Évolution du secteur de la construction au fil des années
La transition post-fordiste
Nous vivons actuellement dans une société dite post-fordiste, c’est-à-dire une société qui semble préconiser « un processus de dé-différentiation des professions de manière à favoriser l’apparition de nouvelles spécialisations » . Le modèle de la société fordiste, forme dominante du secteur de la construction laisse de plus en plus transparaître ses côtés négatifs. En effet, les chercheurs ont démontré que le recours à ce modèle aboutit à un accroissement des coûts de malfaçons et des délais d’exécution . Plusieurs causes peuvent en être à l’origine, mais l’une des principales résulte de la séparation stricte entre la phase de conception et la phase d’exécution, ce qui a pour effet de créer un manque de vue globale du processus de construction et des déconvenues ensuite .
De plus, le rôle de l’architecte en tant que « chef d’orchestre » tel que perçu dans la loi de 1939 va également être profondément remis en question. Effectivement, de nos jours l’idée d’un architecte parfaitement indépendant semble avoir été dépassée par une nouvelle réalité professionnelle. Un décalage entre l’imaginaire de la profession et la réalité des pratiques, qui résulte en partie d’une réalité empreinte de nouvelles contraintes obligeant l’architecte à recourir plus fréquemment à des spécialistes de disciplines (par exemple, un expert en développement durable) . Une réalité également toujours de plus en plus influencée par des évolutions technologiques (impression en 3D, géothermie, etc) et des matériaux innovants (Blueblocks) . Une réalité dans laquelle les petits architectes indépendants ont du mal à sortir la tête de l’eau car la conjoncture économique dans laquelle ils exercent actuellement ne leur permet pas toujours de rentabiliser leurs prestations. En effet, contrairement à l’époque où l’Ordre des Architectes avait imposé un barème au niveau des honoraires, aujourd’hui suite à une Directive européenne du 24 juin 2004 les honoraires sont établis par l’architecte lui –même. À cet égard, une étude réalisée par la NAV a permis de démontrer que les architectes gagnent actuellement trop peu d’argent par rapport au temps qu’ils consacrent pour la réalisation d’un projet . Une réalité qui prône également de plus en plus pour des collaborations entre les différents partenaires d’un même projet. Participation qui trouve son origine dans des contrats types tels que les contrats de « design and build », « design-build-finance-maintain », « bouwteam », soit dans des nouvelles technologies telles que le BIM. Une réalité qui est pourtant loin d’être en adéquation avec la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte.
Le BIM
Qu’est ce que le BIM ou Building Information Modeling ? Il n’existe pas de définition univoque concernant ce logiciel.
Il s’agit avant tout d’une plateforme dite collaborative qui recoupe essentiellement 3 fonctions :
1. Building Information Modeling « est un processus de création et d’utilisation d’informations de construction pour la conception, la construction et l’exploitation d’un bâtiment tout au long de sa durée de vie » ;
2. Building Information Model « est la présentation numérique des caractéristiques fonctionnelles et physiques d’un bâtiment » ;
3. Building Information Management « est l’organisation et la gestion du processus d’entreprise en recourant aux informations dans le modèle numérique, pour veiller à l’échange d’informations pendant la durée de vie totale d’un bâtiment » .
Le BIM est à la fois une technologie et un processus . D’un point de vue technologique, le BIM offre des simulations de projet avec des vues 3D, des liens qui donnent accès à toutes sortes d’informations nécessaires à la conception, à la construction ou à l’exploitation du projet .
D’un point de vue processuel, le BIM est un processus dit virtuel englobant plusieurs facteurs permettant à tous les membres d’un même projet (architecte, entrepreneur, ingénieur, etc) de collaborer ensemble avec plus d’efficacité et de précision. Le logiciel présente de nombreux avantages, le plus bénéfique d’entre eux concerne la concentration de toutes les informations au même endroit et la possibilité pour les différents intervenants de les consulter et de pouvoir apporter des modifications en temps réel. La plateforme permet également la répercussion immédiate des modifications sur l’ensemble de la maquette. Il existe aussi la possibilité via un «model checker » de détecter les erreurs et de contrôler la qualité afin de déterminer si l’ouvrage correspond aux spécifications recommandées . Le BIM permet donc un déroulement du projet sans embûches, il permet d’agir en amont et d’éviter les malfaçons et les modifications en cours de construction. Il s’agit d’un réel gain de temps et d’argent.
Actuellement, aucune législation spécifique n’encadre le BIM en Belgique . Les relations qui se créent entre le client d’une part et les acteurs de la construction d’autre part doivent être déterminées par les parties elles-mêmes, et ce, conformément aux lois en vigueur. Plusieurs documents contractuels vont reprendre les différents accords. Tout d’abord, le client va seul rédiger un document qui va reprendre ses attentes et ses exigences. Ensuite, les partenaires de projet (à savoir l’architecte, l’entrepreneur, l’ingénieur, le maître d’ouvrage) vont signer avec le client un protocole BIM, c’est un document contractuel qui va reprendre tous les accords et qui va permettre de déterminer les différentes responsabilités . À ce document va également s’ajouter un plan d’exécution qui va décrire comment les accords repris dans le protocole vont être mis en œuvre . Le BIM est une révolution numérique qui a de grandes chances de devenir incontournable dans le futur du droit de la construction. À cet égard, plusieurs pays ont déjà prévu de rendre obligatoire le recours au BIM dans les projets publics .
Les nouveaux modes de collaboration
En Belgique, le processus de construction se complexifie au fil des années, plus d’exigences en termes de spécifications, plus de choix en matières premières, plus d’intervenants différents . Tous ces changements ne rendent pas toujours aisé le processus de construction, ni même la communication entre le client et les différents acteurs d’un projet.
« Le marché a donc tendance à s’axer de l’offre vers la demande » . Sur ce genre de marché les rôles changent et la demande aussi, l’architecte perdra en importance, et ce, au profit de l’entrepreneur qui devra répondre aux envies de plus en plus exigeantes des clients. En effet, les clients d’aujourd’hui veulent être informés, réclament plus de transparence au niveau des prix et veulent un travail sur mesure adapté à leurs besoins .
Les clients d’aujourd’hui privilégient une partie qui résout la totalité du projet pour eux. Pour pouvoir faire face à ces changements, les intervenants ne peuvent plus se contenter de la configuration tripartite traditionnelle, en effet, afin de répondre à cette nouvelle demande ils doivent revoir leur manière de s’organiser et de collaborer entre eux . Il s’avère obligatoire de passer d’une fragmentation en étapes à une collaboration interdisciplinaire, et ce, dès le stade de la conception.
Afin de répondre à ce besoin de plus en plus omniprésent, le secteur de la construction va donc voir apparaître sous l’influence anglo-saxonne, de nouveaux modes de collaborations multidisciplinaires tels que les contrats « design and build », « design-build-financemaintain », « design-build-finance-maintain-operate » et le contrat de « bouwteam ». Mais qu’est ce qui caractérise ces collaborations interdisciplinaires « qui ont été importées en Belgique sans que la question de leur validité par rapport à la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte n’ait été posée » .
INTRODUCTION |