Exposition domestique à des polluants chimiques de l’air intérieur
Les symptômes évocateurs d’asthme
Les sifflements Les sifflements sont le symptôme respiratoire pour lequel l’impact des polluants est le plus évalué avec cependant des résultats encore hétérogènes. Tout d’abord, concernant les « proxy » de l’exposition, des travaux de rénovation et d’aménagement (dans les douze derniers mois) sont associés aux sifflements[93,94,99]. À un an, le risque est majoré de 90 % (OR : 1,9 [1,1-3,5])[93], à deux ans, l’association est multipliée par 3 (ORa : 3,0 [1,0-9,1])[94] . Pour le formaldéhyde, dans l’étude de Rumchev et coll., les enfants « siffleurs » sont exposés dans leur logement à des niveaux significativement plus élevés que les enfants « non siffleurs » . De même, une association significative entre la présence de sifflement chez les écoliers chinois et l’augmentation de 1 µg.m-3 de formaldéhyde est retrouvée aussi bien pour les niveaux mesurés à l’intérieur (ORa : 1,24 [1,03-1,48]), qu’à l’extérieur (ORa : 1,38 [1,03-1,85]) des établissements[246]. Pour des niveaux moyens mesurés dans les écoles de 7,3 et 9,4 µg.m-3, aucune association significative n’est retrouvée entre les sifflements et l’augmentation de 1 µg.m-3 et de 10 µg.m-3 de formaldéhyde[247,248]. De même, aucune association significative entre la présence de sifflements et les niveaux de formaldéhyde mesurés dans les logements n’est constatée dans la cohorte danoise de nouveau-nés[181]. En revanche, en utilisant le nombre de sifflements rapporté par jour et les niveaux traités en quintiles, une association significative est obtenue (ORa : 1,63 [1,09-2,44]) lorsque les auteurs comparent l’exposition au deuxième avec le premier quintile (12,4–16,3 µg.m-3 contre des niveaux inférieurs à 12,4 µg.m-3), ils n’observent pas de relation dose-réponse, l’association n’étant pas maintenue pour les quintiles supérieurs. Cette dernière étude ne met pas non plus en évidence de relation dose-réponse pour le NO2, les niveaux médians mesurés étant de 8,6 µg.m-3. Néanmoins, l’étude cas-témoins nichée dans la cohorte BAMSE suggère une association significative entre le NO2 et les sifflements récurrents et plus particulièrement, si l’enfant est exposé à la FTE, l’association étant de 3,10 [1,32-7,30] par rapport aux enfants non exposés à la FTE et exposés à des niveaux en NO2 inférieurs à 8,4 µg.m-3 [183] . Enfin, une plus grande susceptibilité des filles est notée, au cours des deux première années de suivi, dans l’étude japonaise conduite chez des écoliers, mais celle-ci n’est pas maintenue la troisième année[186] . La dyspnée Peu d’équipes ont étudié l’impact des polluants sur le symptôme de dyspnée. Pour le NO2 et le formaldéhyde des tendances à une majoration du risque sont constatées. Dans l’étude réalisée au Bangladesh, même s’ils ont quantifié les niveaux domestiques de plusieurs polluants dont le formaldéhyde et le NO2, les auteurs mettent en relation le type d’énergie utilisé dans le logement et la symptomatologie de l’enfant de moins de cinq ans. L’utilisation de biomasse comme source d’énergie est associée au risque de dyspnée (ORa : 6,3 [1,6-29,1])[124] . Dans la cohorte de naissances d’enfants à risque d’asthme (frère et/ou soeur de moins de 11 ans asthmatique), les enfants exposés à des niveaux compris entre 18,6 et 32,7 µg.m-3 ou supérieurs 44 Effets respiratoires et allergiques à 32,7 µg.m-3 de NO2 sont plus à risque de dyspnée que ceux exposés à des niveaux inférieurs à 9,6 µg.m-3 (risque relatif ajusté – RRa : 1,95 [1,17-3,27] et 2,38 [1,31-4,34]). Ces associations sont plus élevées lorsque les mesures sont réalisées en hiver[249] . Pour la dyspnée diurne et en tenant compte des niveaux des autres polluants (SO2, NO2, O3), une tendance est retrouvée pour une augmentation de 1 µg.m-3 des niveaux extérieurs de formaldéhyde (ORa : 1,29 [0,99-1,68])[246]. En revanche, pour les symptômes nocturnes, une association significative est retrouvée avec les niveaux intérieurs de formaldéhyde (ORa : 1,92 [1,24-2,97]). D’autres auteurs n’ont pas mis en évidence d’association entre les crises d’essoufflement et les niveaux de formaldéhyde mesurés à l’intérieur des écoles fréquentées par les enfants[247,248] . La toux L’impact des polluants peut être évalué en considérant le nombre d’épisodes de toux rapportés, la toux sèche nocturne ou la toux persistante. Les résultats sont différents selon la variable sanitaire d’intérêt. L’exposition à la FTE est associée à la toux persistante et à la toux sèche nocturne dans l’étude transversale russe incluant plus de 5 951 enfants[98]. Pour le NO2, une toux en dehors d’un rhume est retrouvée associée à une augmentation de 37,6 µg.m-3 du polluant[193]. Mais dans la cohorte INMA de Valence, en considérant la toux persistante (pendant trois semaines) au cours de la première année de vie, les auteurs ne retrouvent aucune association avec les niveaux intérieurs de NO2 (médiane : 18,1 µg.m-3). De même Belanger et coll. ne retrouvent pas d’association chez les enfants asthmatiques (niveaux moyens de NO2 : 16,2 µg.m-3) [250], mais pour des enfants exposés à des niveaux plus élevés, supérieurs à 32,7 µg.m-3, l’association est significative (1,52 [1,00-2,31]) par rapport à des enfants exposés à des niveaux inférieurs à 9,5 µg.m-3. En stratifiant sur la saison de mesure, Van Strien et coll. n’observent une association que chez les enfants pour lesquels le NO2 a été mesuré en hiver[249] . Pour le formaldéhyde, une corrélation significative entre les niveaux mesurés dans les salles de classe et le nombre d’épisodes de toux rapportés par les écoliers est décrite. Ces écoliers ont été transférés d’établissements en préfabriqués vers des établissements en briques, et les auteurs constatent que les symptômes de toux diminuent après l’emménagement dans les nouveaux établissements (p = 0,01) [190]
L’asthme
Plusieurs types d’études (transversales, cas-témoins, cohorte) ont été conduites pour évaluer l’impact des polluants sur l’asthme : ces derniers majorent la sévérité des symptômes mais leur rôle sur la survenue de la maladie est moins évident. Les résultats concernant l’exposition au formaldéhyde, que ce soit en milieu domestique ou scolaire, divergent. En 2010, une méta-analyse a été conduite en rassemblant les résultats obtenus dans sept études distinctes (Tableau X) et conclut que pour une augmentation de 10 µg.m-3 de formaldéhyde, le risque d’asthme est majoré de 3 %[251]. Toutefois, les résultats de cette méta-analyse méritent une certaine prudence quant à l’association retrouvée. Outre le poids important de l’étude de Rumchev et coll.[138] dans cette méta-analyse (99 %) et l’apparente incohérence dans la mesure de l’association rapportée entre l’article original et la méta-analyse, les études rassemblées sont très hétérogènes en termes de : – type d’étude (une seule étude de cohorte est recensée) ; – site de mesure du polluant (études menées en milieu domestique ou scolaire) ; – recueil de la variable d’intérêt (diagnostic ou événement sanitaire par questionnaire) ; – mesure de l’association (résultats ajustés ou non). Les auteurs ont réalisé des sous-analyses pour prendre en compte ces différents points. En excluant l’étude de Rumchev et coll.[138], l’association persiste et devient égale à 1,24 (1,09-1,42) mais pour les autres analyses, étant donné le petit nombre d’études, certaines associations se I résument à l’association retrouvée dans les études originales Pour les résultats des études originales, si des associations significatives sont parfois obtenues, elles ne persistent pas toujours après prise en compte de l’ensemble des facteurs de risque et/ou de confusion. Ainsi, pour le formaldéhyde, les enfants souffrant d’asthme sont plus nombreux dans le groupe le plus exposé au polluant (plus de 50 µg.m-3 contre moins de 20 µg.m-3 ; p = 0,02), mais après ajustement sur les antécédents familiaux d’allergie et d’asthme, l’association disparaît[111] . De même dans l’étude cas-témoins coréenne, l’association