Évolution du rôle des professionnels de santé dans le sevrage tabagique
Le tabagisme : état des lieux d’un enjeu de santé publique
Le tabac étant une cause très importante de morbidité et de mortalité dans la population française, il s’est avéré essentiel de surveiller l’évolution de sa consommation et d’en mesurer les conséquences sur la santé. Tout ceci, dans le but d’apporter aux fumeurs un accompagnement et des techniques de sevrage adaptés à leurs besoins. Ce qui n’est pas forcément tâche aisée, sachant qu’il existe de nombreux profils de fumeurs, plusieurs formes de dépendances et différents degrés de motivation à l’arrêt. 1) Le tabagisme et ses conséquences a. Epidémiologie du tabagisme Préalablement à l’étude du tabagisme dans la population française, commençons par définir les différentes catégories de fumeurs. Un fumeur quotidien est un individu déclarant fumer tous les jours ou déclarant une consommation de cigarettes (manufacturées ou roulées) par jour, quant au fumeur occasionnel, il déclarera fumer, mais pas quotidiennement. Sans précision, le terme « fumeur » regroupe ces deux catégories. Un ex-fumeur est une personne ayant fumé par le passé, que ce soit occasionnellement ou quotidiennement, mais qui déclare ne pas fumeur au moment de l’enquête. Une personne qui déclare avoir fumé seulement une ou deux fois pour essayer, est considérée comme n’ayant jamais fumé. En 1992, le CFES (ex-Inpes), avec le soutien de nombreux organismes français (la Cnam, l’Inserm, la Drees et l’OFDT) crée le baromètre santé. Cette enquête vise à suivre les attitudes et perceptions liées aux prises de risques et à l’état de santé de la population résidant en France, et notamment celles liées au tabagisme. Les prévalences du tabagisme sont présentées selon plusieurs variables sociodémographiques : âge, sexe, diplôme, situation professionnelle et revenus. Le Baromètre santé 2017 2 fait état de 31,9% de fumeurs chez les 18-75 ans, 35,2% des hommes et 28,7% des femmes (p<0,001). La consommation quotidienne de tabac s’élevait, elle, à 26,9% (Figure I.1.) pour la même tranche d’âge, avec une prévalence plus importante chez les hommes que chez les femmes (29,8% contre 24,2%, p<0,001). La consommation occasionnelle de tabac s’élevait à 4,9% (5,4% des hommes et 4,5% des femmes, p<0,05). Les ex-fumeurs représentaient quant à eux 31,1% et les personnes n’ayant jamais fumé 37,1% (p<0,001). Ces chiffres démontrent qu’après une stabilité observée entre 2010 et 2016, une baisse significative 19 du tabagisme de 3,2 points (soit une baisse de 9%, p<0,001) a été observée aussi bien chez les hommes que chez les femmes, représentant 1,4 million de fumeurs adultes en moins passant ainsi de 15,8 à 14,4 millions. De même pour la prévalence du tabagisme quotidien (baisse de 2,5 points, soit -8%, p<0,001, représentant une diminution d’environ 1 million) qui passe de 13,2 à 12,2 millions. La part d’ex-fumeurs restait stable Vs n-1, et la part des personnes n’ayant jamais fumé était quant à elle en augmentation (de 34,3% à 37,1%, p<0,001) (Figure I.2.). Figure I.1. Prévalence du tabagisme quotidien selon le sexe Figure I.2. Statut tabagique des 18-75 ans, France, parmi les 18-75 ans, France, 2000-2017I 2016 et 2017 Figure I.3. Prévalence (en %) du tabagisme quotidien selon l’âge et le sexe parmi les 18-75 ans, France, 2000-2017 I Sources : Baromètres santé 2000, 2005, 2010, 2014, 2016 et 2017, Santé publique France. Baromètre cancer 2015, INCa. Les * indiquent une évolution significative entre 2016 et 2017 : *p<0,05 ; ** p<0,01 *** p<0,001. 20 L’analyse des différences liées aux classes d’âge et au sexe (Figure I.3.), entre 2016 et 2017 parmi les hommes, montre que la prévalence de la consommation quotidienne de tabac a diminué de 9 points chez les 18-24 ans (de 44,2% à 35,3%, p<0,001), pour atteindre le plus bas niveau depuis 2000, alors qu’elle est restée stable chez les femmes du même âge. La prévalence a également diminué parmi les hommes de 45-54 ans, passant de 36,1% à 30,5% (p<0,05), ce qui met fin à une hausse continue depuis le début du XXIème siècle pour cette classe d’âge. De même, une diminution du tabagisme quotidien chez les femmes parmi les 55- 64 ans est observée, ce qui constitue la première baisse observée après une longue période d’augmentation constante. Enfin, en se basant sur trois caractéristiques sociodémographiques (diplôme, revenus et catégorie socioprofessionnelle), et par extrapolation, les résultats montrent qu’une personne sans diplôme (36,3%) qui sera assimilé à un revenu de 1er tercile (34,0%) voire à une situation professionnelle délicate (43,5%) représente la catégorie la plus touchée par le tabagisme quotidien, à l’opposé d’une personne ayant fait des études supérieures (19,8%), et ayant un revenu élevé (19,5%) qui sera moins touchée. (Figure I.4.) Figure I.4.a. Selon le diplôme Figure I.4.b. Selon le revenu Figure I.4.c. Selon la situation professionnelle Figure I.4. Prévalence du tabagisme quotidien selon le diplôme (18-75 ans), le revenu par unité de consommation (18-75 ans) et la situation professionnelle (18-64 ans), France, 2000-2017 21 Afin de suivre l’évolution du tabagisme en France, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) réalise depuis 2004, à la demande de la MILDT (devenu MILDECA), une analyse trimestrielle et fournit ses résultats sous la forme d’un « tableau de bord tabac ». Les chiffres de ce tableau de bord sont récoltés auprès de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), du Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques (GERS), de la Caisse nationale d’Assurance maladie (CNAM) et de Santé publique France (exINPES). Ces tableaux permettent de donner une vue synthétique des principaux indicateurs liés aux ventes de tabac, à la prise en charge des fumeurs et aux actions de prévention et d’information. Le tableau de bord 2018 2 fait état d’une diminution de 8,8% des ventes de tabac par rapport à 2017, qui s’élèvent à 49 740 tonnes dans le réseau des buralistes de France continentale. En effet après quatre années (2014-2017) durant lesquelles les ventes étaient stables, le volume passe sous le seuil symbolique des 50 000 tonnes. (Figure I.5.)
Comorbidités psychologiques
De nombreuses études épidémiologiques ont montré que la prévalence des troubles psychiques sont plus élevés chez les fumeurs que chez les non-fumeurs. Et réciproquement. En effet, la prévalence du tabagisme est deux à trois fois plus élevé chez les sujets présentant des troubles psychiatriques. Ainsi, dans la méta-analyse de Luger et al.7 , il a été prouvé que le risque de trouble dépressif était jusqu’à deux fois plus élevé que chez les non-fumeurs et ex-fumeurs. Alors que dans l’étude Epidemiologic catchment area (ECA) menée chez des sujets avec des antécédents de dépression, 70-80% des sujets étaient ou avaient été fumeurs. Les liens entre dépression et tabagisme semblent bidirectionnels, plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette comorbidité, notamment l’automédication de la dépression par le tabac. Les troubles anxieux (phobies sociales, stress post-traumatiques,…) peuvent également favoriser l’initiation au tabagisme et la dépendance nicotinique. Le tabagisme et la dépendance nicotinique peuvent aussi favoriser les troubles anxieux généralisés et les troubles paniques. 8 Les études sur le tabagisme chez les patients bipolaires sont plus rares, et dans cette population, la consommation varie entre 60 et 69%, soit 2 à 3 fois plus qu’en population générale. Il est associé, chez cette population, à une sévérité plus grande de la dépression et à des conduites suicidaires. La dépendance est plus forte et l’arrêt du tabac est bien plus compliqué en raison de niveaux d’impulsivité plus élevés lors d’épisodes maniaques et hypomaniaques. La consommation de tabac est fréquemment associée chez ces patients à l’abus/dépendance aux drogues ou l’alcool.9 En effet, l’abus de substances psychoactives est perçu comme une comorbidité notamment l’alcoolo-dépendance qui est dix fois plus fréquente chez les fumeurs.
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