Exploration de concepts de solution et évaluation de leurs impacts sur la réduction du risque de chute
Exploration des concepts de solution innovante pour réduire le risque de chute
À partir de l’identification des risques perçus sur la situation initiale et par chacune des parties prenantes, les concepteurs pourraient disposer de nouvelles informations pour mieux comprendre le problème et élaborer un cahier des charges plus complet. Pour proposer une nouvelle solution, ce cahier des charges devrait intégrer des spécifications qui permettent de réduire la probabilité d’occurrence des facteurs et sous-facteurs de risque. Une fois le cahier de charges défini, les équipes de conception pourraient commencer le processus de résolution du problème. Dans le cas de Monsieur A, qui présente un risque élevé de chute, les facteurs de risque les plus importants sont : les troubles de la marche et/ou de l’équilibre, la mauvaise configuration du lieu de vie et le manque d’activité. Afin réduire la probabilité du risque de chute de Monsieur A, différentes solutions pourraient être proposées. Certaines pourraient se focaliser sur l’augmentation des capacités de mobilité de la personne par rapport aux caractéristiques de son domicile. Par exemple : les déambulateurs, les cannes, les fauteuils roulants. Depuis quelques années, la pertinence des exosquelettes d’assistance à la marche est explorée et discutée (Damour and Sarthou-lajus 2018; Monaco et al. 2017). Un exosquelette est essentiellement une armure mécanique et robotique qui accompagne les mouvements d’une personne dans l’exercice d’une activité, en maintenant l’équilibre et en réduisant l’effort. D’autres solutions pourraient se concentrer sur l’adaptation de l’espace de vie aux capacités de la personne comme l’intégration des supports ou des barres, des sols antidérapants, les éclairages automatisés. Exploration de concepts de solution et évaluation de leurs impacts sur la réduction du risque de chute. Exploration des risques pour le maintien à domicile et l’impact de l’introduction… Nous souhaitons étudier l’impact qu’une solution peut avoir sur la réduction d’un risque. Pour cela, nous proposons d’utiliser le réseau bayésien présenté ci-dessus afin de simuler l’influence que les différentes caractéristiques d’une solution sur la probabilité du risque de chute. Pour faire cette illustration, nous avons retenu le cas particulier de Monsieur A. qui a une probabilité plus élevée de chuter que sa femme. Nous avons supposé qu’une équipe de conception, évaluant sa situation, a défini que la solution la plus appropriée est un exosquelette. La définition des caractéristiques spécifiques de ce dispositif pourrait être basée sur l’analyse des facteurs de risque évalués avec le réseau bayésien. Figure 18. Estimation du risque de chute Monsieur A – exosquelette avec système robotique (source : notre recherche) Par exemple, face aux difficultés d’équilibre et de marche, les concepteurs pourraient imaginer que l’exosquelette intègre un système robotique qui réduirait l’effort de la marche et aiderait la personne à maintenir son équilibre. En tenant compte de cette caractéristique et afin de simuler son impact sur la probabilité d’occurrence d’une chute, l’état du facteur TPC1 (Troubles de la marche et/ou de l’équilibre) dans le réseau bayésien peut être modifié. En Exploration des risques pour le maintien à domicile et l’impact de l’introduction… 104 effectuant ce calcul, il est possible de constater que le risque de chute serait réduit à 59% (Figure 18). Concernant la mauvaise configuration de l’espace de vie et compte tenu notamment des sols glissants, les concepteurs pourraient imaginer que l’exosquelette intègre une surface antidérapante en contact avec le sol. Partant de cette caractéristique, dans le réseau bayésien, nous avons modifié l’état du facteur EI2 (mauvaise configuration du lieu de vie). Ce changement se traduit par une réduction de la probabilité de chute 58% (voir Figure 19) Figure 19. Estimation du risque de chute Monsieur A – exosquelette avec surface antidérapante (source : notre recherche) Par rapport à la diminution de l’activité de la personne, les concepteurs pourraient intégrer un programme d’activités hebdomadaires à réaliser à domicile en utilisant l’exosquelette. L’impact de cette caractéristique de la solution est également simulé dans le réseau bayésien. L’état du facteur MH3 (Manque d’activité physique) est modifié, ce qui entraînerait une diminution de la probabilité du risque de chute à 58% (Figure 20). Exploration des risques pour le maintien à domicile et l’impact de l’introduction… 105 Figure 20. : Estimation du risque de chute Monsieur A – Exosquelette avec programme d’activités hebdomadaires (source : notre recherche) Enfin, si ces trois caractéristiques sont prises en compte dans la conception de l’exosquelette, il est possible d’estimer que le risque de chute de monsieur A serait