Exploration analytique de la microchimie fine de l’otolithe pour l’écologie et l’étude de la gestion des stocks des poissons coralliens de l’île de La Réunion

Exploration analytique de la microchimie fine de
l’otolithe pour l’écologie et l’étude de la gestion des
stocks des poissons coralliens de l’île de La Réunion

 Océan Indien L’océan Indien est délimité par le continent asiatique au Nord, par l’Océanie à l’Est et par le continent africain à l’Ouest. Il communique directement avec l’océan Antarctique au Sud, avec l’océan Atlantique par le cap des Aiguilles d’Afrique du Sud et avec l’océan Pacifique par le cap South West de Tasmanie et à travers l’Océanie (Figure 1). Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 21 Figure 1: Carte de localisation des sites d’études dans l’océan Indien : La Réunion, Les Maldives, les Iles Eparses (Juan De Nova, Europa) et Madagascar (Sainte-Marie). Au Nord, la présence du continent asiatique est à l’origine d’un basculement annuel des vents, c’est le régime des moussons. Ce régime spécifique est marqué par deux périodes distinctes qui ont pour conséquences de balancer les courants dominants d’Est en Ouest puis d’Ouest en Est au niveau de l’équateur. De décembre à avril, les vents de terre participent au développement du courant marin Nord équatorial (courant d’Est en Ouest vers le continent africain). De juin à octobre, le courant de mousson du sud-ouest domine dans la région équatoriale (Figure 2). Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 22 Figure 2: Le système des moussons dans l’océan Indien (Guyomard et al. 2006). Dans la partie équatoriale et tropicale du bassin océanique indien, les courants marins de surface sont poussés par les alizées qui créent une dynamique globale d’Est en Ouest (Wyrtki 1973). De part et d’autre du tropique du Capricorne, ces courants convergent du Nord et du Sud pour créer le courant sud équatorial. Ce flux de surface d’Est en Ouest se sépare au Nord du Canal du Mozambique (Tomczak & Godfrey 1994): 1) le courant du Mozambique longe la pointe Nord de Madagascar au niveau du Cap d’Ambre pour arriver aux Comores puis remonte vers le long des côtes africaines pour se transformer en courant Est africain. Dans le canal du Mozambique, le courant dominant résultant du Nord au Sud se décline par plusieurs gires tourbillonnantes. 2). Le courant Est malgache descend vers le Sud de Madagascar pour rejoindre le courant des Aiguilles où il se mêle au courant circumpolaire, entraînant une grande partie de ses eaux vers l’Est (Figure 3). Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 23 Figure 3: Représentation des courants de surface dans l’océan Indien en régime de mousson d’été (A) et de mousson d’hiver (B). Les différents courants de surfaces sont nommés d’après leur localisation et leur orientation: le courant Equatorial Sud (SEC), Les courants Nord-Est et Sud-Est Malgache (NEMC and SEMC), Le courant des Côtes Est Africaine (EACC), Le Courant des Somalies (SC), Les Gyres du Sud (SG) le Grand Tourbillon (GW), le Courant de Mousson du Sud-Ouest (SMC),le courant de Leeuwin (LC), le Contre-Courant Sud Equatorial (SECC), le Courant de Mousson de Nord Est (NMC) et le Courant du Sud de Java (SJC). (Schott et al. 2002). Ce régime général peut être localement perturbé par les cyclones qui surviennent entre novembre et avril. Ces phénomènes peuvent dévier les courants de surface sur une zone dont l’étendue dépend de l’intensité du cyclone (Crochelet 2010). La présence de nombreuses îles (Mascareignes, Comores, Seychelles, Iles Eparses) affecte également localement la courantologie par « effet d’île » qui selon l’intensité de la courantologie générale et le relief de l’île, peut concentrer les organismes marins dans la zone abritée du courant par l’île ou, si le courant est fort, peut entraîner l’effet inverse. Dans sa partie occidentale, l’océan Indien regroupe de nombreuses îles, depuis les Maldives au Nord jusqu’à l’archipel des Mascareignes au Sud. Ces îles, regroupées le plus souvent en archipel, sont réparties sur 6 états : Maldives, Comores, Seychelles, Maurice (avec Rodrigues), Madagascar et la France avec Mayotte, les îles Eparses et l’île de La Réunion. 

