EVOLUTION MORPHOSEDIMENTAIRE ET MODELES DE PROTECTION SHORELINES
Particularités socio-économiques
A l’origine, le village de Saly était le siège d’un ancien comptoir portugais. Les colons l’auraient surnommé Saly Portugal, une dénomination qui s’est transformé au fil du temps en Saly Portudal. Ce village traditionnel paisible, aux plages ensoleillées, est fréquenté d’abord par des fonctionnaires et militaires français qui, séduits par les paysages, y construisent de nombreux bungalows. Une élite sénégalaise est aussi très tôt attirée par ces paysages exotiques où elle construit des résidences secondaires. Puis par la volonté politique Saly Portudal se transforme à partir des années 1980 en une véritable station touristique moderne. Depuis lors, la population, les aménagements et les activités touristiques connaissent des évolutions remarquables. Les données énoncées dans ce paragraphe proviennent surtout de l’ANSD, de la SAPCO, du Ministère du Tourisme, du rapport Dehoorne et Diagne (2008) et de nos enquêtes sur le terrain.
Population
La population de Saly Portudal est dans son ensemble caractérisée par sa diversité et sa croissance rapide. De 1438 habitants en 1976, la population de Saly comptait 20000 habitants en 2012. L’ANSD estime la population de la commune de Saly en 2016 à 29245 habitants dont 15359 hommes et 13886 femmes. Cette population peut être divisée en trois entités distinctes : les autochtones, les résidents et les touristes. Les autochtones représentent la population locale qui occupe surtout les villages traditionnels qui ont évolué administrativement pour donner des quartiers plus modernes. Ces quartiers se sont constitués à l’origine autour de six hameaux qui s’étaient formés avec l’arrivée par vagues successives 28 de populations : Saly Niakhniakhal, Saly Bambara, Saly Velingara, Saly Tapé, Saly Joseph et Saly Koulang. Cette population locale pratique encore aujourd’hui des activités traditionnelles comme l’agriculture et la pêche en plus des activités plus liées au tourisme (commerce, transport…). Les résidents sont venus à Saly avec l’essor du tourisme. Il s’agit de saisonniers ou de permanents qui assurent en grande partie la main d’œuvre au sein des infrastructures hôtelières. Les saisonniers y restent souvent pour quelques temps alors que les permanents s’installent pour des périodes beaucoup plus longues. Cette population résidente provient souvent des autres régions du Sénégal ou de l’étranger. Certains résidents logent à Saly même et d’autres rentrent les soirs principalement dans la commune voisine de Mbour. Les résidents seraient d’ailleurs à l’origine de l’accroissement de la population du village érigé en commune en 2009 et qui compte actuellement douze quartiers dont six nouveaux : Saly Golf, Saly Extension, Saly Station, Saly Carrefour, Saly Aérodrome et Saly Médine. Les touristes à Saly viennent d’horizons divers, d’Europe, d’Asie, d’Afrique et des Amériques et restent sur la station touristique pour une durée moyenne de 5,6 jours contre une moyenne nationale du séjour de 3.6 jours. La fréquentation s’est accélérée à partir des années 1990 passant de 40 226 personnes en 1988 à 93 356 en 1999 (Ministère du Tourisme et des Transports Aériens, 2000). Aujourd’hui sur un total annuel de 900 000 touristes au plan national, Saly en accueille 200 000, environ 22 % des touristes du pays (Faye, 2013). Grâce au tourisme, Saly est passé d’un stade rural (village) à un stade urbain (commune). Ce dynamisme s’explique par sa position géographique de carrefour (proche de la capitale et des grands centres régionaux), ses potentialités naturelles (mer, plages, soleil, lagune) et ses aménagements structurés (zones résidentielles, lieux de loisirs). Mais ce développement occasionne plusieurs problèmes sociologiques : délinquance, prostitution, pédophilie.
Aménagements
La station touristique de Saly est une création majeure de la Société d’Aménagement de la Petite Côte, dite SAPCO, qui a été inaugurée le 24 février 1983. Cette station s’étend sur une superficie de 600 ha formant le titre foncier n°3405 TH affecté en bail par l’Etat à la SAPCO pour une durée de 50 ans renouvelable. Elle comprend deux Unités d’Aménagements Touristiques appelées UAT Sud et UAT Nord. Sur ces unités se sont développés depuis la création de la station plusieurs établissements hôteliers, para-hôteliers et des infrastructures liées au tourisme. En 2005, l’unité d’aménagement touristique Sud (UAT Sud) dites Saly Sud couvrait une superficie de 230 ha sur lesquels sont construits 12 réceptifs de base fonctionnels dont 10 hôtels et 2 RESIDENCES de vacances. Divers réseaux et voiries ont été aussi 29 aménagés : un réseau routier de 10 km de long, un réseau électrique de 12 km appuyés par un groupe électrogène d’une puissance de 45 KVA, deux forages et un château d’eau d’une capacité de 8000 m3 , un environnement planté reposant sur 350 000 arbres d’espèces variées formant des zones vertes. Des équipements collectifs et d’animation ont été aussi mis en place : un karaoké, un karting, des centres commerciaux, deux guichets de banque, un cinéma, un casino, une héli-station, un aérodrome, un centre international de pêche sportive, un village artisanal, des piscines, une brigade de gendarmerie etc. L’unité d’aménagement touristique Nord (UAT Nord) ou Saly nord couvrait une superficie de 350 ha entrecoupée d’une lagune dite « mare aux oiseaux ». Saly Nord s’est développé un peu plus tard et est tourné vers le concept para-hôtelier. Il offre quatre réceptifs fonctionnels qui sont en fait des résidences de vacance. Comme pour Saly Sud un réseau d’adduction d’eau et un câblage téléphonique ont été réalisés sur Saly Nord qui compte aussi des équipements collectifs et d’animation comme un golf de rang international et une marina. Cette dernière était un projet de la société Saly Mar SA (Faye, 2013). Sur un terrain de 71 224 m2 sise à Saly Nord et cédé en bail par la SAPCO, la société Saly Mar avait l’ambition de construire un complexe touristique composé d’une marina avec un port de plaisance, de 44 bungalows construits sur pilotis, d’un hôtel de 120 chambres, de 81 résidences, de piscines, d’un restaurant panoramique, d’un night-club, d’un jazz club et des boutiques. Malheureusement, après le démarrage du projet en 2005 et la construction de quelques résidences témoins, le projet fut arrêté par faute de financement. Néanmoins sur l’ensemble de la station touristique de Saly, les aménagements ont continué à se multiplier et à se diversifier depuis 2005 avec la mise en place de nouvelles infrastructures : un institut sportif, une compagnie de pompiers, un hôpital, un lycée etc. Les retombées économiques et sociales de ces aménagements sur le littoral de Saly en termes d’emploi, d’impôts et de taxes sont considérables. En 2005 l’UAT Sud a générés 600 emplois directs et l’UAT Nord prévoyait d’offrir 500 emplois au terme de la réalisation des projets selon la SAPCO. A cette date, la taxe de promotion touristique se chiffrait à 16 milliards depuis la mise en place de l’UAT Sud. En 1997, le tourisme avait généré sur le plan économique près de 77 milliards de CFA à l’échelle nationale, plus du tiers de cette somme revenait à la station de Saly qui reste sans nul doute la première station touristique du Sénégal. Ces aménagements ont également permis une modernisation du cadre de vie avec l’électrification et l’arrivée de l’eau potable dans les quartiers traditionnels. Des structures médicales modernes sont aussi à la disposition des populations locales. Toutefois ces aménagements ont créé à Saly beaucoup de problèmes environnementaux. Il est constaté la disparition d’écosystèmes naturels comme la lagune, des pertes de terres agricoles, des 30 phénomènes d’érosion avec la réduction des plages qui nous intéressent particulièrement. La consommation d’espaces par les implantations hôtelières crée aussi beaucoup de litiges fonciers. Selon Faye (2013), la dynamique spatiale obtenue sur la base des données aériennes et satellitaires de 1989, 2003, 2007 et 2012, montrent d’une part, une forte progression du bâti, de l’ordre de 33,17% en rapport avec la multiplication des infrastructures et aménagements touristiques et, d’autre part, des pertes de plage d’environ 10,24% liées à l’érosion côtière, sur l’intervalle chronologique 1989-2012 (figure 11). Cette prééminence du bâti s’est opérée au détriment d’entités spatiales comme la végétation et les sols nus qui ont connu une forte régression avec des taux respectifs de 6,65% et 19,04%. Figure 13 : Superficie (%) des classes d’occupation du sol de 1989 à 2012 (Faye, 2013)
Activités économiques
Le littoral de la Petite Côte « fait l’objet d’une convoitise en raison de son potentiel écologique et socioéconomique » (Ciss, 1983 ; Sène-Diouf, 1987 ; CSE, 2005). Ceci se traduit par une grande concentration humaine mais aussi par le développement des activités telles que la pêche, l’industrie, le commerce et le tourisme. Les activités économiques principales à Saly sont celles du secteur touristique. Les chaines d’hôtels d’une capacité d’accueil de 6000 lits offrent plus de 3000 emplois directs c’est-à-dire des emplois strictement hôteliers et qui sont créés du fait même de l’activité de l’entreprise hôtelière : service d’accueil, service 31 d’hébergement, gestion du personnel, agents de nettoiement, chauffeurs, gardiens, jardiniers etc (Tine, 2012). En dehors des structures hôtelières, d’autres opportunités d’emplois se dessinent aussi dans les secteurs du commerce et de l’artisanat avec la vente d’objet d’art, de bijoux, des produits du textile mais aussi dans les secteurs du transport et des services. Selon Sène-Diouf (1987), le secteur touristique génère des emplois indirects qui se situent en dehors de l’hôtel comme les restaurants, les agences de voyages, les guides et agents de l’administration nationale du tourisme. De nombreuses activités informelles s’organisent autour du tourisme comme dans le domaine de la location de voitures privées ou de taxis pour des excursions individuelles. Beaucoup d’hôteliers travaillent avec des entreprises de taxis privées (qui emploient des chauffeurs, des « aides-chauffeurs » ainsi que des chargeurs). L’emprise du tourisme dans les espaces ruraux a engendré une désorganisation de l’économie traditionnelle qui était basée sur l’agriculture et la pêche. L’agriculture qui fut longtemps la seconde activité économique après la pêche subit de plein fouet les effets du tourisme par la réduction et la disparition des terres de culture. Les anciens espaces agricoles ne sont pas en mesure de résister à l’extension rapide des espaces touristiques autour de Saly. Seuls les villages de Saly Vélingara et Saly Joseph continuent de pratiquer l’agriculture. Concomitamment, la pêche traditionnelle est également touchée par le déploiement des emprises touristiques. Les portions de littoral les plus accessibles se réduisent et de nouvelles réglementations pénalisent le travail des pêcheurs par exemple avec l’interdiction des traditionnels séchages et fumages de poissons considérés comme nuisibles pour le tourisme. Les zones touristiques du littoral continuent d’être des mirages pour les jeunes populations des villages environnants ou des régions économiquement fragilisées. Il s’y pose des problèmes de disparités salariales significatives entre les expatriés et les nationaux. Les salaires bas ne permettent pas d’enrayer la paupérisation et la marginalisation des masses rurales. La plupart des employés n’ont pas une carrière professionnelle bien définie en raison de la flexibilité totale du travail et de la durée réduite des engagements ; ils constituent en quelques sortes des « perpétuels saisonniers ». L’inflation s’installe dans les zones touristiques compte tenu des nouveaux flux financiers liés aux touristes. Les modestes villageois sont de fait exclus des logiques commerciales qui s’imposent dans leur espace de vie habituel (Dehoorne et Diagne, 2008).
Résumé |