EXTENSION DU DROIT DES MARCHÉS PUBLICS À CERTAINES PERSONNES PRIVÉES
L’existence de marchés publics passés par des personnes privées apau premier abord comme une incongruité. Les dispositions de la loi MURCEF qualifiant tous les marchés soumis au Code des marchés publics de contrats administratifs visaient d’ailleurs à lutter contre cet avatar juridique sont des contrats administratifs ». Pourtant, de tels contrats ont existé et existent toujours si l’on veut bien avoir une vision plus réaliste – et plus large – de la notion de marchés publics. Non seulement en effet ils ont existé au cours du XIXe siècle, il suffit de rappeler par exemple la soumission aux procédures de passation de l’ordonnance de 1837 des marchés de fournitures des communes, alors même que ces contrats étaient des contrats de droit privé342, situation qui a perduré au moins jusqu’en 1903, date de l’arrêt Terrier343, et même encore un peu après. » apparaît comme étant principalement due aux directives communautaires. Leurs critères organiques très larges étant en réalité des critères finalistes, la personnalité juridique interne – publique ou privée – que peuvent avoir les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices est une variable qui n’intéresse pas le droit communautaire. Cette évolution est d’ailleurs plus patente encore pour les secteurs spéciaux que pour les secteurs classiques (Sous-Section 1e).
Mais le droit interne connaît aussi le cas de marchés publics, et plus largement de contrats de la commande publique, dont les deux parties sont des personnes privées. Il s’agit des situations dans lesquelles la personne voulant subvenir à ses besoins en travaux, fournitures et services – directement ou en les déléguant – n’est pas une personne publique, mais un mandataire de celle-ci. La vision classique du droit administratif d’un mandat largement entendu pourrait laisser penser que l’ouverture de ce type de contrat au mécanisme du mandat étend le champ d’application des contrats de la commande publique. Une analyse plus précise montre au contraire que cette vision classique, principalement issue du droit des « travaux publics », ne saurait s’étendre au droit de la commande publique (Sous-Section 2e). constituent les critères organiques des directives – respectivement dans les « secteurs classiques » et dans les « secteurs spéciaux » – ne contiennent pas de référence à la qualité de personne publique ou privée des entités qu’elles régissent. Partant, dans la mesure où elles correspondent aux critères posés par les directives, même les personnes privées doivent respecter les procédures de passation communautaires. », l’article 34 de Constitution imposait qu’elles fussent transposées par la loi, ce que le législateur a fait en deux temps, d’abord pour les secteurs classiques (§ 1er), ensuite pour les secteurs spéciaux (§ 2ème).
Cette disposition vise spécifiquement en droit français des associations régies par la loi de 1901 et des Groupements d’intérêt économique regroupant des pouvoirs adjudicateurs. Cette question est spécialement représentative de la différence fondamentale d’approche entre le droit interne et le droit communautaire : alors que le droit interne développe ces modes privés d’activité publique dans le but exprès de se soumettre à la souplesse présumée du droit privé, le droit communautaire va au contraire aller chercher « l’activité de droit public » et l’argent public qui s’y attache sans considération de la personnalité morale de l’entité. Au sens du droit communautaire, passer par un organisme de droit privé pour échapper aux procédures de passation constituerait un détournement des objectifs des directives, c’est pour cette raison qu’il préfère faire rentrer ce mode d’action administrative dans le champ d’application des directives « marchés publics », même si c’est un mode « privé ». « d’organismes de droit public » procède pour partie de la même logique349. Ces organismes, qualifiés par la loi du 3 janvier 1991 « d’organismes privés créés en vue de satisfaire spécifiquement un besoin d’intérêt général autre qu’industriel et commercial » et sous influence publique sont soumis aux procédures par simple application des dispositions de la directive350. On peut distinguer les entités selon les modalités du contrôle public351. Certaines de ces entités sont financées majoritairement par des personnes publiques. C’est le cas des caisses de sécurité sociale en dehors des trois caisses nationales352 ou à des associations locales comme les comités des fêtes… même si pour toutes les entités locales la condition de seuil constitue un obstacle important à l’application du droit d’origine communautaire. L’autre critère d’influence publique possible est le contrôle de la gestion de la personne privée par un organisme public353. Cette hypothèse représente vraisemblablement la plus grande catégorie puisqu’elle comprend toutes les fédérations sportives, toutes les associations faisant appel à la générosité publique, mais aussi toutes les sociétés privées d’habitation à loyer modéré. Le dernier critère d’influence publique est la nomination des dirigeants de ces personnes privées par des personnes publiques. Ces cas sont à l’inverse probablement les plus rares, on n’en trouve en réalité que dans des Sociétés d’économie mixte locales gérant des services publics administratifs354.