 Île de La Réunion

 L’île de La Réunion se situe dans le secteur Sud-Ouest de l’océan Indien par 55°30’ E et 21° S. Elle fait partie de l’archipel des Mascareignes qui regroupe l’île Maurice (170 km à l’Est) et l’île Rodrigues (800 km à l’Est) et se trouve à moins de 700 km de la côte Est de Madagascar. Construite à partir d’un point chaud du plancher océanique situé à 4 000 m de profondeur, cette île volcanique est formée de deux massifs : Le piton des neiges (3069 m, actuellement le plus haut sommet de l’océan Indien) apparu il y a 5 millions d’années s’est éteint il y a 12 000 ans alors que le piton de la fournaise A B Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 24 (2632 m), apparu à moins de 30 km au Sud-Est du piton des neiges 2 millions d’années plus tard, fait partie des volcans les plus actifs au monde. Toujours en évolution, l’île s’étend aujourd’hui sur 2512 km² pour un diamètre maximal de 70 km (Figure 1). L’île est caractérisée par un climat tropical humide où la saison sèche de mai à octobre alterne avec la saison des pluies de novembre à avril. Sous l’influence des alizés, le relief important et accidenté de l’île est à l’origine de nombreux micro-climats et d’une sectorisation importante des précipitations. Ainsi, la côte Est de l’île exposée directement aux alizés enregistre une pluviométrie record comme au site de Takamaka où 7000 mm d’eau par an peuvent être enregistrés ou sur les pentes du Piton de la Fournaise (Barcelo et al. 1997), alors que la côte ouest, plus protégée des houles océaniques, est fréquemment soumise à des épisodes de sécheresse (Figure 4). Figure 4: Carte du cumul des précipitations sur l’année 2012 à l’île de La Réunion (MeteoFrance 2012) Ce phénomène va définir en grande partie la répartition des différents biotopes terrestres et marins. La jeune île volcanique de La Réunion est entièrement formée de basalte issu de deux massifs volcaniques (Figure 5). Les reliefs de l’île sont souvent abrupts (cirques et caldeira) issus de l’effondrement de l’ancien cratère du piton des neiges mais également de l’érosion intense de sa surface Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 25 par des pluies tropicales parmi les plus importantes au monde (MeteoFrance 2012). Sur la bande littorale, 106 km de côte sont des falaises rocheuses et côtes rocheuses plates. Les 110km restant sont des zones sédimentaires faites de cordons de galets, de plages de sable noir basaltique de cordons littoraux alluvionnaires et pour 25km de linéaire, de plages de sables coralliens (BRGM 2006). La présente étude s’est déroulée dans une zone sableuse, la baie de Saint-Paul et sur les 4 unités récifales de la côte Ouest. Nous nous intéressons alors à ces deux zones en particulier. Figure 5: Situation géographique de l’île de La Réunion. Principaux biotopes littoraux sous-marins rencontrés sur le pourtour de l’île. Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 2

Zones récifales 

Les quatre récifs frangeants de l’île de La Réunion sont répartis sur la côte Ouest entre le Cap La Houssaye au nord et Grand Bois au Sud avec l’unité récifale de Saint-Gilles – La Saline (14 km de long, 300 m de large), le récif de Saint-Leu (7 km de long, 250 m de large), le récif d’Etang Salé (1 km de long, 250 m de large) et le récif de Saint-Pierre (3 km de long, 200 m de large). Ces jeunes récifs frangeants sont développés sur 12 km² et décomposés en trois unités géomorphologies : la pente externe, le platier récifal et la dépression d’arrière récif. La pente externe est tournée vers le large. Toujours immergée, elle constitue la zone de croissance du récif corallien où les colonies croissent vers la lumière du soleil. Au plus près de la surface à près de 0,5 m à marée haute, le platier récifal est la partie horizontale du récif, bioconstruite à l’intérieur du récif frangeant. Le platier externe près du front récifal est soumis à un hydrodynamisme souvent violent en période de vent cyclonique et de fortes houles australes. La dépression d’arrière-récif, faisant suite au platier, correspond à une bande allant jusqu’à 300m de largeur principalement bio-détritique, parsemée de formations coralliennes (Figure 6). Figure 6: Coupe d’un récif corallien frangeant. Les différentes parties constituantes sont indiquées (D’après Montaggioni & Faure 1980; Lieske & Myers 2005). Chacun de ces secteurs du récif corallien va jouer des rôles écologiques différents dans le développement des espèces en offrant un habitat et une complexité tels que la biodiversité marine va être maximale sur ces écosystèmes marins (Figure 7). Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 27 Figure 7: Vue sous-marine du récif corallien de La Réunion (site de la grande ravine) 

 Zones sableuses

 La zone sableuse de Saint-Paul est une baie enclavée au nord des 4 principales formations coralliennes de l’île de La Réunion. Longue de 8km, elle est délimitée au nord par le banc récifal de la Pointe des Galets. Les fonds de la baie sont entièrement constitués de sable noir issu de l’érosion du basalte volcanique du plancher de l’île (Troadec 1991) offrant un paysage et un habitat pauvre pour les organismes (Figure 8). Les travaux de thèse de Troadec (1991) font état de différents courants dans la baie de Saint-Paul qui s’établissent en fonction du régime des vents dominants. Les courants de flots et de jusant sous l’influence des Alizés de Nord-Est sont associés à des vortex au centre de la baie sous l’influence des brises de terre. Cette courantologie peut alors être à l’origine d’un phénomène de rétention de larves dans ce secteur. Figure 8: Paysage sous-marin en baie de Saint-Paul, île de la Réunion. Quelques structures abandonnées offrent un habitat aux poissons coralliens. 

 Espace de gestion

 Depuis 1997, l’association Parc Marin de La Réunion a mis en œuvre pendant 10 ans études et réunions de concertation pour travailler dans le sens d’une gestion raisonnée des récifs coralliens de l’île. Le périmètre de réglementation des activités a été réalisé et mis en place par la Direction Régionale de l’Environnement de La Réunion (DIREN Réunion) en février 2006. Depuis, l’association Parc Marin, devenue Groupement d’Intérêt Public Réserve Naturelle Marine de La Réunion (RNMR) en décembre 2007, est gestionnaire de cette réserve naturelle. Pendant les 15 années prévues de vie du GIP-RNMR, les communes ou collectivités des arrondissements de l’Ouest et du Sud peuvent intégrer le GIP, rejoignant ainsi les communes de Saint-Paul, Saint-Leu, Trois Bassins, Les Avirons et Etang-Salé qui chaque année, fixe leur part de financement du projet avec l’Etat et la Région Réunion. Le cadre géographique de la Réserve marine se situe sur la côte Ouest de l’île, depuis le Cap La Houssaye au nord jusqu’à la roche aux oiseaux au sud (Figure 9). Elle concerne les littoraux des communes de Saint-Paul, Trois-Bassins, Saint-Leu, Les Avirons et Etang-Salé. Côté terre, la réserve s’étend jusqu’aux zones recouvertes par les eaux des plus grandes marées. Les limites extérieures en mer suivent grossièrement l’isobathe -50 m délimitant une zone d’environ 35 km² sur 40 km de linéaire côtier dont environ 20 km de récif corallien. Cette surface maritime est subdivisée en 4 couches de réglementations encadrant la pratique des activités maritimes : – La zone 1, périmètre général à l’ensemble de la réserve interdit l’accès aux activités qui produisent des nuisances majeures : marcher sur le corail, ramasser des coraux et autres organismes provenant de la mer,, perturber la faune, abandonner des détritus, provoquer des perturbations sonores, feux et tags, circulation de véhicules terrestres motorisés, rejets polluants, pêches destructrices, survol aérien à moins de 300 m, perturbations lumineuses, franchissement de la barrière, mouillage sur moins de 30 mètres de fond et les concours de pêche. D’autres activités restent réglementées. – La zone 2A est une zone de protection renforcée où les activités agressives pour le milieu et les prélèvements sont interdits : circulation à moteur sur le récif, pêche sous-marine, pêche professionnelle ou de loisir et pêche à la ligne excepté la gaulette autorisée sur les côtes rocheuses et plage de sable noir. Une dérogation permet la pratique de la pêche traditionnelle à pied pour 800 personnes sur certaines portions des trois platiers de la RNMR. La découverte et la connaissance des richesses du récif (plongée sous-marine et activités de découverte du récif) sont également réglementées. La pêche professionnelle est réglementée et adaptée sur certaines portions de la barrière récifale (Zone 2B). Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 29 – La zone 3 interdit toute activité. C’est une zone sanctuaire de protection intégrale qui constitue un point de référence pour la résilience de l’écosystème face à l’absence d’activités. Figure 9: Zones de réglementation de la Réserve Naturelle Marine de La Réunion (Source DIREN) Thèse de doctorat Chapitre I Antoine Riou 

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 Madagascar, Maldives et Iles Eparses 

Au terme de notre étude, nous souhaitons positionner nos résultats dans le contexte de celui de l’océan Indien. Pour cela, 4 sites sont sélectionnés dans l’océan Indien : Les Iles Eparses Europa et Juan De Nova, les Maldives et l’île de Sainte-Marie à Madagascar. Les Iles Eparses sont un ensemble de cinq îles coralliennes réparties autour de Madagascar avec, à l’ouest dans le canal du Mozambique : Europa, Bassas da India, Juan de Nova, Glorieuses, et à l’Est de Madagascar, Tromelin (Figure 1). Regroupées sous la direction des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), elles accueillent un petit groupe temporaire de militaires, gendarmes et météorologues. Ces terrains militaires isolés de toute activité humaine dans un rayon de 200 km constituent dans la zone de l’océan Indien de l’ouest des observatoires du changement climatique. En effet, ces îles représentent des sites de référence de milieux non perturbés. C’est dans ce sens que nous intéresserons aux îles de Juan de Nova et d’Europa. Ces deux îles possèdent une terre émergée ceinturée d’une barrière corallienne. Le lagon, plus vaste à Juan De Nova, abrite une biodiversité et biomasse des plus importantes dans l’océan Indien (Chabanet et al. 2015). Les Maldives sont un archipel d’îles et atolls coralliens s’étendant du Nord au Sud dans le prolongement de la péninsule indienne sur 800km de longueur. La population se concentre sur quelques îles et vit principalement du tourisme et de la pêche. Cette activité est réglementée sur l’ensemble des fonds coralliens où l’exploitation par technique industrielle est interdite. Cela n’est cependant pas suffisant pour constater une diminution du nombre de prises et de leur taille. L’archipel des Maldives constitue un point de comparaison d’écosystèmes coralliens au stade atoll avec les Iles Eparses mais exploité de façon traditionnelle et soutenue. A Madagascar, les ressources halieutiques sont très exploitées. Bordée sur la côte ouest de récifs coralliens, la 4ème plus grande île du monde abrite des ressources halieutiques pouvant être localement fortement exploitées. En revanche, les apports terrigènes faisant suite aux évènements météorologiques (pluies cycloniques) et anthropiques (déforestation, extraction des coraux) sont plus nombreux que sur les îles Eparses et aux Maldives. Le site de Sainte-Marie, situé sur la côte Nord Est, représente alors un point de comparaison de l’étude pour écosystèmes ne subissant pas une forte pression de pêche mais étant affecté par une mauvaise gestion des activités humaines. 

 Espèces cibles 

Dans chacun des sites d’étude, nous avons sélectionné trois espèces qui allient au mieux la représentativité des communautés de poissons récifaux, la quantité d’individu disponibles et leur distribution géographique dans la zone Indopacifique pour une meilleure comparabilité. Ainsi, 3 représentants des Ostéichtyens (Classe des Actinoptérygiens, Infra-Classe des Téléostéens, Super Ordre des Actinoptérygiens et Ordre des Perciformes) ont été choisis

Acanthurus triostegus 

Acanthurus triostegus Linneaus, 1758 Famille des Acanthuridés Herbivore Chirurgien bagnard ; Lonchan Acanthurus triostegus (Figure 10) est une espèce tropicale très répandue sur tout le bassin Indopacifique. On le trouve dans les lagons, sur les pentes récifales et parfois aux abords des estuaires des rivières où il broute les algues (Randall 1986). D’une taille moyenne de 17 cm, il peut atteindre jusqu’à 27 cm (Krupp 1995). Très aplatit latéralement, ses écailles gris clair virant sur le jaune sur son dos sont rayés de 6 bandes noires verticales dont 1 sur sa tête traversant ses yeux et 1 sur le pédoncule caudale qui cache une écaille érectile coupante (Randall 1956). Les larves naissent d’œufs pélagiques et se métamorphosent en juvénile autour de 3,2 cm (Krupp 1995). Les juvéniles préfèreront vivre en premier temps dans les eaux très peu profondes des lagons et même dans les cuvettes de marée. Une fois à maturité, autour de 7,5 cm, les individus s’agrègent pour émettre leur gamètes de façon synchronisée dans la colonne d’eau (Domeier & Colin 1997). A La Réunion, cette espèce est occasionnellement exploitée par pêche traditionnelle pour une consommation personnelle (Fleury et al. 2012) et une revente à un prix moyen (Sumaila et al. 2007). Encore peu étudiée à La Réunion, elle fait néanmoins l’objet d’études internationales approfondies de par son abondance et sa large répartition à travers le monde.

Epinephelus merra 

 Epinephelus merra Bloch, 1793 Famille des Serranidés Carnivore Mérou gâteau de cire, macabit Epinephelus merra (Figure 11) est une espèce tropicale commune présente dans l’Indopacifique. Ce petit mérou fréquente les lagons et les pentes externes des récifs coralliens jusqu’à 50 mètres de profondeurs. D’une taille moyenne de 19 cm et pouvant atteindre jusqu’à 31 cm (Lieske & Myers 2005), il est identifiable à sa peau beige parsemée de tâches hexagonales rouge-brun et beiges en alternance par bandes verticales qui s’arrondissent et se raréfient sur la face ventrale du corps et peuvent parfois se coller. Ces motifs lui permettent de se camoufler pour chasser à l’affut et échapper à ses prédateurs (Randall & Heemstra 1993; Taquet & Diringer 2007). Espèce ovipare, les œufs fécondés et éclos donnent naissance à des larves pélagiques qui se métamorphosent au bout d’une soixantaine de jours en juvénile (Leis 1987; Jagadis et al. 2006). Une fois installés sur les récifs coralliens, les individus se développeront pour atteindre leur maturité sexuelle au bout de 3 à 5 ans, entre 18 et 20 cm en moyenne (Heemstra & Randall 1993; Bhandari et al. 2003; Bhandari et al. 2005; Bhandari et al. 2006). D’abord femelle, cette espèce hermaphrodite protogyne se transformera ensuite en mâle. Les individus matures se regroupent pendant les 3-4 premiers jours de pleine lune en saison de reproduction (Randall & Heemstra 1991; Heemstra & Randall 1993; Lee et al. 2002), entre janvier et avril à La Réunion (Bourjea et al. 2012). En dehors de cette saison, les individus solitaires et grégaires chassent à l’affut, le plus souvent la nuit. Il se nourrit principalement de crustacés et de poissons en proportion variable. Il peut même parfois devenir cannibale en période de raréfaction des ressources (Harmelin-Vivien & Bouchon 1976; Quinitio & Toledo 1991). Espèce commune et très prisée par les réunionnais, elle représente 43 % des prises des pêcheurs traditionnels dans la Réserve Naturelle Marine de La Réunion entre 2008 et 2011 (Fleury et al. 2012) pour une consommation familiale et ou une commercialisation à un prix élevé, autour de 20 euros par kilo (Sumaila et al. 2007). Son abondance, sa place de prédateur dans la chaîne trophique et son intérêt patrimonial en fait une espèce d’intérêt scientifique pour les recherches menées à La Réunion (Letourneur et al. 1998; Durville 2002; Pothin et al. 2004; Riou 2009). 

 Plectroglyphidodon imparipennis 

Plectroglyphidodon imparipennis Vaillant & Sauvage, 1875 Familles des Pomacentridés Omnivore Demoiselle aux yeux clairs Plectroglyphidodon imparipennis (Figure 12) est une petite demoiselle de l’Indopacifique que l’on trouve uniquement sur les zones de déferlement des vagues des barrières récifales coralliennes, à proximité de petites cavités (Myers 1991). De petite taille, son corps de couleur gris clair terminé par un pédoncule caudal jaune peut atteindre jusqu’à 6 cm (Allen 1986). Seuls ses yeux sont rayés d’une bande noire verticale. Territoriale et omnivore, elle se nourrit d’algues. Cette espèce a été très peu étudiée (Lobel 1997). Les larves naissent d’œufs fixés sur le substrat que le mâle a aéré et gardé pendant toute la période d’incubation (Breder & Rosen 1996). Peu de choses sont connues sur le développement des jeunes. En saison de reproduction, un couple mâle femelle se forme et protège sa progéniture jusqu’à éclosion. 

 Paramètres biologiques 

Cette étude a été rendue possible grâce à la collecte de matériel biologique par plusieurs équipes durant différents programmes de recherche. Les paramètres biologiques ont été étudiés à travers la biométrie des poissons et l’analyse de leurs otolithes. 

Biométrie 

Afin de caractériser les poissons capturés, différents paramètres biométriques ont été relevés dans le but de caractériser la condition physique des individus à chaque étape de prélèvement. La masse de chaque poisson a ainsi été mesurée au milligramme près au moyen d’une balance de précision. La longueur standard (du museau à la fourche de la nageoire caudale), la longueur totale (du museau au bout de la nageoire caudale), et la hauteur maximale du corps ont été mesurées au millimètre près avec un pied à coulisse. Ces paramètres donnent ainsi un indice de l’embonpoint d’un individu et permet de le situer sur une courbe de croissance. 

Otolithes 

Généralités 

Les otolithes (du grec oto : oreille et lithos : la pierre) sont des concrétions calcifiées situées dans les oreilles internes gauche et droite des poissons Téléostéens (Lecomte-Finiger 1999). Ils interviennent à la fois dans le système auditif mais surtout au sein du système vestibulaire qui renseigne le poisson sur sa situation spatiale et ses mouvements afin de maintenir son équilibre et sa position (Panfili et al. 2002a; Popper et al. 2005). Chaque oreille interne est un ensemble complexe de canaux reliant 3 compartiments remplis d’un liquide visqueux, l’endolymphe. Ces 3 cavités, le sacculus (saccule), l’utriculus (utricule) et la lagena, sont constituées d’une macula sensorielle couverte par une membrane qui innerve l’otolithe. Elles contiennent chacune un otolithe, respectivement la sagitta, la lapilus et l’astericus (Wright et al. 2002). (Figure 13). Figure 13: Schéma de la position des otolithes à l’intérieur de la capsule céphalique des téléostéens (A) et dans l’oreille interne (Modifié d’après Secor et al. 1992). La sagitta est, dans la plupart des cas, le plus gros des 3 otolithes et apparaît en premier dans le développement des larves. C’est pourquoi, elle est très généralement utilisée dans la grande majorité des analyses otolithométriques (Panfili et al. 2002b). Dans la suite du document, pour plus de commodité, les sagittae seront couramment désignées par le terme générique « otolithes ». Les otolithes ont une grande diversité de forme d’une espèce à l’autre (Popper et al. 2005), ce qui leur confère une première propriété à identifier les espèces dans les contenus stomacaux de prédateurs par exemple. Les paires d’otolithes sont souvent symétriques. Généralement compressées le long de l’axe dorso-ventral, la face concave est dite distale car orientée vers l’extérieur du poisson. Sa face interne proximale, convexe, est creusée par une gouttière appelée sulcus acusticus (sillon acoustique) servant de point d’insertion des nerfs reliés à la macula (Dunkelberger et al. 1980; Fay 1980; Platt & Popper 1981). De par cette forme particulière, les otolithes présentent trois plans d’orientation : sagittal, frontal et transversal. (Figure 14). 

Table des matières

SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I METHODOLOGIE GENERALE
I.1 Sites d’étude
I.1.1 Océan Indien
I.1.2 Île de La Réunion
I.1.3 Madagascar, Maldives et Iles Eparses
I.2 Espèces cibles
I.2.1 Acanthurus triostegus
I.2.2 Epinephelus merra
I.2.3 Plectroglyphidodon imparipennis
I.3 Paramètres biologiques
I.3.1 Biométrie
I.3.2 Otolithes
I.3.3 Analyse de l’environnement
I.3.4 Analyse des données
CHAPITRE II VARIATIONS DE LA COMPOSITION CHIMIQUE DES OTOLITHES A LA REUNION
II.1 Utilité de la chimie des otolithes pour déterminer les histoires de vie d’Epinephelus merra à La Réunion
II.2 Synthèse
CHAPITRE III SPECIFICITE ET TEMPORALITE DE LA COMPOSITION CHIMIQUE DES OTOLITHES
III.1 Programme POLARUN
III.1.1 Méthodologie
III.1.2 Caractérisation des flux larvaires
III.2 Etude spatiale et temporelle de la composition microchimique des otolithes
d’Acanthurus triostegus et Plectroglyphidodon imparipennis à La Réunion
III.3 Synthèse
CHAPITRE IV PERTINENCE DU BARYUM DANS LA
MICROCHIMIE DES OTOLITHES
IV.1 A La Réunion
IV.1.1 Histoire des larves d’Epinephelus merra lors d’un recrutement exceptionnel dans la baie de Saint-Paul (Ile de La Reunion)
IV.1.2 Synthèse
IV.2 Dans l’océan Indien
IV.2.1 Diversité de la microchimie des otolithes d’Epinephelus merra à Madagascar, aux Maldives et Iles Eparses
IV.2.2 Synthèse
CHAPITRE V LA MICROCHIMIE DES OTOLITHES, UN OUTIL D’AIDE A LA GESTION ?
RÉFÉRENCES
RESUME

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