Exposition professionnelle aux antinéoplasiques

Exposition professionnelle aux antinéoplasiques

Équipements de protection individuelle

Le port d’EPI est un prérequis essentiel lors de la manipulation d’agents antinéoplasiques. Sur ce point, les recommandations des sociétés savantes sont plutôt en accord, contrairement à celles concernant la surveillance médicale, biologique ou environnementale. Toutefois, il est intéressant de noter que les normes ISOPP semblent moins restrictives que les recommandations de l’USP<800> qui emploient plus fréquemment le terme « doit ». Le guide de l’ASSTSAS semble représenter un entre-deux. Les différentes recommandations des sociétés savantes sur le port des EPI sont synthétisées dans le Tableau 2.

Gants

L’utilisation de gants résistants aux médicaments antinéoplasiques (en latex, nitrile, polyuréthane ou néoprène) est indispensable afin d’éviter l’absorption de certains médicaments antinéoplasiques. Ils doivent être stériles et non poudrés car la poudre peut contaminer la zone de travail et peut adsorber et retenir les médicaments dangereux. Ils ne doivent pas être abîmés ou endommagés. En raison de leur perméabilité qui augmente avec le temps, les gants devraient être changés toutes les 30 minutes (ou moins si contamination, déversement, bris de flacon, fin de la tâche ou de l’opération, perforation, déchirement ou selon les exigences de la procédure) et entre chaque patient afin d’assurer une protection maximale. Ils doivent couvrir entièrement la peau à risque. Lors de la préparation de médicaments dangereux stériles ou non stériles, deux paires de gants doivent être portés. Il est recommandé de se laver les mains à l’eau et au savon après avoir retiré les gants. 

Blouse

La blouse doit être portée lors de la manipulation de médicaments dangereux. Les blouses ou casaques jetables en polypropylène enduits de polyéthylène ou autres matériaux stratifiés offrent une meilleure protection. La blouse doit être changée toutes les 2-3h de préparation (d’après ISOPP et USP<800>) ou toutes les 3,5h (d’après le guide de l’ASSTSAS), ou dès qu’elle est souillée ou soupçonnée de l’être par contamination, déversement ou bris. Elle doit être fermée dans le dos, serrer les 33 poignets et bien couvrir les bras et avant-bras. Elle ne doit pas être portée dans les zones où les antinéoplasiques ne sont pas manipulés afin d’éviter les contaminations. 

Couvre-cheveux, couvre-tête, couvre-barbe

La tête, les cheveux et la barbe doivent être adéquatement recouverts à l’aide d’un couvre-cheveux, couvre-tête ou couvre-barbe le cas échéant. 

Protection faciale et oculaire

Une protection faciale comme un écran facial et/ou des lunettes de protection doivent être portée lorsqu’il y a un risque d’éclaboussures, lorsqu’on manipule un liquide hors enceinte, près de la hauteur des yeux ou au-dessus, lorsqu’on nettoie un déversement liquide, lorsqu’on effectue une opération telle que le retrait ou l’installation d’une tubulure, ou lorsque le patient est agité. Les lunettes de vue ou les lentilles de contact ne protègent pas adéquatement des éclaboussures ; c’est pourquoi il est nécessaire de porter en plus des lunettes de protection adaptées.

Protection respiratoire

Les appareils de protection respiratoires (APR) doivent être portés lorsqu’il y a un risque d’être exposé à un médicament dangereux susceptible d’être présent dans l’air, que ce soit sous forme de particules solides, de particules liquides ou de vapeurs. Un masque chirurgical simple peut être porté dans la zone à atmosphère contrôlée (ZAC) pour se protéger des gouttelettes mais il ne constitue pas une véritable protection respiratoire contre les aérosols. Il est recommandé de porter un masque de type P2 ou P3 en Europe (équivalent nord-américain du N95 ou N100) lors d’un changement de pré-filtre, de contamination accidentelle ou lors des préparations orales. Cependant, ces respirateurs ne protègent pas des gaz et des vapeurs et sont peu efficaces en cas d’éclaboussures directes de liquide. C’est pourquoi le port d’un APR à cartouche combiné à un filtre à particules de classe P100 est recommandé en cas d’émissions potentielle de vapeurs. 

Chaussures dédiées et couvre-chaussures

Des chaussures dédiées aux activités de manipulation de chimiothérapies doivent être portées ainsi que des couvre-chaussures jetables. Les couvreschaussures devraient être changés toutes les 3,5h de travail cumulatif ou dès qu’ils sont souillés. Une double paire de couvre-chaussures peut être nécessaire en cas de risque d’éclaboussure élevé. Les couvre-chaussures ne doivent pas être portés hors de la zone de manipulation des antinéoplasiques afin d’éviter une éventuelle dissémination de la contamination

 Équipements de protection collective

Les EPC comprennent les systèmes de ventilation utilisés pour la préparation des médicaments dangereux et les zones adjacentes permettant de limiter la contamination chimique, mais également les systèmes clos de transfert de médicament ou Closed System Drug Transfer Device (CSTD). Concernant les systèmes de ventilation et les zones adjacentes, l’USP<800> définit les « contrôle technique primaire de confinement » (Containment primary engineering control (C-PEC)) comme un dispositif ventilé conçu pour minimiser l’exposition des travailleurs et de l’environnement aux médicaments dangereux lors de la manipulation directe de ceux-ci. Les C-PEC font référence aux isolateurs aseptiques de mélange (IAM) encore appelés isolateur de confinement pour préparation stérile (ICPS), ainsi qu’aux postes de sécurité microbiologique (PSM) appelés aussi enceinte de sécurité biologique (ESB) dans lesquels sont préparés les cytotoxiques. Les C-PEC doivent garantir au moins un environnement de classe A (ou ISO 5) ; cette classification correspond à une concentration maximale autorisée de particules en suspension dans l’air d’une taille supérieure ou égale à 0,5 μm, au repos et en activité, et également à la charge microbienne de la salle en activité. Concernant les PSM ou ESB, il en existe 3 types selon le niveau de risque de l’agent manipulé (87) : – PSM ou ESB de type I : protège l’environnement et le manipulateur des agents biologiques manipulés, mais ne protège pas la manipulation des polluants extérieurs. L’espace de travail n’est pas stérile. – PSM ou ESB de type II : protège le manipulateur et l’environnement des agents biologiques manipulés. Il protège également la manipulation des polluants extérieurs. L’espace de travail est stérile. – PSM ou ESB de type III : assure un confinement total des produits biologiques manipulés. L’enceinte est non seulement ventilée, mais également en dépression. L’espace de travail est stérile. De plus, l’environnement de travail est clos, et l’accès à la manipulation se fait par des manchons sans aucun contact direct. Ainsi, dans le cas des PSM ou ESB, le différentiel de pression doit être négatif afin de protéger le manipulateur. Dans le cas des isolateurs, il est possible d’avoir un 39 différentiel de pression positif puisque celui-ci est hermétiquement fermé et n’offre pas d’accès direct à l’environnement extérieur. Les C-PEC doivent être placés à l’intérieur de « contrôle technique secondaire de confinement » (Containment secondary engineering control (C-SEC)). Les C-SEC correspondent aux ZAC, appelées encore salles blanches ou salles propres. Dans cette zone, les produits manipulés sont exposés aux conditions ambiantes ; sa conception doit donc prévoir de garantir des conditions aseptiques. Les C-SEC doivent être au moins de classe ISO 7, séparés physiquement du reste des locaux et être ventilée vers l’extérieur. Dans cette zone, certains paramètres comme la pression, les mouvements d’air, la température et l’humidité doivent être contrôlés. L’accès aux CSEC doit être exclusivement réservé au personnel de la pharmacie qui a été formé.

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Table des matières

Introduction
1. Exposition professionnelle aux antinéoplasiques
1.1. Définitions
1.1.1. Exposition professionnelle
1.1.2. Médicament antinéoplasique
1.1.3. Médicament dangereux ou « hazardous drug »
1.2. Catégories de médicaments dangereux
1.2.1. Classification européenne des substances ou mélanges CMR
1.2.2. Classification du CIRC (ou IARC) des substances cancérogènes
1.2.3. Classification du NTP des substances cancérogènes
1.2.4. Classification NIOSH des médicaments dangereux
1.2.5. Classification de l’US EPA
1.2.6. Classification de l’ACGIH®
1.2.7. Classification des cytostatiques de l’ANSES
1.3. Risques associés à l’exposition de médicaments dangereux pour la santé des travailleurs
1.3.1. Définition d’un danger et d’un risque
1.3.2. Toxicité aiguë
1.3.3. Toxicité chronique
1.3.3.1. Risque cancérogène
1.3.3.2. Risque mutagène
1.3.3.3. Risque pour la reproduction
1.4. Personnel exposé
1.5. Voies d’exposition
1.6. Sources d’exposition
2. Lignes directrices et recommandations concernant la contamination environnementale et les mesures de prévention associées
2.1. Règlementations européennes et américaine
2.1.1. En Europe
2.1.2. En France
2.1.3. Au Canada
2.1.4. Au Québec
2.1.5. Aux États-Unis
2.2. Équipements de protection individuelle et collective : les EPI et EPC
2.2.1. Équipements de protection individuelle
2.2.1.1. Gants
2.2.1.2. Blouse
2.2.1.3. Couvre-cheveux, couvre-tête, couvre-barbe
2.2.1.4. Protection faciale et oculaire
2.2.1.5. Protection respiratoire
2.2.1.6. Chaussures dédiées et couvre-chaussures
2.2.2. Équipements de protection collectiv
2.2.3. Efficacité des mesures de protection individuelles et collectives
2.3. Organisation des locaux
2.4. Décontamination
2.5. Conduite à tenir en cas de déversement, bris de flacon ou exposition accidentelle
2.6. Formation du personnel
2.7. Femmes enceintes ou allaitantes
2.8. Gestion des déchets
2.9. Surveillance
2.9.1. Surveillance médicale
2.9.2. Surveillance biologique
2.9.3. Surveillance environnementale
3. Évolution de la surveillance de la contamination environnementale
3.1. Les prélèvements de surface : où et depuis quand ?
3.2. Matériel et techniques utilisés pour le prélèvement de surfaces
3.3. Méthodes analytiques utilisées pour le prélèvement de surfaces
3.4. Enjeux autour de la surveillance environnementale
3.4.1. Analyse du risque
3.4.2. Conséquence de la détection de traces de médicaments dangereux
4. Programme canadien annuel de surveillance environnementale
4.1. Histoire du programme de surveillance
4.2. Objectifs du programme de surveillance 2021
4.3. Programme de surveillance 2021
4.4. Perspectives autour du programme de surveillance
5. Comparaison de deux protocoles de décontamination
5.1. Protocoles de décontamination en 4 étapes de 2020
5.2. Protocoles de décontamination en 8 étapes de 2021
5.3. Efficacité théorique de séances de décontamination suite à une simulation de déversement accidentel de flacons d’antinéoplasiques
5.3.1. Contexte et objectifs
5.3.2. Matériels et méthodes
5.3.3. Résultats
5.3.4. Discussion / Conclusion
6. Communauté de pratique des médicaments dangereux et auto-évaluation des pratiques au Québec
6.1. Définition d’une communauté de pratique
6.2. Les communautés de pratiques au CHU Sainte-Justine
6.3. Mise en place d’une communauté de pratique sur la manipulation sécuritaire des médicaments dangereux au Québec
6.4. Conception d’un questionnaire d’auto-évaluation des pratiques de manipulation sécuritaire des médicaments dangereux
7. Perspectives pour la pratique en France
7.1. Programme de surveillance environnemental
7.2. Décontamination intensive
7.3. Mise en place d’une communauté de pratiques
Conclusion

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