Pour choisir ce que nous mangerons, et qui deviendra partie intégrante de notre corps, nous exigeons que le produit soit non seulement bon pour notre santé, mais aussi soit désirable, donc d’une couleur séduisante et qui nous semble « normale». Et nos fournisseurs, maraîchers ou industriels, nous offrent les produits qui excitent notre imaginaire et répondent à nos critères conscients et inconscients : fruits et légumes sélectionnés pour leur aspect plutôt que pour leur saveur, saumon fumé d’un joli rose, sirop de menthe d’un vert franc (alors qu’il est naturellement incolore), etc.
Depuis des temps reculés, l’homme a coloré ses mets, par les produits naturels comme les végétaux comestibles (carotte, betterave,…) et les extraits d’origine animale ou végétale non habituellement consommées (comme rouge cochenille provenant d’un insecte d’Amérique centrale (Coccus Cacti), stigmate de crocus (safran), afin de provoquer l’appétence du consommateur.
La couleur est l’une des qualités premières d’un aliment qui donnera envie de le manger. Elle est associée aussi bien à une saveur spécifique qu’à l’intensité de cette saveur. D’où l’utilisation de colorants, que d’ailleurs nos grands-mères utilisaient spontanément en badigeonnant leurs brioches et leurs rôtis en croûte de jaune d’œuf afin de les rendre encore plus tentants. Ces colorants alimentaires sont largement utilisés dans notre quotidien, pour colorer les pâtisseries, les produits laitiers, les boissons, les confiseries, les excipients des médicaments, les charcuteries, le caviar,…
GENERALITES SUR LES COLORANTS
HISTORIQUE
Vers 15000 ans avant Jésus-Christ (période de paléolithique) les premiers colorants étaient des colorants naturels ou des pigments minéraux utilisés dans les grottes de Lascaux comme le charbon de bois d’os ou argile : c’est un charbon minéral ou encore de l’oxyde de manganèse, les oxydes de fer pour les jaunes, les ocres et les rouges, les oxydes de manganèse pour les bruns. Vers 1500 avant Jésus-Christ, les Egyptiens utilisaient le safran (jaune), le pastel (bleu), la garance (rouge) comme colorants. Dès 1834, les chimistes Runge avait indiqué comme réaction caractéristique de l’aniline, la couleur pourpre qu’elle donne avec le chlorure de calcium et la couleur violette qu’elle prend lorsqu’elle est chauffée en présence de chlorure d’or. Malheureusement ces faits passèrent inaperçus. Dix ans plutard, le chimiste Allemand A.W Hoffman confirma ces observations donnant les premières applications industrielles. Jusqu’ en 1850, il n’y a que des colorants naturels qui sont utilisés dans les aliments comme la chlorophylle pour le vert, la peau de raisin noir pour le noir, la carotte pour l’orange, la betterave pour le rouge,… En 1856 le chimiste Anglais William Perkin synthétisa comme par hasard «la mauvéine » (ou pourpre d’aniline ou violet d’aniline), qui était le premier colorant artificiel : c’est un colorant des textiles. En 1859, Verguin, chimiste français, fit la synthèse de la « fuchsine» (couleur rouge magenta) à partir de la toluidine. D’autres colorants seront également obtenus à partir de ce colorant.
La chimie des colorants se développa alors très rapidement ; citons quelques dates:
P.Griess, obtenait les premiers colorants diazoïques à partir de l’aniline et du phénol, en 1862.
En 1863, c’est la fabrication du violet et du violet d’Hoffman.
La fabrication du bleu de Bismarcket du vert d’iode est apparue en 1865. En 1867, c’était la synthèse du violet de Paris. Il y a aussi une synthèse de l’alizarine, en 1868, par Graebe et Libermann ;
C’est en 1882, que le premier colorant alimentaire synthétique apparu : « le jaune quinoléine» .
D’autres colorants synthétiques remplacent peu à peu les colorants naturels.
Aujourd’hui, la synthèse, la fabrication et les applications pratiques des colorants font l’objet de très importantes recherches:
-dans l’industrie textile
-dans l’industrie photographique
-dans l’industrie cosmétique et pharmaceutique
-dans l’industrie des matières plastiques
-dans l’industrie agroalimentaire,
-…..
DEFINITIONS
Lorsqu’on introduit le concept de teinture, il ne faut pas amalgamer les notions de colorant et de pigment. Même si tous les deux se présentent sous une même forme, avec des structures chimiques parfois similaires, ils se diffèrent pourtant dans leurs propriétés et leur utilisation. Le critère de nuance est leur solubilité en milieu aqueux :
– un colorant est soluble dans le milieu qu’il colore. Chaque molécule forme une liaison avec le substrat. On applique des colorants aux textiles, aux papiers, au cuir, aux aliments,….
– un pigment est insoluble dans le milieu qu’il colore ; il forme une suspension. Il constitue souvent des agrégats de molécules prisonniers dans le milieu du fait de leur taille.
Les pigments colorent les peintures, les encres, les plastiques,….
Les colorants alimentaires sont des additifs alimentaires qui sont ajoutés aux aliments essentiellement pour les raisons suivantes :
– Compenser les pertes de couleur dues à l’exposition à la lumière, à l’air, à l’humidité et aux variations de température ;
– Renforcer les couleurs naturelles ;
– Ajouter de la couleur à la surface des aliments qui, dans le cas contraire, n’auraient pas de couleur ou une couleur différente.
Les colorants alimentaires sont donc des substances qui ajoutent ou redonnent de la couleur à des denrées alimentaires. Ils peuvent s’agir de constituants naturels de denrée alimentaire ou d’autres sources naturelles, qui ne sont pas normalement consommés comme aliment en soi et qui ne sont pas habituellement utilisés comme ingrédients caractéristiques des aliments.
EXIGENCE ET COMPROMIS DES COLORANTS
Stabilité des colorants
Le produit obtenu doit avoir un pouvoir colorant sûr, stable, reproductible, fidèle et efficace. Des quantités faibles doivent être utilisées afin d’avoir une solubilité et une fixation correcte aux molécules alimentaires. La stabilité des colorants est dépendante de différents facteurs comme la lumière, le pH, la chaleur et l’activité d’enzymes.
Les colorants alimentaires les plus instables sont les colorants naturels qui sont particulièrement sensibles à la composition de l’aliment, aux conditions du procédé et à l’emballage. Les principaux facteurs qui interviennent sont les suivants :
– La lumière : l’exposition à la lumière ou au rayonnement UV entraîne des décolorations importantes par modification au niveau des doubles liaisons. Ceci affecte en particulier les boissons et les jus de fruits ; la nature de l’emballage joue donc un rôle prépondérant.
– Le pH : certains colorants comme les caroténoïdes et la curcumine ne sont pas influencés. Pour les colorants affectés, les effets sont, outre un changement de couleur, des dépôts à pH faible.
– La chaleur : Certains colorants (les plus stables) peuvent résister une température élevée. Par exemple, le caroténoïde résiste à des températures jusqu’au 100°C.
– Les oxydations enzymatiques : les enzymes (en particulier la polyphénoloxydase responsable du brunissement des fruits) ont pour effet de dégrader un certain nombre de colorant particulièrement sensibles. Ces oxydations sont le plus souvent catalysées par la présence d’ions métalliques bivalents (fer, cuivre,…). L’activité des enzymes peut être inhibée par un traitement ou une conservation à l’abri de l’oxygène.
INTRODUCTION |