disparaît après ajustement (ORa : 1,0 [1,0-1,1], p=0,492) [194]. En Grande-Bretagne, aucune association n’est mise en évidence en comparant les enfants moyennement ou fortement exposés à ceux exposés faiblement au formaldéhyde. Cependant, les auteurs ne présentent pas les distributions des concentrations du formaldéhyde obtenues[189]. Les prévalences de diagnostics d’asthme sont significativement plus élevées chez les enfants exposés à la FTE et à des niveaux de formaldéhyde supérieurs ou égaux à 74 µg.m-3 par rapport aux deux autres classes d’exposition : inférieur à 53 µg.m-3 ; 53–74 µg.m-3 [161] . Les enfants asthmatiques, recrutés aux urgences ont un risque accru de 39 % d’hospitalisation pour asthme lorsqu’ils sont exposés à leur domicile à des niveaux de formaldéhyde de 60 µg.m-3 ou plus par rapport aux enfants exposés à des niveaux plus faibles, inférieurs à 10 µg.m-3. Ces auteurs observent aussi pour une augmentation de 10 µg.m-3 du polluant, une élévation du risque de 3 % d’être hospitalisé pour asthme (ORa : 1,003 [1,002-1,004])[138]. Pour des enfants asthmatiques âgés entre 10 et 16 ans dont le diagnostic d’asthme a été posé au moins un an avant le début de l’étude, des associations significatives entre un score de symptômes et les niveaux de formaldéhyde sont retrouvées, suggérant un impact du formaldéhyde sur la sévérité de l’asthme[253] . En milieu scolaire, une association significative entre l’asthme et une augmentation de 10 µg.m-3 des niveaux extérieurs de formaldéhyde est obtenue après ajustement sur les niveaux d’autres polluants (ORa : 4,61 [1,09-19,5]) mais aucune association n’est observée avec les concentrations intérieures (ORa : 1,11 [0,55-2,23])[246]. De même, aucune association est retrouvée entre l’incidence 46 Effets respiratoires et allergiques du diagnostic d’asthme chez des enfants âgés entre 7 et 13 ans et les niveaux mesurés à l’intérieur des écoles. Néanmoins, parmi les enfants de statut non atopique au début de l’étude, en 1993, l’incidence du diagnostic d’asthme posé au cours de la période de suivi (1993–1997) est plus importante si les enfants ont été exposés à des niveaux élevés de formaldéhyde dans les salles de classe : pour une augmentation de 10 µg.m-3 de formaldéhyde, le risque est majoré de 70 % (ORa : 1,7 [1,1-2,6]) chez les enfants non atopiques alors que l’association est non significative chez les enfants atopiques en 1993 (0,6 [0,3-1,3])[177]. Dans l’étude transversale menée dans six villes françaises, aucune association n’est retrouvée avec les niveaux de formaldéhyde (discrétisés selon les terciles : 19,1, 28,4 µg.m-3) pour un asthme diagnostiqué ou des symptômes rapportés au cours des douze derniers mois chez les 6 590 écoliers, ainsi qu’en stratifiant sur le statut atopique (test cutané positif)[254]. Cependant pour des niveaux de formaldéhyde plus faibles, oscillant entre moins de 5,0 µg.m-3 et 10,0 µg.m-3, la probabilité de diagnostiquer de l’asthme est significativement plus élevée chez les enfants exposés à des niveaux élevés de formaldéhyde (ORa : 1,1 [1,01-1,2],p=0,04) [252] . Pour les niveaux en NO2, des tendances à un risque majoré sont observées. Dans une étude transversale australienne, si une association est retrouvée avec la cuisson au gaz (ORa : 2,23 [1,06-4,72]), une simple tendance avec les niveaux en NO2 (2,52 [0,99-6,42]) est obtenue[191] . Dans les quartiers pauvres des États-unis, aucune différence d’exposition au NO2 n’est mise en évidence entre les enfants asthmatiques et les autres (niveaux médians : 40,6 contre 39,3 µg.m-3 , p = 0,84) [182]. Dans l’étude de cohorte conduite dans sept villes japonaises, aucune association n’est retrouvée. Cependant en stratifiant sur le sexe, les filles sont plus à risque d’avoir de l’asthme en relation avec le NO2 (au moins deux épisodes de sifflements accompagné de dyspnée et un diagnostic médical ou une crise les deux années précédentes ou un traitement médical) que les garçons, mais cette association retrouvée au cours des deux première années de suivi n’est plus observée la troisième année[186]. Dans une étude cas-témoins coréenne, les niveaux domestiques en benzène différaient entre les cas et les témoins (MG (ETG) : 2,8 (2,6) contre 1,7 (2,7) µg.m-3) mais après ajustement sur les facteurs de risque, les niveaux ne sont plus prédictifs d’asthme (ORa : 1,0 [0,9-1,2] ; p=0,712) [194]
La rhinite
L’impact d’une exposition au formaldéhyde sur la rhinite est peu évaluée chez le jeune enfant. Les enfants asthmatiques ayant une rhinorrhée tendent à être exposés à des niveaux de formaldéhyde plus élevés que ceux ne présentant pas ce symptôme (32,5 contre 26,8 µg.m-3) [138] . D’autre part, une corrélation significative entre le nombre de symptômes déclarés et les niveaux mesurés dans les salles de classe est observée[190]. De même pour l’étude scolaire française, les niveaux élevés en formaldéhyde (supérieurs à 28,4 µg.m-3) sont positivement associés au symptôme de rhinorrhée accompagné de démangeaisons oculaire, en dehors d’une infection, par rapport aux enfants exposés à des niveaux inférieurs à 19,1 µg.m-3 [254]. Dans cette dernière étude, aucune relation n’est obtenue pour l’acétaldéhyde et l’acroléine. Au regard des données toxicologiques, les composés chimiques de l’air intérieur présentent des effets sur le système respiratoire, entraînant de ce fait des inquiétudes quant au danger potentiel à la pollution chimique. Les études sont réalisées dans des conditions contrôlées : expositions de courtes durées (quelques heures, répétées ou non) et les concentrations de polluants sont élevées (généralement plusieurs centaines de µg.m-3). Ces expositions contrôlées s’éloignent des conditions réelles d’exposition de la population générale dans le logement. La revue des résultats obtenus dans les études épidémiologiques montre que les niveaux d’exposition aux polluants retrouvés dans le milieu intérieur (logements ou écoles) peuvent provoquer des effets sanitaires chez le jeune enfant, même si les conclusions des études sont parfois divergentes. L’hétérogénéité des résultats est, en partie, liée aux différentes méthodologies des études. Tout d’abord, sur le plan sanitaire, les variables d’intérêt peuvent être issues d’examens clinico-biologiques (diagnostics, performances ventilatoires, dosage des IgE, etc.) ou encore être rapportées sur des auto-questionnaires. La multiplicité des outils pour évaluer l’impact sanitaire est sans nul doute à mettre en relation avec la complexité de la symptomatologie respiratoire chez le jeune enfant. Les auteurs ont plus souvent recours à une évaluation indirecte de l’exposition (utilisation de « proxy » d’exposition par questionnaire) qu’à une évaluation directe (campagnes de mesurages). La saison de mesure du polluant peut aussi expliquer la différence des résultats obtenus, certains composés chimiques ayant une variabilité saisonnière des niveaux. Enfin, outre la fenêtre d’exposition considérée, l’effet sanitaire des polluants peut différer selon l’âge, le sexe de l’enfant et son statut atopique. Heinrich[243] a proposé dans sa revue de 2011 une grille d’évaluation de la relation causale entre les facteurs environnementaux et le développement des pathologies respiratoires telles que l’asthme, chez l’enfant. Ainsi, pour la FTE, les éléments des études épidémiologiques sont suffisants quant à l’association entre l’exposition à la FTE et la survenue d’asthme dans l’enfance. En regroupant l’utilisation du gaz et le NO2, il n’existe pas assez de preuves pour conclure à la présence ou à l’absence d’une relation causale. Il en est de même pour le formaldéhyde et les COV. En effet, peu d’études ont encore évalué l’impact de ces deux familles de polluants et les résultats obtenus divergent. Par conséquent, la poursuite des travaux dans ce domaine est nécessaire pour une meilleure compréhension de l’impact sanitaire des composés chimiques retrouvés dans l’air intérieur, tel est l’objet de ce travail.
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