Exploration des écrits pertinents à la transition famille / école
Avant de présenter les approches d’intervention préconisées dans ce projet, il est indiqué d’explorer certains écrits permettant de mieux saisir la difficulté à laquelle ce stage s’intéresse. L’exploration du concept d’attachement (Shaw & Bell 1993; Sroufe 1983) mettra d’abord en lumière le rôle · majeur des parents en ce qui concerne le développement social de l’enfant. Ensuite, différentes études portent sur la difficulté reliée à la transition de l’enfant de sa famille à un autre milieu. Sur ce point, différents symptômes, causes et pistes de solution pour contrer cette difficulté seront présentés. L’exploration de ces écrits servira à établir une toile de fond au programme, tout en permettant l’identification d’idées pertinentes d’intervention.
L’attachement parent(s) 1 enfant a fait l’objet de plusieurs études recensées par Zazzo (1979). Celles-ci démontrent l’importance prédominante de la qualité des relations familiales en ce qui concerne l’ajustement psychosocial de l’enfant tout au long de son développement (Parker & Asher 1987). Par exemple, Rouillard et Schneider (1995) ont effectué une recherche qui démontre que pour un enfant de quinze à trente mois, une relation sécurisante avec la mère déclenche une suite de conduites prévisibles lors de la première séparation, soit à son départ pour la garderie. L’ensemble des études auxquelles on réfère précédemment justifie que la famille soit activement impliquée lors des interventions auprès des enfants. D’ailleurs, tout en considérant l’influence de l’environnement scolaire, la psychologue Hénault (1985) considère le bien-être de l’enfant comme grandement lié à celui de sa famille, et vice versa. Donc, au lieu de cibler uniquement l’enfant qui présente une difficulté, il juge nécessaire d’orienter aussi les interventions vers la famille.
Nadeau (1996) s’est intéressée à l’adaptation de l’enfant au début de sa scolarisation. Elle propose un ensemble de pistes concrètes permettant aux parents de développer chez leur enfant l’autonomie nécessaire à la réussite de leur entrée à l’école. Pour sa part, De Baleine (1997) donne quelques conseils pratiques aux parents dont l’enfant débute l’école. li les interroge tout spécialement concernant l’indépendance que l’école apportera à leur enfant, et ce, dans le but de les amener à réfléchir sur le rôle qu’ils auront à assumer à cet égard. Quant à Louis (1994), avant même le début des classes, il propose aux parents un ensemble de moyens préventifs qui devraient leur permettre de familiariser l’enfant à son nouveau milieu. Face au problème auquel vise à répondre ce stage, il semble indiqué de proposer ces trois écrits aux parents dont l’enfant est appelé à intégrer l’école. Une rencontre initiale avec ceux-ci au mois d’avril précédent le début des classes pourrait permettre de le faire.
Certains symptômes permettent d’identifier qu’un enfant éprouve des difficultés d’adaptation. En ce qui concerne la transition vers la première année, Waltman-Greenwood (1997) a décrit quelques manifestations auxquelles les éducateurs devraient être particulièrement attentifs: par exemple, lorsque l’enfant est déprimé ou craintif à l’idée d’aller en classe; qu’il feint d’être malade pour rester à la maison; qu’il se retrouve régulièrement à l’infirmerie ou au bureau du directeur; qu’il refuse de raconter sa journée quand il rentre le soir, … Lorsque la situation se présente, il propose des activités de prévention, telles que aller visiter la classe avant la fin de l’année scolaire, faire le trajet de la maison à l’école avec l’enfant, … Ces idées d’intervention sont susceptibles d’être utiles en tant que conseils aux parents lors de la démarche d’intervention ciblant leur enfant.
Afin de mieux comprendre les difficultés d’adaptation à ce nouveau milieu qu’est l’école, certaines causes ont été recensées par Davido (1986). Celle-ci retient trois hypothèses. La première est que l’enfant, par cette réaction négative, exprime le besoin d’être rassuré et réconforté par sa mère. Il est possible qu’il vive dans la hantise qu’elle soit peut-être trop occupée, donc pas à la maison. Il lui importe donc de savoir et de s’entendre dire par celle-ci qu’elle l’attendra au domicile tous les jours. Une seconde hypothèse est à l’effet que le parent se sente « coupable » de laisser l’enfant à l’école, afin de pouvoir reprendre le travail. C’est comme si la culpabilité et l’angoisse du parent déteignaient sur l’enfant, celui-ci étant en quelque sorte contaminé par son inquiétude. Sentant son parent préoccupé, l’enfant ne le trouve ni disponible, ni sécurisant. La troisième hypothèse est liée à la confiance que le parent a envers l’enseignant. S’il n’a pas suffisamment confiance en l’enseignant, l’enfant est susceptible d’exprimer sa méfiance par des pleurs.
Les hypothèses précédentes ont en commun le manque d’explications données à l’enfant par rapport à cette nouvelle vie qui se présente à lui (Davido, 1986). Cela a pour effet d’entraîner des inquiétudes, ce qui est pour lui source d’angoisse. Sur ce point, le pédiatre Osterrieth (1973) affirme qu’il est plus aisé d’obtenir la collaboration de l’enfant lorsqu’on a d’abord pris soin de lui fournir les explications que son âge autorise.
Deux idées d’intervention peuvent être dégagées de ce qui précède. En premier lieu, tant en ce qui concerne l’évaluation que l’intervention auprès de l’enfant, ce projet de stage préconise une conception relationnelle des situations 1 problèmes. En second lieu, il met de l’avant la nécessité de tenir l’enfant bien informé et de l’impliquer le plus possible dans l’intervention.
D’autres causes sont aussi à considérer. La psychologue clinicienne bien connue Laporte (1996) constate que la plupart du temps l’enfant qui a peur de l’école craint d’abord et avant tout de se séparer de ses parents, notamment de sa mère. Elle souligne d’ailleurs que la majorité des enfants phobiques de l’école demeurent à la maison avec leur mère. Par ailleurs, Du ru-Bellat et Moreau ( 1997) présentent leur recherche qui indique que l’enfant gardé par sa mère a de moins bonnes performances scolaires que l’enfant gardé par une assistante maternelle. Selon leurs observations, les mères qui gardent l’enfant au foyer ont un niveau d’instruction plus faible que les mères qui ont une activité professionnelle. Ces précisions s’apparentent tout à fait à la situation qui prévaut dans le milieu de stage concerné par ce projet.
La psychologue Browder (1997) note que beaucoup d’enfants craignent d’être séparés de leurs parents, surtout si leur famille vit des tensions. En voulant les sécuriser, les parents alimentent parfois de manière involontaire leurs appréhensions. Aussi, les adieux des premiers jours de classe sont d’une importance cruciale. Si les parents disent «Ne t’inquiète pas: en cas de problème, on peut être ici en 10 minutes», ils risquent que l’enfant appelle en larmes. Comme on le verra dans la présentation de l’approche interactionnelle, ce genre d’interactions a souvent pour effet malencontreux d’entretenir le problème.
Comme on l’a vu, en raison d’un contexte particulier, certains enfants présentent des difficultés d’intégration à leur entrée à l’école. Une recension d’écrits a certes permis d’identifier quelques avenues pertinentes d’explication et d’intervention, mais le problème n’est qu’en partie résolu pour l’enseignant qui se trouve confronté à de telles situations. La présence d’un ensemble de comportements inquiétants, voire aussi dérangeants, indique souvent que le développement de l’enfant peut être compromis. Il est donc important de s’en soucier et de bien explorer le sujet afin d’en dégager une procédure adaptée d’intervention au profit de ces enfants. Comme on le verra, l’approche interactionnelle et celle orientée vers les solutions ont été privilégiées pour ce stage en raison dè leur aspect pratique et économique eu égard aux intentions poursuivies.
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