stabiliser très rapidement tout près du plan de cisaillement. La figure 21 est le résultat d’une modélisation numérique de Fernandez et al. (1983) faisant bien apparaître l’allure cyclique de la fabrique d’une population de particules de même rapport de forme (n) en fonction de l’intensité de la déformation (γ). Par exemple, pour la population de grains de rapport de forme 2.5, la fabrique minérale est maximale pour une intensité de déformation de 4.2. Dans ce cas, tous les grains sont parallèles entre eux. A γ croissant, il se produit alors une désorganisation des grains et la fabrique redevient minimale pour γ=8.4. Au-delà de ce seuil, la même allure cyclique se répète pour des valeurs de γ de plus en plus importantes. Pour une population de grains ayant un rapport de forme plus important (n=5), le même type de cyclicité se produit, mais la fabrique maximale ne sera atteinte que pour des valeurs de γ plus élevées. Figure 21. Modélisation numérique de la fabrique (α, D) d’une population de particules de même rapport de forme n en fonction de l’intensité de la déformation γ, et pour différentes valeurs de rapport de forme n. a: angle α entre l’axe long de la fabrique et le plan de cisaillement (compté positivement dans le sens trigonométrique), b: intensité D de la fabrique (in Fernandez et al., 1983).
La fabrique magnétique
Approche par modélisations numériques
Pour une roche ferromagnétique, la fabrique magnétique est principalement due aux cristaux de magnétite. L’ordre d’apparition de ces derniers joue donc un rôle important dans l’acquisition de la fabrique magnétique. En effet, la magnétite peut cristalliser : – soit précocement : dans ce cas les cristaux seront généralement trapus à faces automorphes. Dans ce premier cas, la fabrique sera magmatique. – Soit tardivement : les cristaux se développeront alors de manière interstitielle et se présenteront souvent sous forme d’alignements de petits grains à fort rapport de forme. Dans ce second cas, l’orientation des cristaux de magnétite reflétera l’orientation Fabrique magnétique des granites ferromagnétiques préférentielle des cristaux préexistants, la fabrique sera alors tardi-magmatique et soulignera le mode de déformation de la roche. Cependant, la relation existant entre ellipsoïde de la déformation finie et ellipsoïde de susceptibilité magnétique n’est pas encore bien établie, car elle fait appel à un ensemble de processus physiques dont les contributions relatives restent incertaines. En effet, le mode d’écoulement magmatique, la caractérisation de la déformation régionale, les éventuelles variations de minéralogie ou le mode de cristallisation seront autant de paramètres à prendre en compte. Des simulations numériques permettent d’approcher ce problème. Hrouda (1993) a effectué une modélisation numérique de l’intensité de la fabrique magnétique d’une population de marqueurs magnétiques (biotite et magnétite) d’anisotropie de forme notée a /c (Fig. 22). On observe l’évolution cyclique de l’intensité de la fabrique en fonction de la déformation (γ), ce qui ressemble aux modèles numériques de la fabrique de Fernandez et al. (1983) présentés figure 21. L’intensité de la fabrique atteint une valeur maximale qui est d’autant plus grande que l’anisotropie de forme (a/c) du minéral est importante. Deux cas se présentent : – Si l’on considère le marqueur « biotites » caractéristique des roches paramagnétiques, on observe que l’anisotropie magnétocristalline est toujours bien inférieure au rapport de forme (a/c) de la population considérée. Il n’existe pas dans ce cas de relation simple entre le rapport de forme des cristaux et l’anisotropie magnétocristalline. – Par contre, le marqueur « magnétites » possède une anisotropie intrinsèque plus directement liée à son rapport de forme. La fabrique magnétique est très proche du rapport de forme (a/c) des grains lorsque ceux-ci sont parallèles (par exemple : P≈2,4 pour a/c=3). Figure 22. Simulation numérique de l’intensité de la fabrique magnétique (P ou lnP) d’une population de marqueurs magnétiques (biotite et magnétite) d’anisotropie intrinsèque de forme a/c.
L’anisotropie magnétocristalline des cristaux de biotite ne dépasse pas 1,3 quel que soit le rapport de forme des grains considérés.
L’anisotropie magnétocristalline des grains de magnétite est directement liée au rapport a/c. (in Hrouda, 1993).
Approche par modélisations analogiques
La déformation du magma est directement liée à sa mise en place ainsi qu’à la déformation de son encaissant. Les cristaux constitutifs de ce magma vont alors s’organiser en fonction de cette double contrainte, développant ainsi une fabrique minérale. Les expériences analogiques d’Arbaret (1995) montrent que les axes principaux de la fabrique minérale sont pratiquement confondus avec les axes principaux de la déformation finie du magma. Ces résultats sont très importants, car ils montrent que la linéation minérale magnétique est parallèle à la direction d’étirement et que la foliation minérale magnétique représente le plan d’aplatissement de la déformation finie. Autrement dit, ces expériences montrent que le référentiel ASM est bien parallèle aux fabriques magmatiques. Ce résultat, observé dans les modèles analogiques d’Arbaret et al. (1997) a été aussi démontré numériquement par Ildefonse et al. (1997). Pour des γ élevés, on observe (Fig. 23) l’existence d’une légère obliquité (autour de 10°) par rapport au plan de cisaillement.
Les missions géologiques de terrain sur la Grande
Ile sont souvent difficiles, car le réseau routier y est peu développé (voir encadré page 70). Le traitement et l’interprétation d’images spatiales assistée par ordinateur, permettent d’affiner nos connaissances sur une région autant sur le plan géologique (nature du sol ou du sous-sol) que géographique (morphologie, type de végétation) ou humain (occupation des sols, environnement). Dans le secteur d’Ambalavao, au sud de Madagascar, l’utilisation de cette technique est rendue d’autant plus précieuse que la plus grande partie de cette superficie est peu ou pas accessible et que certaines aires ne possèdent pas encore de couverture cartographique précise. C’est en particulier le cas de la chaîne totalement inhabitée de l’Andringitra, actuellement classée réserve naturelle totale. J’ai travaillé sur l’image SPOT multispectrale 169-394 prise le 30 janvier 1995 pendant la saison sèche. Cette image dont la résolution de chaque pixel est de 20 mètres, couvre une superficie de 3600 km2 dans la région d’Ambalavao et d’Ankaramena (Fig. 24). Trois types de traitements ont été effectués sur cette image: – l’ orthorectification et le géoreférencement de l’image brute (voir page 66) permet de superposer ou de comparer l’image satellite à n’importe quelle autre carte ; – la classification supervisée a contribué à la modification de la cartographie géologique de la région d’Ambalavao (voir page 71) ; – enfin, l’utilisation de filtres haute fréquence ou directionnels met en évidence l’existence de structures fragiles (failles) et ductiles (plis, interférences de plis, trajectoires de foliations) présentes dans la région (voir page 79). Ces divers traitements ont été réalisés dans l’atelier d’imagerie de l’Institut des Sciences de la Terre.
Généralités et pré-traitement de l’image
On trouvera une étude complète des techniques liées au traitement du signal en géologie dans l’ouvrage de Drury (1993). Une image SPOT est un enregistrement de la radiométrie du rayonnement solaire réfléchi par tous les constituants de la surface du globe. L’image ainsi obtenue est codée sur trois canaux chromatiques (appelés plans XS) de longueurs d’onde (λ) différentes: le canal bleu ou XS 1 (0,5 µm <λ< 0,59 µm), le canal vert ou XS 2 (0,61 µm <λ< 0,68 µm) et le canal rouge ou XS 3 (0,79 µm <λ< 0,89 µm). Les différentes radiométries des pixels de l’image peuvent se représenter sous forme d’un nuage de points dans un repère tridimensionnel dont les axes sont les trois canaux chromatiques (Fig. 25). canal 1 canal 2 canal 3 Figure 25. Représentation tridimensionnelle (canal rouge, canal vert, canal bleu) des radiométries des pixels d’une image SPOT. L’influx lumineux réfléchi par la surface terrestre est capté et codé sur ces canaux dont la superposition permet d’obtenir une image en fausses couleurs. Chaque canal sera porteur d’informations dont le signal dépendra à la fois de la nature du sous-sol (différentes lithologies), de la nature des sols (érosion, humidité), de la morphologie et du type de végétation rencontré. La signature radiométrique du sol obéit à deux principales propriétés: – La réflectance. On appelle réflectance la disposition qu’ont les corps à réfléchir les rayons solaires. Les corps à forte réflectance, comme les quartzites en géologie, seront visibles sur le canal à haute longueur d’onde, alors que l’eau, possédant une très faible réflectance, sera particulièrement observable dans le canal à basse longueur d’onde. -La rugosité. Un terrain sera qualifié de rugueux, si sa surface est chaotique (éboulis, relief ruiniforme …). La signature spectrale d’un chaos granitique différera de celle de cette même roche saine affleurant en front de carrière, car leurs rugosités sont différentes. A chaque pixel de l’image SPOT est donc associée une couleur à la fois fonction de la composition du sous-sol, du degré d’humidité et de la végétation. En reprenant l’exemple d’un granite, l’affleurement dans une carrière ne portera pas la même signature spectrale que le granite latéritisé ou sous une couverture végétale. On ne peut donc pas décoder ce message complexe sans avoir au préalable caractérisé le plus précisément possible sur le terrain le plus grand nombre possible de sites d’échantillonnage.
Travaux préliminaires
Caractérisation et localisation précise de sites sur le terrain : utilisation d’une balise GPS
Cette première étape consiste à décrire le plus finement possible sur le terrain tous les sites d’échantillonnage. On s’attachera non seulement à définir les roches ainsi que leur structuration éventuelle, mais aussi à en estimer le degré de rugosité, à décrire la végétation et à signaler la présence éventuelle d’un cours d’eau ou d’habitations ; autant de paramètres pouvant influencer la signature spectrale du lieu considéré. La localisation précise du site est fondamentale, car de retour au laboratoire, il faudra identifier sur l’image spatiale le pixel (ou les quelques pixels) couvrant le site. On dispose alors en complément du repérage cartographique habituel (lorsque les cartes existent…) d’une balise GPS (Global Positioning System) qui permet de calculer par triangulation les coordonnées (longitude, latitude) d’un site avec une précision au sol de l’ordre d’une dizaine de mètres. La précision de la mesure dépend à la fois du nombre de satellites contactés pour la triangulation et de la morphologie du terrain. Il faut généralement éviter tout positionnement par mesure GPS de sites encaissés ou sous un couvert végétal trop important. On donne en annexe n° 1 les coordonnées GPS des sites étudiés, leur caractérisation (nature, couleur, granulométrie, rugosité, végétation, altération éventuelle) et la qualité de la mesure.
Pré-traitement de l’image : orthorectification et géoréférencement
L’identification précise des pixels de l’image correspondant à une zone nécessite que l’image spatiale soit superposable ou comparable à n’importe quelle autre carte, c’est-à-dire orthorectifiée. La possibilité de lire les coordonnées géographiques en tout point suppose en plus que l’image doit être géoréférencée. Or, l’acquisition en haute altitude ne permet pas d’obtenir directement une telle image. En effet, l’image transmise par le satellite couvre une superficie de 3600 km2 et est nécessairement une projection ne tenant pas compte de la courbure de la planète. L’orthorectification est la procédure corrigeant cette projection. A cet effet, on compare les cartes topographiques d’une région à l’image spatiale et on repère précisément les points facilement identifiables à la fois sur les cartes et sur l’image. Ces points, appelés points d’amer, correspondent généralement à des croisements de routes, des virages, des ponts, des méandres de rivières ou toute particularité morphologique du terrain. Leurs coordonnées géographiques sont affectées aux pixels de l’image correspondant. Le logiciel PCI permet d’effectuer l’orthorectification et de calculer le polynôme de correction de l’image brute. La qualité de l’orthorectification dépendra du nombre et de la précision des points d’amer choisis. On évitera de choisir des points d’amer trop inégalement répartis sur l’image car cela nuit à l’homogénéité de l’orthorectification. La procédure est la suivante (voir figure 24) : – On numérise les cartes topographiques au 1/100 000ème (cartes repères) en mémorisant les coordonnées de deux angles diamétralement opposés. PCI calcule par interpolation les coordonnées géographiques en tout point. – L’image SPOT est divisée en autant de secteurs que de cartes numérisées (Fig. 26). Chaque secteur est ensuite juxtaposé à la carte correspondante pour permettre la saisie de points d’amer.
Introduction |