Evolution microstructurale des joints brasés

Le brasage est une technique d’assemblage très répandue dans l’industrie aéronautique pour la production de composantes de turbine à gaz. Un grand nombre de pièces ont souvent soit une ou plusieurs sous composantes qui sont brasées alors que d’autres, tels les injecteurs de carburant, sont entièrement assemblés par brasage. Certaines pièces qui requièrent des propriétés mécaniques élevées ainsi qu’une bonne résistance à l’oxydation à haute température sont fabriquées de superalliages de nickel. Les éléments d’alliage présents dans la composition de ces matériaux leur procurant les propriétés recherchées peuvent devenir un obstacle au brasage. L’aluminium et le titane, en autres éléments, forment des films d’oxydes réfractaires tenaces adhérant fortement au métal de base lorsque ce dernier est porté à la température de brasage, ce qui nuit grandement au mouillage et à l’écoulement de la brasure dans le joint. Il en résulte des difficultés accrues pour produire des joints intègres lors du brasage initial et un taux de reprises élevé.

Les difficultés particulières de brasage associées aux superalliages de nickel, notamment l’inconel 718, a justifié son utilisation comme métal de base pour les essais de brasage effectués dans le cadre de cette étude. Les alliages les plus fréquemment utilisés en production chez Pratt & Whitney Canada, soit le BNi-2 (AMS 4777) et le PALNICRO 36M (CPW 475), ont été sélectionnés pour le brasage. Ces deux alliages à base de nickel contiennent du bore et du silicium, deux éléments d’alliage permettant l’abaissement de leurs températures de fusion respectives qui autrement seraient trop élevées pour permettre le brasage de l’inconel 718. La présence de ces éléments entraîne cependant la formation de précipités intermétalliques fragilisant certaines régions des joints brasés, notamment la partie centrale contenant l’ eutectique, surtout lorsqu’il y a une grande quantité de métal d’apport soit dû à un écartement très large ou à la présence d’un cordon.

Le brasage en général 

Il convient d’établir une distinction entre les deux principaux types de brasage qui existent, soit le brasage tendre et le brasage fort. La manière la plus simple de différencier ces méthodes se détermine en fonction du point de fusion de l’alliage de brasage. Toute opération de brasage dont le point de fusion de l’ alliage se situe audessus de 450 °C (840 °F ) appartient au domaine du brasage fort (Humpston et al., 1993; Schwartz, 2003; Brazing Handbook, 1991; Roberts, 2004). Cette catégorie englobe toutes les applications dont il sera question dans cette étude. Dorénavant, toute référence au terme brasage dans ce document renverra au brasage fort.

Le brasage effectué à haute température produit une interaction plus ou moins grande selon l’alliage de brasage utilisé entre ledit alliage qui est en fusion, donc à l’état liquide, et le métal de base. Cette interaction agit sur les différents phénomènes chimiques et physiques tels l’ énergie de formation des phases, les forces de capillarité et l’ écoulement de la brasure menant à la formation du joint brasé .

L’écoulement du métal d’apport

Différents auteurs considèrent que les propriétés d’écoulement du métal d’apport sont fonction de la force de capillarité, tout en étant également significativement influencées par la viscosité, la gravité, la formation d’alliages de liaison entre le métal d’apport et le métal de base, la densité du métal d’apport en fusion, la géométrie du joint, la présence de film d’oxydes, la rugosité de surface et la température de brasage. La température de brasage a une influence très grande sur la viscosité et l’écoulement du métal d’apport, ces propriétés peuvent être améliorés d’une manière significative en augmentant la température de brasage, (Schwartz, 2003; Brazing Handbook, 1991). Selon des analyses effectuées à l’aide de modèles complexes, les vitesses d’écoulement du métal d’apport dans un joint semblent être de l’ordre de 0,3 à 0,7 m/s, de sorte que le temps de remplissage est typiquement de l’ordre de 0,01 seconde (Humpston et al., 1993). Le remplissage du joint se fait presque instantanément et le temps de brasage n’a donc que très peu d’influence sur l’écoulement du métal d’apport.

