Efficacité de traduction et structures IRES
Face au constat de la faible efficacité des ribosomes du RRL, nous avons cherché en priorité des stratégies visant à augmenter cette efficacité. Plusieurs approches étaient envisageables, nous avons essayé d’identifier les paramètres qui peuvent être corrélés à l’efficacité de reconnaissance et de traduction. Nous présenterons les paramètres identifiés à cette intention ainsi que les différents tests qui ont été réalisés en conséquences, afin de conclure sur une solution viable.Quels sont les paramètres essentiels qui influent sur l’efficacité de reconnaissance et de tra- duction ? Au vu des premières expériences réalisées avec les ribosomes pré-incubés, nous faisons l’hypothèse que la faible efficacité mesurée sur l’IRES CrPV avec uniquement les ribosomes du RRL n’est pas due à une faible efficacité de traduction des ribosomes lorsqu’ils sont engagés sur l’ARNm. En effet, en les pré-incubant, on mesure une efficacité globale de 50%. Les ribosomes sont donc en mesure de traduire l’ARNm et de détacher les marqueurs fluorescents. Il est plus probable que l’étape limitante soit le recrutement par la structure virale IRES.S’ajoute à ces éléments l’extrait cellulaire qui contient les ARN de transfert, de nombreux facteurs (facteurs d’élongation, facteurs de terminaison…) et les ribosomes endogènes qui sont ici les principaux acteurs du processus. On ne peut pas agir sur l’ensemble de ces éléments. Nous souhaitons modifier le moins possible l’extrait cellulaire pour travailler dans des conditions plus physiologiques. Les sondes fluorescentes ont peu de risque d’avoir un impact sur l’efficacité d’initiation du ribosome (Tassez faible). Il nous reste alors deux possibilités : modifier l’ARN messager ou modifier la structure IRES dans l’espoir d’obtenir une initiation plus efficace.
Concernant l’ARN messager, une cause hypothétique de la faible efficacité d’accroche et de traduction réside dans le fait que l’ARN messager est accroché en 5’ à une très faible distance de la surface fonctionnalisée, à peine quelques nm. La surface est recouverte par des molécules de PEG qui forment une couche homogène. On peut imaginer que la proximité du site d’initiation avec les molécules qui recouvrent la surface peut engendrer une gêne stérique pour les sous-unités de ribosome et empêcher leur recrutement efficace sur l’IRES.Pour ce qui est de l’autre hypothèse qui fait appel à la nature de la structure IRES elle- même, il est possible que toutes les IRES n’aient pas la même efficacité de recrutement du ribosome dans l’extrait cellulaire considéré. Quand les ribosomes sont pré-incubés, le problème est différent. On maîtrise la nature et la concentration des différents facteurs et on peut optimiser le recrutement du ribosome.Mais lorsque l’on travaille avec les ribosomes du RRL, l’efficacité de recrutement par l’IRES est un facteur à prendre en compte. Cette efficacité peut résulter à la fois des différences structurales et fonctionnelles des IRES, mais aussi de leur fonctionnement dans un environnement précis avec des concentrations en facteurs d’initiation et d’élongation fixes comme dans le RRL.
De plus les travaux de [Pestova 2004] sur l’IRES CrPV stipulent que le recrutement des sous- unités 40S et 60S par cette IRES est inhibé lors de tests in vitro par la présence des facteurs d’initiation (eIF1, eIF1A et eIF3). In vivo, dans le cadre d’une infection virale, des mécanismes complémentaires sont mis en œuvre par le virus pour inactiver les facteurs d’initiation qui peuvent jouer un rôle d’inhibition, mais dans un contexte in vitro où l’IRES est isolée du reste du génome du virus, ces mécanismes n’ont pas lieu. Le RRL étant optimisé pour l’initiation canonique, il contient l’ensemble des facteurs d’initiation cités. Il est donc possible que l’action de ces facteurs inhibe le recrutement du ribosome sur l’IRES CrPV dans le RRL.Pour résoudre la problématique de l’efficacité d’initiation, nous avons dans un premier temps favorisé la première hypothèse regardant l’accroche et le design de l’ARNm. La gène stérique nous semblait la cause la plus probable de la faible efficacité d’initiation et la mise en œuvre d’une stratégie d’optimisation demandait moins de modifications de notre protocole expérimental. Les résultats de ces premiers tests sont exposés dans la section qui suit.