de 50% (voir Figure 21). Tableau 18. La probabilité de chute après des améliorations (source : notre recherche) Probabilité chute Monsieur A Probabilité chute Madame M Situation initiale 63 % 47 % Exosquelette avec système robotique 59 % 43 % Exosquelette avec surface antidérapante 58 % Exosquelette avec programme d’activités hebdomadaires 58 % Exosquelette avec système robotique, surface antidérapante et programme d’activités hebdomadaires 50 % Le Tableau 18 résume l’impact que l’introduction de l’exosquelette et des différentes caractéristiques aurait sur la réduction du risque de chute de Madame M et Monsieur A. Dans le cas de Madame M, l’exosquelette pourrait réduire le risque de chute d’environ 4 %. Les Exploration des risques pour le maintien à domicile et l’impact de l’introduction… 106 différents changements apportés à cette solution ne contribueraient pas de manière significative à la réduction de ce risque. Figure 21. Estimation du risque de chute Monsieur A – exosquelette avec système robotique, surface antidérapante et programme d’activités hebdomadaires (source : notre recherche) Discussion Ce chapitre est consacré à la phase d’exploration des problèmes. Nous considérons que l’identification des risques peut contribuer à l’analyse des besoins et à une meilleure construction d’un cahier des charges de conception. Dans le contexte spécifique du maintien à domicile, nous avons identifié les risques auxquels les personnes âgées sont exposées dans leur habitat et nous avons évalué l’impact de l’introduction d’un concept de solution sur la réduction du risque de chute. Dans l’identification des risques, à la différence d’autres études (Berr et al. 2012; Stuck et al. 1999; Swift et al. 2017), nous n’avons pas seulement considéré les risques pour la santé physique et mentale, mais également les accidents domestiques, les problèmes financiers, la violence et autres. Ceux-ci ont été regroupés en neuf catégories. Chacun de ces risques représente un danger pour le bien-être de la personne âgée. Leur apparition peut accélérer Exploration des risques pour le maintien à domicile et l’impact de l’introduction… 107 l’occurrence d’autres risques, causer la perte d’autonomie, nuire au maintien à domicile, voire provoquer la mort. Comme les chutes constituent un risque grave pour le bien-être des personnes âgées à domicile, nous nous sommes concentrés sur l’estimation de la probabilité d’occurrence de ce risque. Cependant, l’évaluation de la gravité d’un risque est importante pour sa compréhension et son traitement (Maders and Masselin 2009). Des études ultérieures devraient intégrer cet aspect. La construction d’un modèle global d’évaluation de la probabilité d’occurrence de ces risques est une tâche complexe et nécessite beaucoup de temps. Nous avons construit et testé un modèle sur un périmètre limité, concernant l’un des risques les plus fréquents et les plus graves, la chute. Ce risque avait déjà été étudié (Leclerc et al. 2008; Pfortmueller et al. 2014; Rajagopalan et al. 2017; Rubenstein 2006), mais aucun modèle d’estimation impliquant divers types de facteurs de causalité n’a été proposé. L’identification des risques d’une personne à son domicile, implique de connaître les facteurs causaux de chacun d’eux et de les mettre en relation les uns avec les autres. Nous avons proposé un modèle d’estimation du risque de chute en utilisant la technique des réseaux bayésiens. Arbelaez avait déjà utilisé cette méthode pour estimer l’acceptabilité d’une innovation (Arbelaez Garces, Rakotondranaivo, and Bonjour 2016a). D’autres études ont utilisé la même technique pour estimer le risque de chute (Koshmak et al. 2014; Wang et al. 2016). Nous avons utilisé cette technique pour estimer le risque de chute en évaluant différents types de facteurs causaux. Les tableaux de probabilité conditionnelle du modèle bayésien ont été définis à partir de la littérature et complétés par un expert en gériatrie. Cette approche nous a permis de réaliser un premier modèle. Cependant, ces tableaux doivent être affinés, soit en intégrant l’avis d’autres experts, soit en utilisant des bases de données qui comportent les facteurs causaux du risque de chute. Pour illustrer notre modèle, nous avons récupéré des données obtenues lors d’une recherche réalisée au sein du laboratoire ERPI concernant l’étude de l’habitat de deux personnes âgées à leur domicile (Segarra Brufau 2015). Les informations disponibles dans cette étude ont été suffisantes pour renseigner le modèle que nous avons proposé et identifier la probabilité de chute pour ces deux personnes. Les résultats ont été différents pour chacun d’eux. Un des facteurs de différentiation est le fait qu’une de ces deux personnes a déjà fait une chute, ce qui a affecté sa mobilité et son hygiène de vie. Dans la littérature consultée, il a été constaté que les antécédents de chute augmentent la probabilité qu’une personne tombe à nouveau.