Fluidité du métal d’apport 

La fluidité des matériaux d’apport se trouve généralement accrue lorsque ces derniers sont des alliages eutectiques ou ont un intervalle de solidification restreint. Les alliages qui ont un grand intervalle solidus-liquidus sont généralement plus visqueux, par conséquent ils possèdent aussi un intervalle de composition très large et leur écoulement est plus lent. Dans le dernier cas, il y aura plus de possibilités de formation d’alliages de liaison avec le métal de base étant donné le temps de contact plus long avec l’ alliage semi-liquide lors du chauffage (Humpston et al., 1993). Ceci rend ces alliages plus pâteux diminuant davantage la force de capillarité et réduisant, par le fait même, l ‘écoulement et augmentant les risques de liquation (le phénomène sera défini à la section suivante). Ceci explique en partie les différences de comportement notées entre les deux alliages de brasage utilisés dans cette étude, le PALNICRO 36M (CPW 475) et le BNi-2, qui seront décrits dans des sections subséquentes.

Dissolution ou érosion et formation d’alliages de liaison

Les phénomènes de dissolution ou érosion et de formation d’alliages de liaison sont considérés, par la majorité des auteurs consultés, comme étant les éléments de base permettant le mouillage et l’écoulement du métal d’apport en fusion dans les joints brasés (Schwartz, 2003; Humpston et al., 1993; Brazing Handbook, 1991; Roberts, 2004 ). Ces phénomènes sont le résultat de mécanismes complexes liés à l’énergie d’activation des matériaux en cause et contrôlés par la diffusion (Humpston et al., 1993). En effet, une augmentation de la température permet la diffusion d’une plus grande quantité de bore de l’alliage de brasage vers le métal de base, ce qui cause chez celui-ci un abaissement local du point de fusion et, par le fait même, une augmentation du taux de dissolution. Le rôle de la dissolution et de la formation d’alliages de liaison est par conséquent d’importance capitale en brasage.

Dissolution ou érosion 

Pour que le métal d’apport en fusion puisse mouiller la surface du métal de base, il faut que se dissolve une infime couche du métal de base avec lequel le métal d’apport en fusion est en contact. Le métal d’apport en fusion continuera à dissoudre une certaine quantité de métal de base pendant toute la période de mouillage et d’écoulement (Roberts, 2004 ). La vitesse avec laquelle la dissolution ou l’ érosion se produit est très rapide et s’amenuise lorsque la concentration du métal de base dissout atteint la concentration d’équilibre du milieu selon le diagramme de phase et que commence la solidification isotherme . Il est intéressant de noter que l’équilibre est atteint après seulement quelques secondes aux températures de brasage et que le phénomène cesse rapidement pendant la période de temps allouée pour le brasage.

Lorsque la diffusion à l’état solide du bore contenu dans l’alliage de brasage, vers le métal de base, se produit, la dissolution est pratiquement terminée. La solidification isotherme, phénomène qui résulte des changements de compositions chimiques se produisant dans le joint, débute par la suite engendrant un accroissement de la température de solidification du métal d’apport. La dissolution est régie par la diffusion à l’état solide-liquide. En effet, ce sont les atomes du métal de base qui se dissolvent à l’interface du métal d’apport en fusion et du métal de base, et qui diffusent dans le nouvel alliage qui vient de se former. On note que la diffusion à l’état solide se produit environ 20 fois plus lentement qu’à l’état liquide (Humpston et al., 1993; Roberts, 2004; Wu et al., 2000) .

Formation d’alliages de liaison 

Le phénomène de formation d’alliages de liaison est lié de près à la dissolution du métal de base durant le processus de mouillage. Un nouvel alliage se forme alors que l’équilibre chimique s’établit localement dans la zone de dissolution, tel que déterminé par le diagramme de phase pour les alliages en présence. Il faut noter que cette augmentation de la température solidus-liquidus a aussi pour effet de réduire sérieusement la fluidité du métal d’apport et la force de capillarité laquelle cause l’écoulement de ce dernier dans le joint (Humpston et al., 1993). Dans de pareilles conditions, il existe un risque bien réel que le métal d’apport puisse même se solidifier à la température de brasage sans que le joint ait eu le temps de se remplir complètement.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Le brasage en général
1.2 Mouillabilité et angle de mouillage
1.2.1 Mouillabilité
1.2.2 Angle de mouillage
1.3 Force de capillarité
1.4 L’écoulement du métal d’apport
1.4.1 Fluidité du métal d’apport
1.5 Dissolution ou érosion et formation d’alliages de liaison
1.5.1 Dissolution ou érosion
1.5.2 Formation d’alliages de liaison
1.6 Diffusion
1.6.1 Modèle de diffusion classique
1.6.2 Traitement thermique de diffusion
1.7 Influence du jeu ou écartement
1.8 Les alliages de brasage
1.8.1 Alliage BNi-2 (AMS 4777)
1.8.2 Alliage PALNICRO 36M (CPW 475)
1.8.3 Refonte des joints brasés
1.9 Caractéristiques du métal de base
1.10 Préparation de surface
1.10.1 Décapage mécanique
1.10.2 Effet du fini de surface
1.10.3 Décapage chimique
1.10.4 Placage au nickel
1.11 Paramètres de brasage
1.11.1 Temps et température de brasage
1.12 Brasage sous vide en fournaise
1.12.1 Cycles de brasage et de traitement thermique
1.12.2 Brasage sous pression partielle de gaz inerte
1.12.3 Formation et stabilité des oxydes
1.13 Microstructure des joints brasés
1.13.1 Alliage BNi-2 (AMS 4777)
1.13.1.1 Approche thermodynamique
1.13.1.2 Essais de diffusion solide-liquide
1.13 .1.3 Essais de diffusion à l’état solide
1.13.2 PALNICRO 36M (CPW 475)
1.13.2.1 Essais de diffusion solide-liquide
1.14 Évaluation de la qualité des joints brasés
1.14.1 Inspection visuelle
1.14.2 Microscopie optique
1.14.3 Microscopie électronique à balayage
1.15 Essais de microdureté
CHAPITRE 2 PROCÉDURE EXPÉRIMENTALE
2.1 Type de montage
2.2 Métal de base utilisé
2.3 Alliages de brasage utilisés
2.4 Essais effectués
2.4.1 Essais de diffusion
2.4.2 Essais de brasage prolongé
2.5 Préparation et assemblage des échantillons
2.5.1 Décapage mécanique
2.5.2 Placage au nickel
2.6 Le montage utilisé
2.7 Brasage des échantillons
2.8 Inspection visuelle après brasage
2.9 Analyse par microscopie optique
2.9.1 Préparation des échantillons
2.9.2 Analyse microscopique
2.9.3 Analyse macroscopique
2.10 Analyse au microscope électronique à balayage (MEB)
2.10.1 Microscopie électronique
2.10.2 Analyses de composition chimique
2.11 Analyse de microdureté
2.11.1 Mesures de microdureté
2.11.2 Mesures des empreintes de dureté avec le MEB
CHAPITRE 3 RÉSULTATS DES ESSAIS ET ANALYSE
3.1 Mise au point d’une méthode de brasage
3.1.1 Alliage BNi-2 (AMS 4777)
3.1.2 Alliage PALNICRO 36 M (CPW 475)
3.2 Résultats des essais en condition« telle que brasée»
Alliage BNi-2 (AMS 4777)
Microscopie optique
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Essais de microdureté
Alliage PALNICRO 36M (CPW 475)
Microscopie optique
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Essais de microdureté
Effets d’un traitement de diffusion postbrasage de 240 minutes sur la
microstructure
Alliage BNi-2 (AMS 4777)
Microscopie optique
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Alliage PALNICRO 36M (CPW 475)
Microscopie optique
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Effets d’essais de brasage prolongé pour une période de 60 minutes sur la microstructure
Alliage BNi-2 (AMS 4777)
Microscopie optique
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Alliage PALNICRO 36M (CPW 475)
Microscopie optique
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Effets d’essais de brasage prolongé pour une période de 120 minutes
sur la microstructure
Alliage BNi-2 (AMS 4777)
Microscopie optique
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Alliage PALNICRO 36M (CPW 475)
Microscopie optique
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Effet des traitements thermiques et du brasage prolongé sur la microdureté
3.7 Comparaison et analyse des résultats dimensionnels
3.7.1 Traitement thermique de diffusion
3.7.2 Brasage prolongé
3.8 Examen des mauvais échantillons
3.9 Lien entre la microscopie optique et la microscopie électronique
DISCUSSION
CONCLUSION 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *