Evolution du statut des langues vivantes à l’école primaire
C’est dans la perspective de l’ouverture des frontières au sein de la communauté européenne en 1992, que l’enseignement des langues vivantes à l’école primaire fait l’objet d’une politique visant à son institutionnalisation en 1989. Une « expérimentation contrôlée d’une langue vivante étrangère (EPLV)», pour les classes de cours moyen est mise en place pour une durée de trois ans. Elle vise à initier les élèves, deux à trois heures par semaines, pour favoriser l’apprentissage des langues vivantes au collège. L’enseignement précoce d’une langue vivante (EPLV) devient en 1991 un enseignement d’initiation à une langue étrangère (EILE).
En s’appuyant sur la dynamique créée 1ors de la mise en œuvre de l’enseignement d’initiation aux langues étrangères (EPLV et EILE), une circulaire de 1998 vise à définir, pour les élèves de CM2, « les objectifs d’apprentissage de cet enseignement, les contenus à aborder et les compétences attendues en fin de scolarité de primaire, afin qu’une réelle continuité pédagogique entre l’école et le collège soit réalisée dès la rentrée de 1999. »
En 1999, un plan de réforme de l’enseignement des langues est proposé avec, notamment l’extension de l’apprentissage d’une langue vivante à tous les niveaux de l’école élémentaire, jusqu’en grande section de maternelle, prévue en 2005. Faute de moyens matériels et de personnel formé, ce plan ambitieux d’amélioration de l’enseignement des langues n’est pas appliqué dans son intégralité.
C’est seulement, avec l’arrivée du nouveau programme de 2002, que les langues vivantes étrangères obtiennent un statut de discipline obligatoire, avec des horaires et un programme . Tous les élèves de cycle 3 sont concernés et ceux de cycle 2 doivent l’être également de manière progressive, jusqu’à la grande section. Pourtant, face aux difficultés matérielles et organisationnelles, ce programme sera abrogé en 2005.
Evolution du statut des langues vivantes à l’école maternelle
Nous avons vu précédemment que, bien qu’il fût fait référence à une sensibilisation à une ou plusieurs langues vivantes en grande section de maternelle, dans le programme de 2002, les difficultés matérielles et organisationnelles ont empêché son application. Pourtant, il y était préconisé un « premier contact avec des langues étrangères ou régionales ». Il était question d’éduquer l’oreille de l’élève aux différentes sonorités, musicalités et intonations de sa langue et des langues qui l’entourent : « Les enfants découvrent tôt le plaisir de jouer avec les mots et les sonorités de la langue. (…) Progressivement ils discriminent les sons et peuvent effectuer diverses opérations sur ces composants de la langue ». Cette éducation « aux réalités phonologiques et accentuelles » pouvait se faire par le biais d’écoute d’albums, de mémorisation de comptines et d’énoncés simples, afin de familiariser l’élève à « la diversité des langues » et d’ouvrir son esprit à la diversité des cultures auxquelles ces langues sont reliées.
Le programme de 2015 pour l’école maternelle reprend cette notion de diversité des langues et l’élargit aux langues régionales et à la langue des signes (LSF). Il préconise un « éveil à la diversité linguistique » en maternelle, à partir de la moyenne section. Cet éveil à la diversité linguistique relève du domaine «Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions» et plus spécifiquement du sous-domaine « Commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique » du programme d’enseignement de l’école maternelle de 2015. Si les moyens pour y parvenir restent vagues et à l’appréciation de l’enseignant, il y est également fait mention dans d’autres domaines d’apprentissage, à la fois concernant la diversité des langues, mais aussi la diversité des cultures .
Nous notons « une ouverture sur la pluralité des cultures dans le monde », cette première découverte pouvant se faire « en lien avec une sensibilisation à la pluralité des langues » par l’observation des constructions humaines, par l’écoute d’autres langues parlées et par le questionnement.
Compte-tenu des références qui sont faites aux langues et aux cultures auxquelles sont reliées ces dernières, nous pensons que l’éveil à la diversité linguistique va de pair avec un éveil à la diversité culturelle ; ces deux notions paraissent indissociables pour un apprentissage allant dans le sens des préconisations institutionnelles.
L’éveil aux langues
La notion d’éveil aux langues remonte au milieu des années 1970, en Grande-Bretagne. Partant d’un constat d’échec scolaire concernant l’appropriation de la langue maternelle, une équipe composée de chercheurs et d’enseignants, pilotée par Eric Hawkins, s’est penchée sur l’enseignement des langues dont il dénonce le figement. Elle est à l’origine du mouvement Language Awareness qui prône une démarche incitant les apprenants à adopter une posture réflexive sur le langage et les langues et favorise l’entrée dans l’écrit dans la perspective de consolider les apprentissages futurs. Pour Hawkins, l’éveil aux langues constitue une préparation à l’apprentissage des langues basée sur un travail d’observation, de comparaison, d’analyse de plusieurs langues et de découverte des cultures associées à ces langues. Il se distingue de l’enseignement précoce des langues dans le sens où il fait de la « diversité des langues et des cultures un objet d’activités à l’école » . Il n’a pas pour objectif une nouvelle forme d’apprentissage qui amènerait l’élève à avoir des aptitudes à communiquer dans une langue étrangère mais propose une éducation aux langues ainsi qu’une comparaison entre elles. En mettant en évidence la relation entre les langues, les activités d’éveil aux langues permettent de développer les savoirs relatifs aux langues et les aptitudes d’ordre métalinguistique à savoir les capacités d’observation et de raisonnement, ce qui facilite l’accès à la maîtrise des langues.
Il semble important de préciser que l’éveil aux langues est à distinguer de l’enseignement précoce des langues. En effet, l’éveil aux langues n’a pas pour but l’apprentissage des langues mais s’apparente plutôt à une rencontre, une prise de contact avec un vaste ensemble de langues et de cultures.
Les principales théories de l’apprentissage
Si les textes officiels définissent le contenu des enseignements-apprentissages et les attendus que doivent respecter les enseignants, ces derniers sont laissés libres dans la mise en œuvre du dispositif pédagogique, c’est-à-dire en adoptant les méthodes et les pratiques qui vont favoriser l’apprentissage et leur permettre d’atteindre leur(s) objectif(s).
Dans son modèle de compréhension pédagogique, Jean Houssaye définit tout acte pédagogique comme « un triangle composé de trois éléments, le savoir, le professeur et les élèves ». Il définit également les modèles pédagogiques pour chacun des sommets du triangle et la relation pédagogique qui en découle :
Un modèle centré sur le savoir forme une pédagogie par objectifs déterminés par la configuration de l’objet de savoir, par des déterminantes interdisciplinaires.
Un modèle centré sur l’enseignant constitue une pédagogie transmissive, elle est centrée sur le discours du formateur.
Un modèle centré sur l’apprenant focalise sur les capacités des élèves, leurs zones de proche développement, avec un intérêt clair pour leur manière de s’approprier un savoir; ce qui peut donner lieu à des pédagogies différenciées.
Nous ne ferons pas ici un inventaire exhaustif des courants pédagogiques ; néanmoins, nous retiendrons cinq théories de l’apprentissage qui ont marqué l’histoire de la pédagogie, et dont la connaissance est utile pour mettre en perspective les pratiques actuelles.
L’approche ethnographique
Selon la grille proposée par Marta Anadon, spécialiste des méthodes qualitatives, la méthode retenue pour l’analyse est une approche de type ethnographique dont le questionnement est descriptivo-interprétatif. Les instruments de collecte de données sont notamment l’entretien non directif et semi-directif, l’observation participante et les notes de terrain, dont il est fait une description détaillée.
Anadon précise que « l’ethnographie est perçue comme une approche qui requiert une immersion directe (…) dans le milieu étudié afin d’appréhender le « style de vie » d’un groupe à partir de la description et de la reconstruction analytique et interprétative de la culture ».
Pour étudier le discours des sujets observés, nous avons effectué une analyse thématique car elle nous semblait mieux correspondre à notre cas d’étude. En effet, il s’agît ici de la parole d’enfants très jeunes que nous avons recueillie au cours de séances collectives et lors d’entretiens en petits groupes de trois élèves. Nous avons procédé à un traitement thématique des réponses des interviewés en relevant les thèmes soulevés par ces derniers lorsqu’ils parlaient de leur expérience au cours du projet.
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
Problématique et hypothèses
CHAPITRE I : CADRE INSTITUTIONNEL
1.1. Instructions officielles
1.1.1. Evolution du statut des langues vivantes à l’école primaire
1.1.2. Evolution du statut des langues à l’école maternelle
1.2. Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL)
CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL
2.1. L’éveil aux langues
2.2. Les projets d’éducation aux langues et aux cultures
2.2.1. Le projet EVLANG
2.2.2. Le projet EOLE
2.2.3. Le projet ELODIL
2.2.4. Les projets « l’Education aux langues et aux cultures » (ELC) et « La porte
des langues »
CHAPITRE III : CADRE THEORIQUE
3.1. Les principales théories de l’apprentissage
3.2. L’Approche Centrée sur la Personne (ACP)
3.3. La dynamique motivationnelle
3.3.1. L’approche sociocognitive de Rolland Viau
3.3.2. L’évaluation
3.3.3. La posture de l’enseignant
3.3.4. Les causes principales de la démotivation
3.4. Le travail de la mémoire
3.5. Les intelligences multiples de Gardner
CHAPITRE IV : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
4.1. La recherche qualitative
4.1.1. Définition
4.1.2. L’approche ethnographique
4.2. Le recueil de données
4.2.1. La population cible et l’échantillonnage
4.2.2. Les outils de recueil de données
4.3. La considération éthique
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS DE L’EXPERIMENTATION ET ANALYSE
CHAPITRES V : PRESENTATION DE L’EXPERIMENTATION
5.1. Le contexte
5.1.1. Le choix de la langue
5.1.2. Les activités langagières
5.1.3. L’approche interdisciplinaire
5.2. La démarche pédagogique
5.3. La séquence d’éveil à la diversité linguistique et culturelle
5.3.1. Le déroulement
5.3.2. Les objectifs linguistiques et culturels
5.4. Les séances
5.4.1. La construction des séances
5.4.2. Le déroulement des séances
5.5. Les entretiens
CHAPITRE VI : PRESENTATION DES RESULTATS
6.1. L’angle didactique
6.1.1. Les modalités de mise en œuvre
6.1.2. Les contenus disciplinaires
6.1.3. Le processus d’apprentissage
6.1.4. Le développement des connaissances et des compétences en langue anglaise
6.2. L’angle social et motivationnel
6.2.1. L’attitude des élèves
6.2.2. La posture de l’enseignant
6.3. Les difficultés rencontrées
CHAPITRE VII : DISCUSSION
7.1. Interprétation des résultats au regard de la motivation
7.1.1. Activités pédagogiques et climat de classe
7.1.2. Posture de l’enseignant et modes d’évaluation
7.2. Interprétation des résultats au regard de la mémorisation
7.2.1. Le développement des capacités d’écoute, d’attention et de concentration
7.2.2. La construction des apprentissages
7.2.3. La sollicitation des différentes formes de mémoire
7.3. Prolongements
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE