Excitation résonante de boîtes quantiques pour la génération d’états non-classiques de la lumière

Excitation résonante de boîtes quantiques pour
la génération d’états non-classiques de la lumière

Quelques notions utiles

  Un bit quantique

 En information classique, l’information est codée sous forme de 1 et de 0, que l’on nomme bit. Ces bits sont comparables à des circuits électriques (figure 1.1 (a)) : 1 le circuit est fermé et la lampe est allumée ; 0 le circuit est ouvert la lampe est éteinte. Une succession de 0 et de 1 code alors une séquence où la lampe est successivement éteinte ou allumée. Avec la bonne clé de déchiffrage (code morse ou ASCII par exemple), on peut alors transcrire une série de bits en un message intelligible. En information quantique, la notion de bit existe toujours mais on parle de qubit, pour « quantum bit ». Tout comme son équivalent classique, un qubit est défini 15 16 Contexte général 0 1 + – + – |0> + |1> + – ? a) b) Figure 1.1 – a) Schématisation des bits classiques par un circuit électrique ouvert ou fermé. b) Cette schématisation n’a pas son équivalent quantique où l’ampoule serait à la fois allumée et éteinte dans le cas d’un état superposé |0i + |1i. à partir d’un système à deux niveaux qu’on note |0i ou |1i. Cependant, à la différence des bits classiques, les qubits peuvent également se trouver dans une superposition de |0i et de |1i, par exemple dans l’état |ψi : |ψi = α|0i + β|1i (1.1) où α et β sont deux nombres complexes et obéissent à la condition de normalisation |α| 2 + |β| 2 = 1. On dit alors que le qubit est un état superposé de |0i et de |1i. Contrairement à la mécanique classique, cette superposition ne signifie pas un « ou » mais un « et » : l’état est à la fois |0i et |1i, avec un poids respectif α et β. Cette superposition d’états est incompatible avec le monde classique (figure 1.1 (b)), mais ce problème est résolu par la notion de mesure quantique : lorsqu’on fait une mesure d’une observable physique, l’état du système est projeté sur un état propre de l’opérateur associé. Par exemple, dans la base (|0i,|1i), le résultat de la mesure sera soit 0 avec une probabilité |α| 2 soit 1 avec une probabilité |β| 2 . Si on a mesuré 0, alors après la mesure l’état du qubit sera |0i. Il est important ici de noter qu’en mécanique quantique, l’état et son évolution sont déterministes, seule sa mesure est probabiliste. Comme la mécanique quantique autorise la superposition d’états, elle permet la mesure sur une base différente de la base d’origine. Prenons par exemple la base composée des vecteurs |+i = (|0i + |1i)/ √ 2 et |−i = (|0i − |1i)/ √ 2. L’état s’écrit alors : |ψi = α + β √ 2 |+i + α − β √ 2 |−i (1.2) La mesure sur cette base donne à nouveau un résultat probabiliste, avec des probabilités Contexte général 17 différentes. Une fois la mesure effectuée, la mécanique quantique prévoit que l’état soit projeté sur l’état propre correspondant à la mesure, c’est-à-dire que si le résultat de la mesure est +, alors après la mesure |ψi = |+i. Si maintenant on effectue la mesure sur cet état dans la base initiale, la probabilité de mesure sera donnée par l’état |+i, c’est à dire qu’il y aura 50% de chance de trouver 1 et 50% de trouver 0. Les autres propriétés importantes des qubits (ou des états quantiques en général) sont [25] : — Théorème de non-clonage : Il est impossible de dupliquer un état quantique de manière absolue. Soit il est nécessaire de détruire l’état que l’on souhaite dupliquer, soit l’état est reproduit avec des incertitudes. — Un état à plusieurs qubits peut être intriqué ou factorisé. Un état classique sera toujours factorisé, c’est-à-dire que la mesure d’un bit ne donne pas d’information sur la nature de l’autre bit. En revanche, un état quantique peut être intriqué : la mesure de l’état d’un qubit projette l’autre qubit dans un état déterminé, et cela peu importe la base de la mesure. 

 Utilisation des bits quantiques pour l’information quantique

 Ces propriétés des bits quantiques permettent de mettre au point des protocoles pour l’information quantique. Les plus couramment cités sont la simulation quantique [26] et la cryptographie quantique [3]. Pour la simulation quantique, on utilise le caractère probabiliste de la mesure quantique. Ainsi, un système quantique permettra de simuler avec une fidélité maximale une suite d’événements aléatoires, alors que les protocoles classiques de génération de nombres aléatoires sont souvent « pipés » (il est possible de prédire le prochain nombre généré si on connait les précédents). La cryptographie quantique consiste à envoyer une clé de cryptage par un canal quantique. Cette clé servira ensuite à décrypter un message codé envoyé suivant un canal public. Les protocoles de cryptographie quantiques sont théoriquement inviolables par la nature même des bits quantiques. Nous allons détailler un exemple de protocole, le protocole BB84 [27] : 0. Alice et Bob veulent s’échanger des messages codés sans être espionnés par Eve (figure 1.2). Pour cela ils vont s’échanger une clé par un canal quantique. Alice choisit une clé composée de 0 et de 1. 1. Elle encode aléatoirement sa clé sur deux bases {|0i = 0, |1i = 1}, ou {|+i = 0, |−i = 1}. 2. Bob reçoit un certain nombre de qubits, et Alice et Bob vérifient qu’ils en ont bien le même nombre. Il mesure les qubits aléatoirement sur une des deux bases. 3. Alice annonce à Bob la base qu’elle a utilisée pour chaque qubit et ils éliminent toutes les mesures qui ont été faites sur des bases différentes. 18 Contexte général 4. Alice choisit un grand nombre de qubits dont elle annonce publiquement la valeur à Bob. S’ils ne trouvent pas la même valeur sur un nombre significatif de qubits, c’est qu’ils ont été espionnés. Le protocole est à refaire. 5. Alice et Bob peuvent maintenant communiquer publiquement, mais de manière cryptée, sans crainte que le message ne soit déchiffré par Eve. Alice Bob Eve Canal quantique Canaux d’espionnage Canal public classique Figure 1.2 – Schématisation des canaux d’échange entre Alice et Bob. Eve est un espion qui essaye d’intercepter les communications. Ce protocole repose sur la projection liée à la mesure et le non clonage. Eve ne connait pas la base employée par Alice. Lorsqu’elle fera sa mesure, elle ne connaitra le résultat que par rapport à la base utilisée, et ne pourra retransmettre l’information à Bob de manière certaine. Un certain nombre d’erreurs vont alors apparaître dans la clé, qui seront détectées lors du protocole. Ce protocole peut être mis en oeuvre en utilisant la polarisation de la lumière. En effet, la polarisation de la lumière peut se représenter par un vecteur, qu’il est possible d’écrire dans plusieurs bases. On aura ainsi : ↑ = 1 2 (% − &) → = 1 2 (% + &) (1.3) où les flèches représentent les différentes polarisations de la lumière utilisées par Alice, et réparties en deux bases : {↑;→} et {%;&}. Comme nous allons le voir, Eve ne peut prédire dans quelle polarisation la lumière a été envoyée lors de sa mesure, à condition de travailler avec des photons uniques : — Avec un nombre élevé de photons (source classique ou laser), Eve peut prélever une quantité négligeable de photons, qu’elle scinde encore en deux. Avec la Contexte général 19 première moitié, elle pourra faire une première mesure. Si elle a choisi la bonne base de mesure, alors le résultat de la mesure sera soit 0 soit 1. Si la base est la mauvaise, le résultat de la mesure sera 1/2 et Eve pourra à nouveau mesurer la polarisation avec la seconde partie du faisceau. Eve connait alors la base et le qubit envoyé par Alice, tout en laissant suffisamment de photons à Bob pour faire lui même la mesure. — Avec des photons uniques, le résultat de la mesure d’Eve sera 0 ou 1 aléatoirement si elle est dans la mauvaise base, et 0 ou 1 si elle est dans la bonne base. Sa mesure ne lui donne qu’une information très partielle. Elle renvoie alors à Bob un photon dont la polarisation a une chance sur deux d’être dans la bonne base. 

 Notion de cohérence et d’indiscernabilité des photons

 Pour certains protocoles d’information quantique, tels que la téléportation quantique, l’unicité des photons est nécessaire mais pas suffisante, et les photons doivent en plus être « identiques » ou indiscernables. Deux photons sont dits indiscernables s’ils ont même énergie, même polarisation et même profil spectral et temporel. De tels photons pourront être intriqués et l’état d’un des photons sera alors déterminé par l’état de l’autre. Avec un unique système à deux niveaux, les photons émis auront même énergie, et la polarisation peut être contrôlée. En revanche, le profil temporel est fortement lié à l’interaction de ce système avec son environnement. Ainsi un atome froid isolé sera un émetteur de photons uniques indiscernables car il n’interagit pas avec son environnement. Par contre, les émetteurs solides tels que les nanocristaux ou les boîtes quantiques sont en interaction permanente avec leur environnement, notamment les phonons (vibration du réseau cristallin). Lorsqu’un dipôle est excité, il oscille avec une pulsation ω0, ~ω0 étant l’énergie de l’état excité. Le temps pendant lequel cette oscillation reste en phase est appelé temps de cohérence et noté T2. Pour un atome, ou tout autre système totalement isolé, on montre que le temps de cohérence est uniquement limité par la durée de vie radiative, notée T1, et T2 = 2T1 [28]. Lorsque le système est en interaction avec son environnement, cette interaction induit des sauts de phase aléatoires sur un temps caractéristique noté T ∗ 2 appelé temps de déphasage pur [17]. Ce temps correspond à des processus ne modifiant pas l’énergie de la transition optique. Le temps de cohérence s’écrit alors : 1 T2 = 1 2T1 + 1 T ∗ 2 (1.4) et on voit que T2 < 2T1. L’écart au système idéal se mesure alors par le rapport T2/2T1. Nous verrons au chapitre 4 que ce rapport caractérise le degré d’indiscernabilité des photons émis par une source de photons uniques. Lorsque T2 = 2T1 les photons sont indiscernables et le temps de cohérence est dit dans la limite radiative, ou limité 20 Contexte général |0> |1> |0> |1> Excitation non résonante Excitation résonante Relaxation rapide Emission de photon unique Emission de photon unique Excitation à haute énergie Excitation à l’énergie de la transition a) b) Figure 1.3 – Schéma de l’excitation d’un système à deux niveaux (a) à haute énergie et (b) à la résonance de la transition optique. par transformée de Fourier car leur spectre est donné par la transformée de Fourier de leur profil temporel. Lorsque T2 < 2T1 les photons présentent un certain degré d’indiscernabilité. Ce degré limite la fidélité des protocoles d’information quantique qui peuvent être réalisés avec les photons uniques. 

Table des matières

Remerciements
Introduction
1 Contexte général
1.1 Quelques notions utiles
1.2 Propriétés générales des boîtes quantiques d’InAs/GaAs
1.3 Excitations électroniques dans les boîtes quantiques
1.4 Émission de photons uniques et indiscernables par une boîte quantique
1.5 Conclusion
2 Caractérisation de boîtes quantiques uniques d’InAs/GaAs
2.1 Dispositif expérimental
2.2 Caractérisation des boîtes quantiques
2.3 Conclusion
3 Étude des boîtes quantiques à la résonance
3.1 Observation d’une boîte unique à la résonance
3.2 Interaction lumière-matière : approche semi-classique
3.3 Couplage aux phonons acoustiques
3.4 Modification de la durée de vie à la résonance
3.5 Influence de la cavité sur les propriétés d’émission des boîtes
3.6 Interaction lumière-matière : Approche quantique
3.7 Commentaires et Conclusion
4 Photons uniques indiscernables à la demande
4.1 Fonction de corrélation du premier ordre
4.2 Fonction de corrélation du second ordre
4.3 Caractérisation d’une source de photons indiscernables
4.4 Modélisation des expériences
4.5 Résultats expérimentaux
4.6 Conclusion
10 Remerciements
5 Conclusions et perspectives
5.1 Conclusions
5.2 Perspectives

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