Types de comportement et conception basée sur la performance
Lors de fortes secousses sismiques, plusieurs types de ruptures peuvent survenir dans les piles de ponts. Généralement, les ruptures peuvent être associées à deux types de comportements. Le premier est le comportement fragile comme pour les ruptures en cisaillement, qui sont généralement causées par le manque d’armatures transversales ou le chevauchement des barres au niveau de la zone de formation de la rotule plastique. Le deuxième est le comportement à ductilité limitée comme pour les ruptures en flexion-cisaillement, lesquelles peuvent survenir lors de la réduction rapide du taux d’armature longitudinale hors de la zone de rotule plastique (Garneau, 2015). Les différents comportements hystérétiques caractérisant les types de ruptures sont présentés dans la figure 1.1. Les dommages causés par les tremblements de terre des dernières décennies ont mis en évidence que le comportement et le niveau d’endommagement des structures sont plutôt dictés par la demande en déformations inélastiques de leurs éléments ductiles et non par le niveau de force sismique sollicitant la structure (Garneau, 2015). Depuis les années 1970, les codes de conception parasismique n’ont cessé d’évoluer pour refléter l’avancement des connaissances dans le domaine. Au début des années 1990, l’introduction et l’adoption du concept de la conception basée sur la performance (CBP) a été entamé. Ce type de conception occupe désormais une place prépondérante dans les nouveaux codes des ponts (Canadian Standards Association, 2014). L’approche de la conception basée sur la performance consiste à déterminer le niveau d’endommagement et de service de la structure à la suite d’un séisme majeur et de séismes de moindre importance. La performance sismique d’une structure est qualifiée selon plusieurs échelons graduels allant d’aucun dommage et la pleine fonctionnalité à la ruine et la perte totale de la structure, renseignant sur les moyens qui seront nécessaires à une remise en fonction du pont (Gauron, Saidou, Busson, & Paultre, 2014).
Isolation à la base
L’isolation sismique est une technique de modification de la réponse qui réduit les effets des tremblements de terre sur les structures. Cette technique consiste à découpler le mouvement de la structure de celui du sol. Ainsi, les périodes fondamentales de la structure sont écartées de la plage des périodes prédominantes du séisme. Cela conduit à une réduction substantielle des forces sismiques (Buckle, Constantinou, Diceli, & Ghasemi, 2006; Guizani 2003; Guizani, 2007; Guizani & Chaallal, 2001). Le découplage est obtenu en interposant des dispositifs mécaniques, avec des rigidités très faibles, entre la superstructure et la sous-structure. Ces dispositifs sont appelés des isolateurs sismiques. De ce fait, lorsqu’un pont isolé à la base est soumis à un séisme, la déformation inélastique se concentre au niveau des isolateurs sismiques, plutôt que dans les éléments de la sous-structure. Cela entraîne une réduction, voire même une annulation de la demande en ductilité des principaux éléments structuraux. Cette technique de protection sismique est de plus en plus utilisée dans le monde (Saidou, 2012).
Armature longitudinale minimale dans les piles de ponts
Le taux minimum d’armature longitudinale dans les piles de ponts est un problème couramment énoncé, car ce taux n’est pas fixé à une valeur bien précise et dépend des exigences qui diffèrent d’un pays à l’autre. À titre d’exemple, les codes parasismiques fixent cette limite à 1 % aux États-Unis (AASHTO 2014) et à 0,8 % au Canada (CSA-S6-14), en Europe (Eurocode 8) et en Nouvelle-Zélande (NZ3-101). En revanche, le code parasismique au Japon autorise un seuil minimal de 0,5 % (Chiomento, 2012). D’après Ziehl, Cloyd, & Kreger (1998), deux raisons sont principalement proposées afin d’établir une limite inférieure pour les aciers longitudinaux. La première est développée sur la base de la limitation de la taille des fissures de tension dans la colonne de béton. Cette justification ne repose pas sur les effets de fluage et de retrait. La seconde est basée sur la prévention de la déformation passive de ferraillage longitudinal. Une déformation passive se produira lorsque la charge est transférée progressivement du béton à l’acier au fur et à mesure que le béton se déforme sous une charge axiale soutenue et c’est le cas qui nous intéresse le plus dans le présent rapport parce qu’il est en lien avec le fluage et le retrait.
Origine du fluage
Le béton présente un comportement viscoélastique prononcé pendant le chargement et immédiatement après. Ce comportement viscoélastique a tendance à diminuer avec le temps. Ainsi, après plusieurs années, la déformation sous contrainte soutenue tend à atteindre une valeur limite. Ce comportement viscoélastique est appelé fluage (Ziehl et al., 1998). Le fluage est donc l’augmentation progressive de la déformation d’un élément structural soumis à une certaine charge sur une période de temps. Lorsque le béton est chargé en compression, une déformation élastique se développe instantanément. Si cette charge se poursuit sur l’élément, une déformation de fluage se développe avec le temps (Acker & Ulm, 2001). Les principaux types du retrait et du fluage Comme indiqué précédemment, les déformations différées des bétons sont conventionnellement séparées en quatre déformations élémentaires d’origine physico-chimique comme illustrée dans la figure 1.3. Le retrait d’auto-dessiccation ou endogène se produit pendant l’hydratation du ciment lorsqu’il n’y a pas d’échange hydrique avec le milieu ambiant. C’est la conséquence d’une contraction d’origine chimique dite la contraction de Le Chatelier. Cette contraction est due au fait que le volume des hydrates formés lors de la prise du ciment, les C-S-H ou silicates de calcium hydratés, est d’environ 20 % plus faible que le volume du ciment anhydre et de l’eau de départ. D’après la loi de Kelvin-Laplace, lors de la consommation de l’eau libre capillaire, une diminution de l’humidité interne se produit, ce qui conduit à une tension interne de la pâte de ciment inversement proportionnelle au diamètre des capillaires.
Cette tension va provoquer une variation de volume d’autant plus importante que le diamètre des pores est faible. Ces tensions internes peuvent provoquer une micro-fissuration et une redistribution interne des contraintes (Pons & Torrenti, 2008). Le retrait de dessiccation ou de séchage se produit lorsque le béton est soumis au séchage. Il est lié au déséquilibre hygrométrique avec le milieu ambiant. Le départ de l’eau vers l’extérieur entraîne la contraction du squelette solide. Le retrait de séchage est un phénomène localisé qui se développe en premier à la surface du béton puis progresse vers l’intérieur. Ce type de retrait provoque l’apparition d’un fort gradient hydrique qui tend à créer des déformations différentielles incompatibles entre elles (Serre, 2015). Le fluage propre est défini comme étant la réponse du béton sous chargement mécanique constant dans le temps et lorsqu’il n’y a pas d’échange hydrique avec le milieu extérieur. Ainsi, cette déformation est proportionnelle à la contrainte appliquée (Serre, 2015). Le fluage de séchage ou de dessiccation : les travaux expérimentaux de Pickett (1942) ont mis en évidence l’existence d’un excès de fluage lors du séchage d’une éprouvette chargée, par rapport à une éprouvette en équilibre. Ce phénomène est généralement appelé effet Pickett ou fluage de dessiccation (Daviau-Desnoyers, 2015). Cet effet est montré dans la figure 1.4.
INTRODUCTION |